L'abolition de la Loi sur les petits prêts : un geste irresponsable de la part du gouvernement canadien

La Fédération des ACEF

OCTOBRE 1980

LA SEULE LOI QUI RÉGLEMENTAIT UN TANT SOIT PEU L'INTÉRÊT SUR LES PRÊTS SERA ABROGÉE

Le 22 juillet dernier, par le Bill C-44, messieurs Andre Ouellet, Jean Chrétien et Pierre Bussières, respectivement ministre de la Consommation et des Corporations, ministre de la Justice et ministre d'Etat aux Finances, rendaient caduque la Loi sur les Petits prêts et la remplaçaient par une sanction pénale dans le Code criminel interdisant les prêts portant intérêt à 60% et plus. Ce Bill a été sanctionné par la Chambre des Communes en quelques minutes, dès que les parties d'opposition eurent été rassurés que la sanction pénale contre ceux qui prêteraient à plus de 60% d'intérêt ne serait pas trop sévère! Ce Bill devra être approuvé par les sénateurs et proclamé en vigueur dès cet automne.

QU'EST-CE QUE LA LOI SUR LES PETITS PRÊTS

La Loi sur les petits prêts est une loi fédérale qui limite les taux d'intérêt sur les emprunts de $1,500 et moins. Les compagnies de finance (fédérales et provinciales), les caisses d'économie et de crédit, les caisses populaires, enfin tous ceux qui prêtent régulièrement de l'argent à plus de 1% d'intérêt par mois (sauf les banques à charte) sont tenus de respecter la Loi sur les petits prêts.

Le Ministre des Finances et le Surintendant des Assurances du Canada sont chargés de faire respecter cette loi.

La limite de $1,500 doit correspondre au capital net, soit le montant réellement reçu par l'emprunteur. La limite du taux d'intérêt se calcule de la façon suivante:

Prêt

Intérêt

% par année

de $1.00 à $300.00

2% par mois

24%

de $301.00 à $1,000

1% par mois

12%

de $1001.00 à $1,500

0.5% par mois

6%

La loi prévoit que l'emprunteur peut rembourser à l'avance sans pénalité.

Pour les prêts à long terme, c'est-à-dire les prêts de $500.00 ou moins consentis pour une période de plus de 20 mois, ou les prêts de plus de $500.00 consentis pour une période de plus de 30 mois, le taux est de 1% par mois sur le solde impayé.

En cas de consolidation de prêts (refinancement), le taux est de 0.5% par mois sur tout montant excédant $1,500. Voici un exemple:

le 1er janvier, monsieur B emprunte $1,200. Un an plus tard, il (ou son conjoint) désire emprunter un autre $1,200. Donc, même si le total du solde dû sur le premier prêt et le 2e prêt excède $1,500, le nouveau prêt est considéré comme un petit prêt. L'intérêt est calculé tel qu'expliqué plus haut pour la partie n'excédant pas $1,500 et Le capital net ne comprend pas les primes d'assurances imposées aux emprunteurs.

De plus, cette loi exige que les prêteurs d'argent (sauf les banques) détiennent un permis émis par le Ministre des Finances, fassent un rapport annuel de leurs opérations et se soumettent à l'inspection.

Si cette loi n'est pas respectée, les prêteurs peuvent être passibles d'une amende d'au plus $1,000.00.

Les banques à charte sont les seules institutions exemptées de la portée de la Loi sur les petits prêts, en vertu de la Loi des banques. D'ailleurs, depuis 1967, les banques à charte ne sont soumises à aucune loi concernant les taux d'intérêt.

LES TAUX D'INTÉRÊT: LA LOI DE LA JUNGLE

Seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de fixer par une loi ou un arrêté-en-conseil des taux d'intérêt sur l'argent, et ce en vertu de l'Acte d'Amérique du Nord Britannique. Ainsi, les gouvernements provinciaux peuvent faire des lois sur les contrats de crédit (comme la Loi sur la protection du consommateur au Québec) mais ne peuvent pas fixer des taux d'intérêt.

Ce qui a comme conséquence que s'il n'existe aucune loi fédérale qui fixe des taux d'intérêt sur les prêts, les prêteurs (banques, caisses, trusts, compagnies de finance) peuvent exiger des taux d'intérêt à leur gré, et nul ne peut intervenir.

Sans plafond d'intérêt par mesures législatives, tout le pouvoir en cette matière revient à la Banque du Canada qui fixe les taux d'escompte (taux de base) et à la haute finance qui, à son tour, fixe les taux d'intérêt (dit "taux préférentiels") en fonction du marché de la libre concurrence et de la marge bénéficiaire qui peut satisfaire son appétit! Si on résume simplement: C'EST LA LOI DE LA JUNGLE, LA LOI DU PLUS FORT...

Le seul recours qui demeure pour le travailleur québécois dont le pouvoir d'achat diminue rapidement à cause de l'inflation à tous les niveaux (impôts, taxes, nourriture, logement, transport, vêtement, services, biens divers de consommation), est celui prévu par le Code civil, à l'article 1040 (c):

"les obligations monétaires découlant d'un prêt d'argent sont réductibles ou annulables par le tribunal dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances (?), qu'elles rendent le coût du prêt excessif et l'opération abusive et exorbitante"

Ainsi, si un "coût excessif" est fixé à 60% par le Code criminel, comme le gouvernement canadien le propose pour compenser l'abrogation de la Loi sur les petits prêts et l'absence de toute mesure législative en matière de taux d'intérêt, les juges auront enfin le moyen par excellence pour se déresponsabiliser de ce pouvoir qui leur était conféré par le Code civil. De toute façon, à cause du pouvoir unilatéral du gouvernement canadien de fixer des taux d'intérêt, n'importe qui peut contester (et gagner!) cet article ou tout autre article du code civil et du code de procédure civile (ou toute autre loi québécoise) qui fixe un taux d'intérêt, et ce sur le seul fondement qu'ils sont anti-constitutionnels.

L'ABOLITION DE LA LOI SUR LES PETITS PRÊTS: UNE MISE EN SCENE TRÈS HABILE

Les trois ministres qui ont piloté et fait passer cette loi (le Bill C-44) à la Chambre des Communes, sont très conscients du geste qu'ils ont posé et des conséquences en découlant.

La Loi sur les intérêts, la Loi sur les banques et maintenant le Bill C-44, sont toutes des lois qui "font comprendre" qu'il n'y a aucune loi légiférant les taux d'intérêt. Cela fait des années que les compagnies de finance, et maintenant les Caisses populaires, pressent le gouvernement canadien d'abolir la Loi sur les petits prêts sous prétexte qu'elles sont victimes d'une injustice par rapport aux privilèges des banques et qu'elles ne peuvent concurrencer ces dernières.

Conjuguant leurs efforts à ceux des compagnies de finance, les Caisses populaires ont facilement réussi à faire céder le gouvernement canadien via ces trois représentants. Le Surintendant des assurances a entièrement endossé ce geste. C'est ce dernier d'ailleurs, ainsi que le ministre Ouellet, qui ont élaboré la mise-en-scène pour faire céder le gouvernement à ces pressions. Cette mise-en-scène, très habile, se retrouve en détail dans un "document de travail" en date du 9 juillet 1980 intitulé "Abrogation de la Loi sur les petits prêts, dont vous trouverez ci-joint un exemplaire (Annexe "A") et dont voici le résumé:

Extrait du Document de travail en date du 9 juillet 1980 *

1*.* l'objectif du document de travail

la Loi sur les petits prêts place les emprunteurs et les prêteurs dans une situation pénible, un allégement est requis de façon urgente par mesure législative

2.** le contexte de cet objectif

  • la loi n'a pas été révisée depuis 1956
  • elle impose des plafonds désuets de taux d'intérêt à ceux qui doivent la respecter
  • ces derniers subissent des pertes de profit: :

parce qu'ils ne peuvent prêter moins de $1,500 aux taux imposés par la loi sans subir des pertes de profit

ou

parce qu'ils doivent combler ces pertes en récupérant sur des prêts, supérieurs à $1,500

  • ce qui pénalise les emprunteurs que la loi est sensée protéger
  • à cause de l'augmentation des taux d'intérêt, les caisses d'épargne et de crédit, les caisses populaires et les compagnies fiduciaires se voient maintenant obligées de détenir un permis et de respecter les taux d'intérêt fixés par la loi; elles sont donc touchées par une loi qui "historiquement" ne leur était pas destinée
  • ceci entraîne des anomalies administratives
  • personne ne peut concurrencer les banques à des conditions égales, surtout dans le domaine des cartes de crédit: nouvelle forme de crédit comptant***

3.** les facteurs principaux

  • lorsque la loi a été révisée la dernière fois (1956), elle a fixé des taux d'intérêt fort élevés pour l'époque, laissant ainsi une bonne marge de bénéfice à ceux qui étaient touchés par la loi
  • maintenant cette marge de bénéfice est réduite et entraîne des pertes de profit depuis 6 ans et la fermeture de compagnies de prêts ou leurs succursales (89 en 1965 à 25 en 1980)
  • les compagnies qui restent refusent maintenant de faire des petits prêts, ce qui force les emprunteurs qui ne veulent pas emprunter plus de $1,500 à aller voir les "requins"
  • les caisses populaires nouvellement touchées par la loi considèrent qu'elles ne peuvent à la fois s'offrir des marges de bénéfice adéquates et répondre aux besoins de leurs clients ***
  • tout plafond de taux d'intérêt peut, au fil du temps, amener d'autres distorsions

4. la stratégie proposée

  • supprimer complètement le plafond des taux d'intérêt et s'en tenir à la concurrence entre les prêteurs pour conserver les taux au sein de limites acceptables en même temps, établir un taux "délictueux" constituant une infraction
  • si les associations de consommateurs réagissent, ralentir ces réactions en donnant au Cabinet des ministres le pouvoir de prescrire, par arrêtés-en-conseil, des plafonds de taux d'intérêt dans la Loi sur les petits prêts
  • quant à l'imposition de permis, d'inspection et de soumission de rapports annuels, les caisses populaires et compagnies fiduciaires ou hypothécaires pourraient en être exemptées, mais resteraient sujettes aux plafonds des taux d'intérêt fixés
  • par le loi ce qui toutefois serait injuste pour les compagnies de finance
  • ces mêmes institutions pourraient être totalement exemptées de la Loi sur les petits prêts, ce qui les placerait sur le même pied que les banques et limiterait la portée de la loi aux compagnies de finance et autres prêteurs d'argent
  • quant à la nouvelle forme de crédit (carte de crédit) et dans le but d'aider les caisses à concurrencer les banques à charte la loi pourrait être modifiée pour permettre aux caisses d'émettre leur carte de crédit sans être affectées par la loi

5. la stratégie retenue

L'abrogation de la Loi sur les petits prêts:

MAIS CES ARGUMENTS SONT SANS VALEUR SI:

un taux délictueux (60%!) est établi au Code criminel

si par des lois on impose aux banques et aux caisses, de même qu'aux compagnies de finance, de ne pas pénaliser les consommateurs qui payent d'avance le plafonnement de taux d'intérêt par arrêtés-en-conseil et selon les taux du marché: C'EST TROP DE PROBLEMES.

Le Mouvement ACEF dénonce ce geste IRRESPONSABLE de la part du Gouvernement Canadien

LE GOUVERNEMENT CANADIEN N'A CONSIDÉRÉ QUE LES INTÉRÊTS DES INSTITUTIONS FINANCIERES EN ABROGEANT LA LOISUR LES PETITS PRÊTS

Il ressort clairement du document de travail du gouvernement et, par la suite,des interventions publiques de ce dernier pour annoncer l'abrogation de cette loi, que seuls les intérêts des institutions financières sont retenus.

Le marché du prêt a la consommation, et particulièrement ce nouveau marché que constitue l'utilisation massive do la carte de crédit, représentent des sources de profits inimaginables: pensez à ce que peut représenter l'accès à tous les biens de consommation via l'utilisation massive des cartes de crédit: chaque achat par un seul consommateur devient une source potentielle de profit pour les institutions financières!

L'entrée massive des banques et des caisses sur le marché du prêt à la consommation s'explique par l'équation rapide entre profit et conjoncture économique. Ainsi, la conjoncture économique étant à un stade de crise inflationniste, les institutions financières capitalistes gèrent cette situation en fonction du maximum de profits à en retirer (tout comme les compagnies pétrolières ont quadruplé leurs profits par la crise énergétique):

  • elles s'attirent, d'une part, la clientèle de travailleurs qui occasionnellement rattrape un pouvoir d'achat par des augmentations de salaire
  • elles s'attirent, d'autre part, la clientèle de travailleurs qui doivent s'endetter pour combler une perte graduelle du pouvoir d'achat
  • elles chargent des taux d'intérêt inflationnistes et exigent des endosseurs et des garanties
  • le tout habillé d'une publicité soutenue et attrayante

Toute loi plafonnant les taux d'intérêt constitue donc pour elles un "os" répugnant et dangereux pour la santé de cette entreprise. Elles ont donc "fait savoir" au gouvernement qu'il devait éliminer cet "os" pour longtemps.

Les institutions financières se livrent une concurrence féroce pour s'accaparer le marché du prêt à la consommation, et particulièrement le marché de la carte de crédit. Pour encourager cette concurrence, le gouvernement abroge la Loi sur les petits prêts.

Il cède ainsi aux pressions des compagnies de finance

Il est clair que le gouvernement est conscient du fait que les compagnies de finance sont en nette régression. Leurs baisses de profit sont réelles (elles ont quand même, à 23 pour 1979, cumuler des profits nets après impôt de $17,289,746*) et cela n'est pas dû entièrement aux raisons mentionnées dans le document de travail. En fait, si ce document était vraiment, complet, il mentionnerait:

  • que les compagnies de finance peuvent difficilement, dans cette nouvelle conjoncture, concurrencer les banques et les caisses, et ce pour de simples raisons d'infrastructure
  • que le marché du petit prêt baisse parce qu'elles refusent systématiquement d'en faire et parce qu'elles détournent depuis longtemps la Loi sur les petits prêts concernant les refinancements
  • et qu'elles ferment, leur porte non pas à cause de la Loi sur les petits prêts, mais à cause de l'entrée massive des banques et des caisses sur le marché du prêt à la consommation

De plus, leur politique, entre autres, de harcèlement des emprunteurs (allant même jusqu'à faire perdre des jobs), de taux d'intérêt à un minimum de 25%, de non-respect de la Loi sur les petits prêts dans les cas de refinancement, leur a permis d'acquérir une réputation "spéciale". Le gouvernement canadien n'a jamais levé le petit doigt pour mettre un frein à ces agissements de notoriété publique.

Le mouvement Acef, pendant plusieurs années, a systématiquement informé le Surintendant des assurances et le ministre de ces agissements par l'enregistrement de multiples plaintes (voir Jurisprudence, Acef)

Il cède aussi aux pressions des caisses populaires et d'économie

Il est également clair dans Le document de travail du gouvernement que le principal argument qui l'a motivé à abroger la Loi sur les petits prêts est de permettre aux caisses d'émettre leur carte de crédit sans "l'ennui" que représente cette loi et de concurrencer directement les banques. Dans un système capitaliste digne de lui-même, il ne peut exister de loi qui constitue une "enfarge" à la libre concurrence.

De plus, le gouvernement démontre qu'en se faisant le gardien des institutions financières et, par ce fait, en s'assurant qu'aucune loi ne les gène, il ne contrôle plus l'ÉCONOMIE et permet l'engagement conséquent d'une concurrence entre le capital financier et le capital industriel: a moyen terme, le fait de laisser libre cours au capital financier de tirer ses profits par les taux d'intérêt, grugera de façon accélérée le pouvoir d'achat des travailleurs et, ainsi, provoquera une diminution dans l'écoulement des biens.

Il laisse aux institutions financières le loisir de déterminer la marge de bénéfice qui leur plaît

Nous devons présumer que le gouvernement est conscient que les taux d'intérêt de 18% à 32% pour les prêts à la consommation et de 24% sur les cartes de crédit ne sont que conjoncturels et temporaires et qu'il permettra des hausses graduelles de taux d'intérêt qui ne correspondent qu'aux marges de bénéfice recherchées par les institutions financières. Ces taux auront atteint, d'ici quelques années, des niveaux tellement élevés, que le gouvernement pourra à ce moment-là faire des lois fixant les plafonds d'intérêt à 30%... et il se dira un bon gouvernement !

LE GOUVERNEMENT CANADIEN N'A AUCUNEMENT CONSIDERE LES INTÉRÊTS DES CONSOMMATEURS

Il invoque dans son document de travail que la Loi sur les petits prêts est désuète, qu'elle n'est plus nécessaire pour empêcher l'exploitation des emprunteurs; que les consommateurs n'ont plus de besoins urgents d'argent puisqu'ils ont maintenant le bien-être social et la sécurité du revenu; que les emprunteurs ont maintenant accès à plus de sources de crédit; et que les emprunteurs ont maintenant accès à la carte de crédit. Il n'invoque pas, par contre, les arguments qui démoliraient rapidement ces énoncés. En voici quelques-uns:

La situation économique dans laquelle se trouvent les travailleurs

Chaque habitant au Canada est endetté de $1,782, soit une moyenne par famille de 2 adultes, 2 enfants, de $7,128 (Statistiques Canada, 1978, indexées). La compilation pour 79-80 de 546 dossiers de consultation budgétaire du mouvement Acef, donne environ ces mêmes chiffres: $7,377 par famille moyenne.

Les derniers chiffres du Ministère fédéral de la Consommation, et des Corporations démontrent, qu'il y a eu 13,745 faillites personnelles au Canada depuis le début de l'année; ce qui signifie une hausse de 17.8% par rapport à l'an dernier. Mentionnons que 32.8% des 546 familles (dossiers compilés) qui ont consulté les Acef en 1979, présentaient une situation d'endettement grave et ont dû déclarer faillite. 58% des 546 familles vivent sous le seuil de la pauvreté et 65% de ces familles emploient les deux-tiers de leur revenu total pour le logement, la nourriture et les vêtements.

Le stress qu'entraîne la difficulté de "boucler le budget": la rémunération hebdomadaire moyenne des salariés québécois pour l'ensemble des industries est de $309.30 brut (Revue Le Marché du travail, Ministère du travail, septembre 1980, vol. 1 no 5); tandis qu'il en coûte un estimé de $288.00 par semaine pour faire vivre une famille moyenne (La Presse, 4 avril 1980). Mentionnons qu'un tel budget ne peut prévoir des remplacements mineurs (lunettes, réparations, meubles), encore moins des remplacements majeurs (auto, toiture, plomberie, etc.) et qu'un imprévu telle la maladie ou un accident peut provoquer le renversement économique d'un budget, de l'endettement avec capacité de remboursement à un endettement grave et problématique.

La perte du pouvoir d'achat des travailleurs

L'inflation et la dévaluation du dollar canadien sont des causes de cette perte de pouvoir d'achat.

Si on indexe le plafond de $1,500 fixé en 1956 par la Loi sur les petits prêts, on arrive à un chiffre (selon Statistiques Canada) de $4,186.80 pour 1980. C'est donc dire que pour acheter, en 1980, ce qu'on aurait pu acheter en 1956 avec $1,500, il nous faut $4,186.80 (le rapport d'augmentation est de 179.12%). LA LOI SUR LES PETITS PRETS NE SERAIT PLUS DESUETE SI ON L'INDEXAIT PROPORTIONNELLEMENT À LA DEVALUATION DU DOLLAR.

Les taux d'intérêt sont une autre cause sérieuse de cette perte de pouvoir d'achat et d'endettement.

Les plafonds de taux d'intérêt fixés en 1956 par la Loi sur les petits prêts à" 15.2% sur $1,500 constituaient une marge de bénéfice très élevée pour la période. ILS SONT PAR CONTRE TRÈS PRÈS DES TAUX EXIGÉS AUJOURD'HUI PAR LES BANQUES ET LES CAISSES SUR LES PRÊTS PERSONNELS. Donc, la loi sur les petits prêts n'est pas désuète sur ce plan-là.

D'un autre côté, les marges de bénéfice recherchées par le biais de la carte de crédit (21% pour les magasins et 24% pour les banques) constituent une vraie perte de pouvoir d'achat et ne s'expliquent que par les coûts administratifs qu'entraîne la mise sur le marché d'une carte de crédit.

Les agissements de certaines institutions financières

Certaines institutions financières, et particulièrement les compagnies de finance, par des gestes légaux et illégaux, grugent littéralement les budgets de leurs clients et le renversent rapidement dans une situation d'endettement très grave. Le présent dossier serait volumineux si on s'y attardait: c'est pourquoi nous invitons tous ceux qui seraient intéresses à approfondir cette question à communiquer avec l'Acef de Montréal. Tous ces agissements représentent des profits de millions de $ pour ces institutions financières et sont conséquents a une absence de législation sérieuse et complète en matière de crédit à la consommation et de surveillance systématique des institutions financières.

POUR TOUS CES MOTIFS nous pouvons conclure que

l'abrogation de la Loi sur les petits prêts

et

l'absence de législation plafonnant les taux d'intérêt et imposant la surveillance des institutions financières

SONT DES GESTES IRRESPONSABLES ET ANTI-SOCIAUX DE LA PART DU GOUVERNEMENT ET C'EST POURQUOI LE MOUVEMENT ACEF REVENDIQUE LES MESURES SUIVANTES, DANS L'UNIQUE BUT DE DÉFENDRE LES DROITS DES TRAVAILLEURS DE LA FAÇON LA PLUS RÉALISTE POSSIBLE.

Le Mouvement ACEF revendique :

LE MAINTIEN D'UNE LÉGISLATION CONCERNANT LES "PETITS PRÊTS" PAR SA MISE À JOUR DE LA FAÇON SUIVANTE:

UN ÉLARGISSEMENT DE SA JURIDICTION AUX BANQUES ET AUX MAGASINS-ÉMETTEURS DE CARTES DE CRÉDIT

ELLE COUVRIRAIT AINSI LES BANQUES, LES CAISSES, LES TRUSTS, LES COMPAGNIES DE FINANCE ET LES MAGASINS- ÉMETTEURS DE CARTES DE CRÉDIT

UNE COUVERTURE DE TOUTES LES FORMES DE CRÉDIT OU PRÊT D'ARGENT

ELLE COUVRIRAIT AINSI LES PRÊTS D'ARGENT À LA CONSOMMATION ET TOUTES LES FORMES DE CARTES DE CRÉDIT

UN PLAFOND DE TAUX D'INTÉRÊT BASE SUR LE TAUX D'ESCOMPTE FIXE PAR LA BANQUE DU CANADA ET SUR LE TAUX PREFERENTIEL DES BANQUES À CHARTE
  • le taux d'escompte: 12%

plus

  • marge de bénéfice : 4%
  • taux préférentiel 16%
UNE AUGMENTATION DU MONTANT COUVERT PAR LA LOI EN FONCTION DE LA DÉVALUATION DU DOLLAR CANADIEN

$4,200 AU lieu de $1,500

  • LA DÉTENTION DE PERMIS, L'INSPECTION DES LIVRES ET L'ÉMISSION DE RAPPORTS ANNUELS POUR TOUTES LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET LES MAGASINS-EMETTEURS DE CARTES DE CRÉDIT
  • UN PROGRAMME D'EDUCATION PUBLIQUE DE CETTE LEGISLATION
  • LE MAINTIEN DES ASPECTS DE LA LOI ACTUELLE SUR LES PETITS PRÊTS QUI PROTEGENT LE CONSOMMATEUR
  • LA MISE À JOUR DU MONTANT DES AMENDES EN CAS DE NON-RESPECT DE CETTE LOI

LE MOUVEMENT ACEF OCTOBRE 1980

NOTES

* les soulignés et les notes en bas de page ont été rajoutés par les auteurs
** les trois premiers points ont été invoqués publiquement lors de l'annonce de l'abrogation de la Loi sur les petits prêts
*** si les caisses populaires mettaient en marche leur carte de crédit sous l'empire de la Loi sur les petits prêts, elles ne pourraient imposer des taux d'intérêt, comme les banques, de 24% sur des soldes impayés de $1,500 et moins
* Voir Rapport du Surintendant des Assurances du Canada: Données récapitulatives, 31 décembre 1979, département des assurances.
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