Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada



Mars 2001

Mémoire de la FCFA déposé à la Cour d'appel de l'Ontario dans la cause de l'hôpital Montfort




numéro du dossier de la cour : C33807

COUR D'APPEL DE L'ONTARIO

ENTRE :

GISÈLE LALONDE, MICHELLE DE COURVILLE NICOL
et HÔPITAL MONTFORT

Requérants
(Intimé en Appel)

- et -

COMMISSION DE RESTRUCTURATION DES SERVICES DE SANTÉ

Intimée
(Appelante en Appel)

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES,
L'ASSOCIATION CANADIENNE FRANÇAISE DE L'ONTARIO (L'ACFO),
LA FÉDÉRATION DES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE DU CANADA (FCFA)

Intervenants

MÉMOIRE DE L'INTERVENANT - LA FCFA

Partie I - Sommaire

Partie II - Les faits

Partie III - Questions en litige

Partie IV - Argumentation

Annexe A - Autorités


PARTIE I - SOMMAIRE

1. L'hôpital Montfort est une institution francophone de soins de santé qui offre des soins requérant une hospitalisation, des soins de chirurgie, des soins d'urgence et un excellent programme de formation des médecins, dans un environnement francophone.

2. Les directives de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario (ci-après la « Commission ») amputeront Montfort de la plupart des services qu'il offre présentement, notamment de son centre d'urgence.

3. L'effet de cette décision sera de priver la communauté franco-ontarienne d'une de ses institutions les plus fondamentales, d'une institution nécessaire à sa survie et à son épanouissement. La conséquence sera de contribuer à l'assimilation de la communauté franco-ontarienne, déjà alarmante.

4. Les directives de la Commission représentent donc un recul sérieux, important et majeur de la situation de la minorité franco-ontarienne.

5. L'intervenante FCFA est d'accord avec les arguments présentés par les demandeurs (intimés en appel) devant cette honorable Cour.

6. L'intervenante prétend de plus que le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés, interprété à la lumière du principe constitutionnel non-écrit de protection des minorités, empêche le gouvernement de la province et ses organismes de prendre des décisions qui ont pour effet d'entraîner un recul dans l'égalité de la langue française et de la langue anglaise dans la province.

7. En conséquence, les directives sont inopérantes.


PARTIE II - LES FAITS

8. L'intervenante est la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, une association dont le but et la raison d'être est de promouvoir la francophonie minoritaire et de contribuer au développement et à l'épanouissement de ses communautés.

9. L'intervenante s'en remet à l'exposé des faits de la Cour divisionnaire. Elle souligne les éléments suivants, qui lui semblent importants pour les fins de son argumentation.

10. L'intervenante désire rappeler les principes d'interprétation en matière de droits linguistiques tels que décrits par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Beaulac et confirmés par la même cour dans l'arrêt Arsenault-Cameron:

[L]es droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada.
R. c. Beaulac, [1999] 1. R.C.S. 768, au par. [25].
Arsenault-Cameron c. Ile-du-Prince-Edouard,
[2000] 1 R.C.S. 3 au par. [45]

11. Le procureur général de l'Ontario commet une erreur d'interprétation lorsqu'il affirme :

"(...), Dr. Victor Goldbloom, an experienced paediatrician who, at the time of the Application, was the federal Commissioner of Official Languages, testified that, though he was trained at McGill University entirely in English, he was able to provide quality care to the many French-speaking children in his practice.

Goldbloom Examination, pp. 123-126, Transcripts, Vol. 2, Tab 6, p. 67."

12. Doit-on comprendre de cette remarque que le procureur général de l'Ontario est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une formation médicale en français pour pouvoir fournir des services adéquats en français puisque le Dr Goldbloom, nonobstant le fait qu'il ait reçu sa formation médicale en anglais, a été néanmoins en mesure de dispenser des soins de qualité en français pendant sa carrière et qu'en conséquence, l'absence d'un milieu de formation francophone ne met pas en danger la santé des Franco-ontariens?

13. Dans la mesure où l'on peut comprendre de cette façon la remarque du procureur général de l'Ontario, on peut suggérer que le fait que l'absence d'un milieu de formation francophone ne met pas en danger la santé des Franco-ontariens (ce qui n'est pas admis) ne doit pas être considéré comme étant une condition préalable au respect de droits linguistiques. Le concept de nécessité qui découle de la proposition du procureur général de l'Ontario (la formation médicale en langue française ne serait, semble-t-il, nécessaire au plan juridique que si son absence mettait en danger la santé des Franco-ontariens) ne peut être celle qui doit guider cette Cour.

14. Il y a lieu de soumettre en conséquence que dans la mesure où l'on interprète les propositions et remarques du procureur général de l'Ontario en ce sens, il ne faut pas aborder de cette façon l'interprétation des droits linguistiques car cela cautionnerait alors pour le moins un point de vue régressif dans l'application de ces droits, ce que la Cour suprême du Canada ne permet pas.

15. De plus, le procureur général de l'Ontario formule, aux pp. 44-45 de son mémoire, les remarques additionnelles suivantes :

"140. The evidence demonstrates that the desirability of providing medical services in the patient's mother tongue is not unique to francophones, but applies to everyone, whether their mother tongue is English or French, Arabic or Cree. Dr. Goldbloom, the federal Official Languages Commissioner and an experienced physician, acknowledged this. Dr. Wilson testified to the same effect.

Goldbloom Examination, pp. 130-131, 156-157, Transcripts, Vol. 2, Tab 6, pp. 68, 75-66

Wilson Cross-examination, p. 130, Transcripts, Vol. 2, Tab 5, p. 37

141.The evidence also demonstrates that a high level of medical care can be and is provided, both in Ottawa-Carleton and elsewhere, by physicians who do not speak the patient's mother tongue. Dr. McNaughton-Filion, of the emergency department at Montfort, testified that the department provides a high level of care to all of the patients that it sees, regardless of their mother tongue. She agreed that Montfort serves not only francophones and anglophones, but also patients from among the many residents of the community whose mother tongue is neither English nor French. Dr. Wilson testified that, though the situation was not ideal, she was able to provide very good care to unilingual Cree patients in Northern Ontario. Even the affidavit of Senator Gauthier, which sets out complaints about not receiving services in French at the Ottawa General Hospital, contains nothing to suggest that he did not receive high quality care.

McNaughton-Filion Cross-examination, pp. 3-11, Appeal Book, Vol. C5, Tab 31, pp. 1696-1697; Wilson Cross-examination, pp. 77, 131-132, Transcripts, Vol. 2, Tab 5, pp. 23-24, 37; Gauthier Affidavit, Appeal Book, Vol. B6, Tab 15." [Nous soulignons]

16. Ces remarques laissent entendre que la nécessité de fournir des services médicaux dans la langue du patient n'est pas unique aux francophones, mais s'applique à tous. Ces remarques participent également à la proposition plus générale du procureur général de l'Ontario à l'effet qu'il n'est pas semble-t-il nécessaire de dispenser des services médicaux dans la langue du patient pour fournir un service médical adéquat. De plus, lorsque conjugué avec la proposition générale du procureur général de l'Ontario à l'effet que cette cause a des implications par rapport aux revendications d'autres minorités, on pourrait alors comprendre - à tort ou a raison - que le procureur général de l'Ontario craint que si l'on confirme les droits des Franco-ontariens dans cette cause, l'Ontario sera alors constitutionnellement tenue de composer avec un grand nombre de demandes formulées par l'ensemble de ces communautés de minorités.

17. Il y a lieu ici aussi d'appréhender que dans la mesure où l'on doit ainsi comprendre le passage cité du mémoire du procureur général de l'Ontario, on pourrait utiliser la situation des minorités autres que francophones pour justifier le non respect des droits qui leurs appartiennent en propre, plaçant alors le droit des uns aux prises avec le droit des autres. Le fait que l'Ontario ne soit pas en mesure de fournir, par l'exemple identifié dans le passage cité, à l'ensemble de la communauté Arabe ou à l'ensemble de la communauté Cris des services de santé dans leur langue ne peut justifier le non-respect des droits des francophones de l'Ontario. L'extrapolation logique de la position du procureur général de l'Ontario entraîne invariablement une vision des choses où l'on encourage un aplanissement à la baisse des droits de toutes les minorités, la plus faible de celles-ci devant servir d'exemple pour les autres.

18. De par cette prise de position, le procureur général de l'Ontario, tout comme la Commission, considère, à tort, que Montfort n'est qu'un comptoir de services en français sans aucune reconnaissance du statut particulier de la langue française en Ontario. Cette position est tout à fait incompatible avec les principes d'interprétation des droits linguistiques tels qu'énoncés par le plus haut tribunal du pays.

19. Enfin, la preuve non contredite et acceptée par la Cour divisionnaire a révélé que :

a. Montfort offre tous ses services en français dans un milieu francophone; la langue de travail y est le français;
b. Les directives de la Commission vont amputer Montfort de la plupart de ses services essentiels, en particulier de son centre d'urgence, de ses services de chirurgie et des services médicaux requérant une hospitalisation;
c. En conséquence, le programme de formation des médecins de Montfort ne sera plus en mesure d'offrir à ses candidats un stage complet les préparant adéquatement à l'exercice de la profession médicale;
d. Les Franco-ontariens et Franco-ontariennes qui reçoivent présentement des soins de santé à Montfort devraient, si les directives sont appliquées, se rendre dans des hôpitaux bilingues;
e. Les hôpitaux bilingues de la région du sud-est ontarien ne sont pas en mesure d'offrir un milieu de langue française, ni des soins de santé en français en tout temps; la désignation ne corrigera pas ce problème; la langue de travail de ces hôpitaux est l'anglais;
f. Chaque fois qu'une communauté linguistique minoritaire perd l'une de ses institutions homogènes, elle est placée dans une situation de plus en plus difficile et la cadence de son assimilation augmente.


PARTIE III - QUESTIONS EN LITIGE

20. La Cour divisionnaire a-t-elle commis une erreur de droit en prononçant la nullité des directives de la Commission?

21. Le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés crée-t-il une obligation pour le gouvernement provincial de justifier tout recul dans la progression vers l'égalité linguistique?


PARTIE IV - ARGUMENTATION

22. L'intervenante défend la position suivante :

a. Le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés s'interprète à la lumière du principe non écrit de protection des minorités;

b. Ainsi interprété dans son contexte, le paragraphe 16(3) de la Charte impose au gouvernement de l'Ontario et à la Commission l'obligation constitutionnelle de veiller à ce que toute mesure ou décision ayant des effets sur la minorité francophone de la province aille dans le sens du principe de progression vers l'égalité linguistique;

c. L'égalité des langues française et anglaise en Ontario a pour fondement le maintien et le développement de la communauté franco-ontarienne;

d. Le maintien et le développement de la communauté franco-ontarienne passe par le maintien et le développement de ses institutions homogènes;

e. Les directives de la Commission ont pour effet de réduire de façon très importante les services dispensés par une institution franco-ontarienne et en réalité de priver les Franco-ontariens et Franco-ontariennes d'une institution où ils et elles reçoivent des soins de santé dans leur langue, dans leur milieu;

f. Ainsi, les directives de la Commission causent un recul de la progression vers l'égalité linguistique dans la province;

g. La Commission et le gouvernement de l'Ontario ne respectent donc pas leur obligation découlant du principe de progression vers l'égalité linguistique;

h. La Commission et le gouvernement de l'Ontario n'ont pas tenu compte de l'importance du maintien de Montfort en tant qu'institution qui dispense des soins de santé dans la province et donc n'ont pas pu faire la preuve que ce recul dans la situation de la communauté franco-ontarienne était nécessaire et justifié par des objectifs plus importants que la progression vers l'égalité linguistique.

A) Le principe constitutionnel non écrit de protection des minorités comprend le principe de la dualité linguistique canadienne

23. Le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés dispose :

(3) Nothing in this Charter limits the authority of Parliament or a legislature to advance the equality of status or use of English and French. (3) La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais.

24. Comme toute autre disposition constitutionnelle, ce paragraphe doit s'interpréter selon son objet et son contexte. L'objet de cette disposition découle du principe constitutionnel non écrit de protection des minorités.

25. Les principes constitutionnels non écrits sont tirés à la fois du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, de l'histoire constitutionnelle canadienne et des valeurs qui sous-tendent la Constitution.

26. Les principes aident les tribunaux à identifier l'objet des dispositions constitutionnelles ou à préciser les obligations juridiques qui en découlent :

Ces principes guident l'interprétation du texte et la définition des sphères de compétence, la portée des droits et obligations ainsi que le rôle de nos institutions politiques.
Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 au par. [50] (Nous soulignons)

27. À l'époque de la Confédération, la protection des minorités s'entendait entre autres comme incluant la protection de la dualité linguistique canadienne :

Les délégués approuvent 72 résolutions, touchant presque tout ce qui formera plus tard le texte final de la Loi constitutionnelle de 1867. Y figurent des garanties visant à protéger la langue et la culture françaises, à la fois directement (en faisant du français une langue officielle au Québec et dans l'ensemble du Canada) et indirectement (en attribuant aux provinces la compétence sur l'éducation et sur [l]a propriété et les droits civils dans la province »). La protection des minorités est ainsi réaffirmée.
Idem, au par. [38]. (Nous soulignons)

28. Si l'octroi aux provinces de la compétence en éducation avait pour objet la protection des francophones du Québec, devenus minoritaires dans l'ensemble fédéral canadien, cet octroi a aussi donné l'occasion aux provinces à majorité anglophone de bafouer les droits de leur minorité francophone. Fidèle au principe de progression, le Canada s'est doté, en 1982, de garanties linguistiques spécifiques par le biais de l'article 23 de la Charte :

Cet ensemble de dispositions, le législateur constituant ne l'a pas édicté dans l'abstrait. Quand il l'a adopté, il connaissait et il avait évidemment à l'esprit le régime juridique réservé aux minorités linguistiques anglophone et francophone relativement à la langue de l'enseignement par les diverses provinces au Canada.......À tort ou à raison, ce n'est pas aux tribunaux qu'il appartient d'en décider, le constituant a manifestement jugé déficients certains des régimes en vigueur au moment ou il légiférait, et peut-être même chacun d'entre eux, et il a voulu remédier à ce qu'il considérait comme leurs défauts par des mesures réparatrices uniformes, celles de l'art. 23 de la Charte, auxquelles il conférait en même temps le caractère d'une garantie constitutionnelle.
Quebec Association of Protestant School Boards c. Procureur général du Québec [1984] 2 R.C.S. 66 à la p. 79. (Nous soulignons)

29. Les constituants réaffirmaient ainsi le principe constitutionnel non écrit de protection des minorités linguistiques en tant que caractéristique fondamentale du Canada :

L'objet général de l'art. 23 est clair : il vise à maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu'elles représentent et à favoriser l'épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n'est pas parlée par la majorité. L'article cherche à atteindre ce but en accordant aux parents appartenant à la minorité linguistique des droits à un enseignement dispensé dans leur langue partout au Canada.
Mahe c. Alberta [1990] 1 R.C.S. 342 p. 362

30. L'objet du paragraphe 16(3) est semblable : il vise à assurer l'épanouissement de la langue française en Ontario par l'engagement de favoriser la progression vers l'égalité linguistique.

31. Dans le Renvoi sur la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a reconnu au moins quatre principes structurels et en a tiré une obligation juridique de négocier la sécession d'une province dans le respect de chacun des quatre principes, les résultats des négociations relevant d'une appréciation politique :

La tentative légitime, par un participant de la Confédération, de modifier la Constitution a pour corollaire l'obligation faite à toutes les parties de venir à la table des négociations.
Renvoi sur la sécession, au par. [88]

32. La Cour insiste sur les conséquences possibles de ces négociations quant aux droits des minorités linguistiques, confirmant ainsi que ces droits font partie de la « structure constitutionnelle fondamentale » du Canada :

Des minorités linguistiques et culturelles, dont les peuples autochtones, réparties de façon inégale dans l'ensemble du pays, comptent sur la Constitution du Canada pour protéger leurs droits.
Renvoi sur la sécession, au par. [96] (nous soulignons)

33. La minorité franco-ontarienne compte donc à bon droit sur la Constitution canadienne, ses principes structurels non écrits et la reconnaissance écrite de la progression vers l'égalité linguistique, pour ne pas que le gouvernement ontarien porte impunément atteinte à l'une de ses institutions, l'hôpital Montfort.

34. Dans le même paragraphe, la Cour suprême du Canada accepte l'exposé suivant du procureur général de la Saskatchewan :

Comme le disait le Procureur général de la Saskatchewan dans sa plaidoirie:

[TRADUCTION] Une nation est construite lorsque les collectivités qui la composent prennent des engagements à son égard, quand elles renoncent à des choix et des possibilités, au nom d'une nation, [. . .] quand les collectivités qui la composent font des compromis, quand elles se donnent des garanties mutuelles, quand elles échangent et, peut-être plus à propos, quand elles reçoivent des autres les avantages de la solidarité nationale. Les fils de milliers de concessions mutuelles tissent la toile de la nation . . .

Renvoi relatif à la sécession du Québec, au par. [96] (nous soulignons)

35. Le paragraphe 16(3) de la Charte représente une garantie qu'a donné le gouvernement ontarien à sa collectivité francophone, celle de favoriser la progression vers l'égalité linguistique.

36. Dans le Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, deux principes constitutionnels non écrits sont à l'œuvre. Il est reconnu que la primauté du droit sous-tend la décision de la Cour suprême du Canada de prononcer la nullité des lois manitobaines adoptées uniquement en anglais et de les maintenir en vigueur le temps requis pour les traduire et les réadopter. Mais il convient de rappeler que l'objet de l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba, qui imposait cette obligation constitutionnelle à la législature provinciale, découlait du principe non écrit de protection des minorités linguistiques canadiennes par le biais de la dualité. La Cour à l'unanimité déclare :

Cette obligation a pour effet de protéger les droits fondamentaux de tous les Manitobains à l'égalité de l'accès à la loi dans l'une ou l'autre des langues française ou anglaise.
L'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba est une manifestation spécifique du droit général qu'ont les Franco-manitobains de s'exprimer dans leur propre langue.
Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721 p. 744 (nous soulignons)

37. Le paragraphe 16(3) de la Charte a donc pour objet de protéger le droit fondamental des Franco-ontariens à la progression vers l'égalité linguistique; cela fait partie du « droit général qu'ont les Franco-ontariens de s'exprimer dans leur propre langue ».

38. Dans Mercure, le principe de protection des minorités linguistiques permet à la Cour suprême du Canada d'identifier l'objet sous-jacent de l'art. 110 de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest et de lui donner un effet juridique contraignant, qui s'impose à la législature en tant que loi quasi-constitutionnelle. En parlant des mesures gouvernementales de protection des droits linguistiques, le juge La Forest écrit :

Mais lorsque le Parlement ou la législature ont prévu de telles mesures, il incombe aux tribunaux de les respecter. Tout empiétement sur ceux-ci doit être réservé au pouvoir législatif. Cela est particulièrement vrai dans le cas des droits concernant les langues française et anglaise qui sont essentiels à la viabilité de la nation.
Mercure c. Saskatchewan [1988] 1 R.C.S. 234, à la page 269 (nous soulignons).

39. Le paragraphe 16(3) de la Charte exprime donc un « droit essentiel à la viabilité de la nation ».

40. Dans Ford, le principe constitutionnel non-écrit de protection des minorités linguistiques permet à la Cour suprême du Canada de conclure, sur la foi des preuves présentées par le procureur général du Québec, que les efforts de l'Assemblée nationale du Québec en vue de favoriser la prédominance de la langue française sur le territoire du Québec sont légitimes et représentent un objectif suffisamment important pour limiter la liberté d'expression :

La menace pesant sur la langue française a convaincu le gouvernement qu'il devait notamment prendre les mesures nécessaires pour que le « visage linguistique » du Québec reflète la prédominance du français.
Il ressort des documents se rapportant à l'article premier et à l'art. 9.1 que la politique linguistique sous-tendant la Charte de la langue française vise un objectif important et légitime. Ils révèlent les inquiétudes à l'égard de la survie de la langue française et le besoin ressenti d'une solution législative à ce problème. De plus, ces documents montrent le lien rationnel qui existe entre le fait de protéger la langue française et le fait d'assurer que la réalité de la société québécoise se reflète dans le « visage linguistique ».
Ford c. Procureur général du Québec, [1988] 2 R.C.S. 712 p. 778-779 (nous soulignons).

41. Si la langue française subissait des menaces au Québec, a fortiori en subit-elle en Ontario. Le paragraphe 16(3) représente donc un objectif important et légitime: celui d'assurer la progression vers l'égalité du français et de l'anglais en Ontario. Il y a certes un lien rationnel entre la progression vers l'égalité linguistique en Ontario et le maintien d'une institution homogène francophone comme l'hôpital Montfort.

42. Le procureur général de l'Ontario prétend que la Loi constitutionnelle de 1982 impose des obligations linguistiques constitutionnelles au niveau fédéral et au Nouveau-Brunswick, mais à aucun autre gouvernement. Selon lui, ce fait est l'expression légitime et constitutionnelle de la volonté démocratique.

Mémoire du Procureur général de l'Ontario au paragraphe 258.

43. Le procureur général de l'Ontario oublie de dire que le principe démocratique doit être interprété à la lumière de celui de la protection des minorités :

La démocratie respecte les identités culturelles et collectives[...] Dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, notre Cour, qui examinait la portée et l'objet de la Charte, a énoncé certaines valeurs inhérentes à la notion de démocratie (à la p. 136) :

Les tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des principes essentiels à une société libre et démocratique, lesquels comprennent, selon moi, le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société.

Renvoi sur la sécession, au par. [64] (nous soulignons).

44. Montfort est une « institution sociale » qui « favorise la participation de la communauté franco-ontarienne à la société ». Aussi, l'existence de Montfort indique clairement que la communauté franco-ontarienne participe pleinement à l'expression de la démocratie en Ontario.

45. En résumé, le principe constitutionnel non-écrit de protection des minorités englobe très certainement la reconnaissance de la dualité linguistique comme l'un des éléments fondateurs du Canada. Cela a été maintes fois reconnu par la Cour suprême du Canada. Le texte du paragraphe 16(3) doit s'interpréter en fonction de ce principe.

B) L'obligation constitutionnelle implicite du paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés et son contenu

i) L'obligation minimale implicite

46. S'il est exact de dire que l'Ontario n'a pas d'obligations constitutionnelles spécifiques découlant des articles 17 à 22 de la Charte, elle est cependant liée par le paragraphe 16(3). 

47. Le procureur général de l'Ontario prétend que le paragraphe 16(3) est simplement permissif :

Rather than imposing a constitutional obligation upon Ontario, the official language provisions permit, but do not require, Ontario to promote the use of the French language.
Mémoire du Procureur général de l'Ontario, au par. [263]. (nous soulignons).

48. L'intervenante soutient que cette interprétation du paragraphe 16(3) est insuffisante et non conforme au principe de protection des minorités.

49. Le paragraphe 16(3) introduit dans le texte de la Loi constitutionnelle de 1982 ce qui avait été reconnu comme un principe implicite par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jones.

Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182

50. Dans Société des Acadiens, madame la juge Wilson a correctement identifié l'objet général du paragraphe 16(3) :

Toutefois, il ressort clairement du par. 16(3) que ces conséquences représentent le but visé plutôt que la réalité actuelle; il s'agit de quelque chose dont le Parlement et les législatures doivent « favoriser la progression ». Cela semblerait conforme à l'esprit de l'arrêt Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182, savoir que les législatures ne peuvent déroger à des droits déjà accordés, mais elles peuvent en étendre la portée. À condition que la législation « favorise la progression » vers l'égalité de statut des deux langues officielles, les cours n'y toucheront pas; dans l'hypothèse contraire, elle ne résistera pas à l'examen judiciaire.
Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Association of Parents for Fairness in Education [1986] 1 R.C.S. 549, p. 619 (nous soulignons).

51. Il faut concevoir les droits linguistiques constitutionnels reconnus explicitement dans la Charte comme l'aboutissement d'un processus dont le but est d'accorder des droits positifs et exécutoires aux communautés linguistiques officielles du Canada afin de tenir compte de l'histoire, de la structure fédérative, de la démocratie bien comprise et du fédéralisme dans notre pays.

52. L'absence de droits linguistiques légiférés et spécifiques n'est pas un argument pour dire que les provinces n'ont absolument aucune obligation juridique par rapport à leurs minorités de langue officielle. Dire cela, c'est comme dire que la présomption d'innocence ne jouait aucun rôle dans l'interprétation du Code criminel avant l'adoption du paragraphe 11d) de la Charte ou que la justice naturelle ne jouait aucun rôle dans l'interprétation des lois avant l'adoption de l'article 7 de la Charte.

53. De même qu'il peut surgir une obligation constitutionnelle de négocier advenant un référendum sur la sécession d'une province, malgré le silence de la Constitution écrite à ce propos, de même il peut surgir une obligation constitutionnelle de justifier une régression plutôt qu'une progression vers l'égalité linguistique, surtout lorsque l'idée même de progression est inscrite au cœur de la déclaration de langues officielles.

54. Le principe non écrit de protection des minorités entre en jeu pour donner un sens au par. 16(3). « Les pouvoirs des provinces » sont des pouvoirs qui visent à favoriser la progression vers l'égalité. Si les interventions du gouvernement et de ses institutions portent sur des questions de langue ou culture de la minorité officielle, elles doivent aller dans le sens d'une progression vers l'égalité.

55. L'objet du paragraphe 16(3) est donc clair : c'est d'orienter les interventions gouvernementales en matière de langue et de culture des minorités francophones au Canada dans le sens d'une progression vers l'égalité réelle.

56. Le paragraphe 16(3) a justement pour objet de prévenir des atteintes à la communauté franco-ontarienne dans le futur, comme celles qu'elle a connues par le passé. Le paragraphe 16(3) agit comme un garde-fou, une protection, une garantie que le gouvernement ontarien ne pourra plus dénaturer les institutions franco-ontariennes, surtout dans le domaine quasi-public où ces institutions ont pour rôle de veiller à l'application et la mise en oeuvre de politiques gouvernementales spécifiques.

57. Le procureur général de l'Ontario invoque le paragraphe 16(3) à l'encontre de son texte même. Il plaide que la présence des articles 16 à 23 dans la Charte nie toute validité à la revendication des demandeurs. Or le paragraphe 16(3) est clair : « rien dans la présente charte » ne limite les pouvoirs provinciaux de favoriser la progression vers l'égalité : ni les droits qui sont là, ni le fait que ces droits ne recouvrent pas encore certains domaines. La Charte ne limite pas le pouvoir de favoriser la progression; implicitement, cela signifie qu'elle limite le pouvoir d'entraîner une régression.

58. Si le paragraphe 16(3) n'était que permissif, il serait inutile : les provinces disposent déjà d'une compétence constitutionnelle en matière linguistique. En l'absence de toute autre exigence constitutionnelle, cette compétence pourrait être exercée pour n'importe quelle fin. Les garanties constitutionnelles spécifiques en matière linguistique établissent le plancher sous lequel le législateur ne peut aller. Le paragraphe 16(3) quant à lui donne la direction. Le non-respect de cette direction déclenche l'obligation de justifier ses décisions à la satisfaction d'une cour de justice.

ii) L'égalité linguistique et les institutions homogènes

59. Le paragraphe 16(3) comprend deux concepts : celui de l'égalité d'usage des langues française et anglaise et celui de la progression.

60. Les droits linguistiques constitutionnels comportent la notion d'égalité :

Le principe de la progression n'épuise toutefois pas l'art. 16 qui reconnaît officiellement le principe de l'égalité des deux langues officielles du Canada. Il ne limite pas la portée de l'art. 2 de la Loi sur les langues officielles. L'égalité n'a pas un sens plus restreint en matière linguistique. En ce qui concerne les droits existants, l'égalité doit recevoir son sens véritable. Notre Cour a reconnu que l'égalité réelle est la norme applicable en droit canadien.
R. c. Beaulac, précité, au par. [22] (nous soulignons).

61. L'égalité linguistique est remédiatrice, reliée aux résultats :

Differential treatment is directly related to the circumstances intended to be adressed. It is remedial in nature, related to outcome, which in the circumstances of this case is quality of education that is equal to that of the majority.
Association des Parents Francophones de Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique (1996), (1997) 27 B.C.L.R. 3d 83, au par. [26]

62. La Cour suprême du Canada est d'accord :

L'article 23 repose sur la prémisse que l'égalité réelle exige que les minorités de langue officielle soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d'éducation équivalent à celui de la majorité de langue officielle.
Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, précité, au par. [31] (nous soulignons).

63. Ce qui a été dit à propos de l'article 23 repose sur un principe général applicable à tous les droits linguistiques. L'égalité linguistique réelle consacrée à l'article 16 de la Charte exige que les minorités de langue officielle soient traitées suivant leur situation et leurs besoins particuliers. Les besoins des minorités linguistiques officielles comprennent tout au moins la préservation d'une institution homogène existante, tel l'hôpital Montfort, où elles sont en mesure de vivre, se faire soigner et mourir en français.

64. L'égalité linguistique réelle ne consiste pas seulement à assurer quelques services en français - appelons cela un comptoir de services - dans des institutions bilingues où la langue prédominante est l'anglais comme le prétend le procureur général de l'Ontario. Elle peut aussi consister en un développement d'institutions homogènes. Ce sont ces institutions qui sont le mieux en mesure d'assurer une véritable progression vers l'égalité.

65. Dans Beaulac, la Cour suprême a fermement établi que l'objet général de tout droit en matière linguistique est relié à la collectivité. La Cour analyse en ces mots la déclaration d'égalité linguistique de la Loi sur les langues officielles, que l'on retrouve également à l'article 16 de la Charte :

L'objectif de protéger les minorités de langue officielle, exprimé à l'art. 2 de la Loi sur les langues officielles, est atteint par le fait que tous les membres de la minorité peuvent exercer des droits indépendants et individuels qui sont justifiés par l'existence de la collectivité.
R c.Beaulac, précité, au par. [20]. (Nous soulignons).

66. En l'espèce, la preuve d'expert non contredite et acceptée par la Cour divisionnaire a révélé que les institutions homogènes remplissent cet objectif général de maintenir la collectivité :

Le Dr Raymond Breton et le Dr Roger Bernard, deux experts reconnus en sociologie - surtout sur les tendances sociales qui affectent l'existence et la viabilité des collectivités minoritaires - ont témoigné que les institutions sont essentielles à la survie des collectivités culturelles. Elles sont beaucoup plus que des fournisseurs de services. Elles sont des milieux linguistiques et culturels qui fournissent aux personnes les moyens d'affirmer et d'exprimer leur identité culturelle et qui, par extension, leur permettent de réaffirmer leur appartenance culturelle à une collectivité. [...] Par conséquent, ces institutions doivent exister dans le plus grand éventail possible de sphères de l'activité sociale pour permettre à la collectivité minoritaire de développer et de maintenir sa vitalité.
Lalonde et al. c. Commission de restructuration des services de santé, (1999( O.J. No. 4489 (2000), 48 ).R. (3d) 50 au par. [14]. (nous soulignons).

67. Cette honorable Cour a reconnu l'importance d'écoles homogènes pour mettre en oeuvre le droit à l'instruction dans la langue de la minorité :

Thus, it would appear that where educational facilities are to be provided to assure the realization of the rights accorded by s. 23(3)b), the facilities to be provided must appertain to or be those of the linguistic minority.
Re Education Act (Ontario) and minority language educational rights (1984), 10 D.L.R. (4th) 491, p. 528 (nous soulignons).

68. Cette honorable Cour a donc tiré de l'article 23 de la Charte une obligation constitutionnelle de fournir des écoles homogènes qui font partie du tissu social et culturel de la minorité :

The rights conferred by this section with respect to minority language facilities impose a duty on the Legislature to provide for educational facilities which, viewed objectively, can be said to be of or appertain to the linguistic minority in that they can be regarded as part and parcel of the minority's social and cultural fabric.
Idem, page 531 (nous soulignons).

69. Ces remarques s'appliquent aussi à une institution essentielle de la communauté linguistique minoritaire qu'est Montfort. Comme l'a reconnu la Cour divisionnaire, Montfort fait partie du tissu social et culturel de la minorité franco-ontarienne.

70. L'objet général de tout droit linguistique est relié au maintien de la collectivité. L'objet général de toute institution linguistiquement homogène est de permettre à la collectivité de développer et maintenir sa vitalité. Le paragraphe 16(3) vise donc non seulement une progression des services gouvernementaux en français, mais aussi le maintien d'institutions homogènes. Celles-ci ajoutent à la garantie de recevoir des services en français l'environnement institutionnel qui donne leur sens aux droits linguistiques. Le paragraphe 16(3) peut donc s'appliquer à la perte d'une institution homogène.

iii) Le principe de progression

71. L'historique relativement récent du développement des droits linguistiques en Ontario de même que l'histoire de l'adoption de la Loi sur les services en français montrent que l'Ontario s'est engagée dans la voie de la progression vers l'égalité linguistique. C'est d'ailleurs ainsi que le comprenaient les législateurs qui ont adopté la Loi sur les services en français, tel qu'il ressort clairement des déclarations citées aux paragraphes [84 ] à [115] du mémoire du Procureur général du Canada.

Loi sur les services en français, L.R.O. 1990 ch. F.32 (ci-après la Loi)

72. Tel qu'il ressort tant du préambule de la Loi que du contexte global de son adoption, l'objet général de la Loi est de reconnaître le patrimoine francophone en Ontario, de marquer une étape importante dans la progression de l'égalité linguistique en Ontario et de garantir l'avenir de la communauté franco-ontarienne.

73. C'est par le biais de la désignation que la Loi cherche à atteindre ses objectifs. Or, Montfort a été entièrement désignée. Le gouvernement a ainsi non seulement reconnu la qualité des services dispensés à Montfort, mais aussi, en la désignant entièrement en tant qu'institution, son caractère unique.

74. Les fondateurs du Canada avaient à cœur la préservation des minorités linguistiques, tel qu'il ressort des déclarations et discours cités aux paragraphes [170 ] à [186] du mémoire des demandeurs.

75. Le développement de Montfort suit le principe de progression. Montfort s'est affirmé comme hôpital dont la raison d'être est le caractère homogène francophone.

Mémoire des demandeurs aux par. [33] à [35]
Lalonde et al., précité, aux par. [21] à [23].

76. Les hôpitaux publics sont des institutions réglementées :

À l'heure actuelle, environ 192 hôpitaux publics sont exploités en Ontario. Ces hôpitaux sont visés par de nombreux règlements provinciaux pris en application de la Loi sur les hôpitaux publics, qui font partie de l'ensemble de la réglementation régissant la prestation de soins de santé dans la province.
Idem, au par. [9].

77. Commentant le caractère homogène francophone de Montfort, la Cour divisionnaire reconnaît : « Il s'agit d'une situation unique dans la région d'Ottawa-Carleton et, en fait, dans la province de l'Ontario ».

Idem, au par. [24]

78. Le gouvernement ontarien ne pouvait donc pas ignorer la situation de Montfort; il a pourtant continué à le traiter comme un hôpital public :

L'Hôpital Montfort est l'un de ces hôpitaux [publics]. Il fournit à la fois des services au public et de la formation aux professionnels de la médecine qui touchent une proportion importante de la collectivité franco-ontarienne de la région d'Ottawa-Carleton et d'ailleurs, et il joue un rôle important au sein de la collectivité franco-ontarienne de toute la province.
Idem, au par. [10] (nous soulignons).

79. Ayant entièrement désigné Montfort comme institution qui offrait des services de santé en français dans un environnement francophone, le gouvernement ontarien a reconnu l'importance de cette institution pour la communauté franco-ontarienne. On peut conclure de ces faits que le gouvernement ontarien envisageait Montfort comme un élément de la progression vers l'égalité linguistique dans la province. Le gouvernement ontarien ne peut donc pas ignorer qu'en supprimant Montfort, il occasionne un recul majeur de la communauté franco-ontarienne.

80. Le législateur ontarien n'a pu voulu donner à la Commission le mandat de faire reculer les droits de la communauté franco-ontarienne. En établissant la Commission, la législature ontarienne ne pouvait ignorer tous les progrès législatifs accomplis en Ontario depuis une cinquantaine d'années dans le sens d'une progression vers l'égalité linguistique.

81. La Loi sur la restructuration des hôpitaux publics, qui confère à la Commission son mandat, doit s'interpréter à la lumière du principe constitutionnel non écrit de protection des minorités et du principe de progression vers l'égalité linguistique apparaissant au paragraphe 16(3) de la Charte.

Loi sur le ministère de la Santé, L.R.O. 1990 c. M-26 art. 8 tel que modifié par la Loi de 1996 sur les économies et la restructuration, L.O. 1996 c. 1, annexe F, art. 1 , art. 6.

82. Le mandat de la Commission procédait d'un objectif que l'on peut à bon droit qualifier de légitime : restructurer les soins de santé dans l'intérêt public.

Lalonde et al., précité, au par. [8].

83. Dans l'exécution de ce mandat, la Commission, tout comme le gouvernement ontarien, était tenue de respecter les obligations juridiques et constitutionnelles découlant des principes constitutionnels et de la Charte, incluant le principe de progression vers l'égalité linguistique du paragraphe 16(3) de la Charte.

84. Dans le contexte de ce pourvoi, l'intervenante ne prétend pas que le paragraphe 16(3) impose nécessairement l'obligation au gouvernement ontarien de prendre des mesures positives en vue de créer des institutions homogènes francophones qui vont favoriser la progression vers l'égalité linguistique. Cependant, cela ne revient pas à dire qu'aucune obligation ne découle du paragraphe 16(3).

85. Le paragraphe 16(3), correctement interprété à la lumière de son objet et des principes constitutionnels sous-jacents, impose aux autorités l'obligation de démontrer qu'elles ont respecté le principe de progression dans leurs interventions lorsque celles-ci vont affecter profondément la survie même d'une institution linguistiquement homogène, ou à défaut, qu'elles sont en mesure de justifier rigoureusement pourquoi ce principe ne peut pas être respecté en l'espèce.

86. Le pouvoir reconnu au paragraphe 16(3) a un but : favoriser la progression vers l'égalité. Lorsqu'une décision d'une institution du gouvernement de l'Ontario ne favorise pas ce but, mais conduit à une régression de l'égalité linguistique, cette institution et le gouvernement qui lui a donné son mandat ont le fardeau de démontrer d'abord qu'ils ont tenu compte de ce but dans le processus de prise de décision, puis qu'ils n'ont pu aller dans le sens d'une progression vers l'égalité linguistique parce qu'il y avait d'autres objets plus impérieux justifiant la nécessité de porter gravement atteinte aux institutions de la minorité franco-ontarienne.

87. Cette justification pourra être évaluée par les cours de justice :

J'abonde dans le sens de ceux qui voient dans l'art. 16 un principe de croissance ou de développement, une progression vers un objectif ultime. La question, selon moi, sera donc toujours de savoir où nous en sommes présentement dans notre cheminement vers le bilinguisme et si la conduite attaquée peut être considérée comme appropriée à ce stade de l'évolution.
Société des Acadiens, supra page 619 (nous soulignons).

88. La conduite de la Commission, avalisée par le gouvernement ontarien, ne peut certainement pas être considérée comme « appropriée à ce stade de l'évolution ». L'évolution ne va pas dans le sens de la perte des rares institutions homogènes des communautés francophones minoritaires au Canada.

89. La Cour suprême du Canada a développé une approche semblable par rapport à la liberté d'expression. Bien que celle-ci ne comporte aucune obligation gouvernementale de fournir des modes particuliers d'expression, si le gouvernement décide d'intervenir, il doit le faire conformément aux droits garantis par la Charte. La juge L'Heureux-Dubé déclare pour la Cour :

Une réserve s'impose toutefois : quoique l'al. 2b) de la Charte ne confère aucun droit à un mode particulier d'expression, lorsqu'un gouvernement choisit d'en fournir un, il doit le faire d'une manière conforme à la Constitution.
Haig c. Canada [1993] 2 R.C.S. 995 p. 1041

90. La Cour a subséquemment confirmé ce point de vue : Association des Femmes Autochtones du Canada c. Canada [1994] 3 R.C.S. 627 au par. [52].

91. De même, l'intervenante ne prétend pas que le paragraphe 16(3) oblige nécessairement le gouvernement provincial à créer des hôpitaux francophones en Ontario. Mais lorsqu'il décide d'intervenir et de réduire les services au point de faire disparaître le seul hôpital francophone de la province, le gouvernement doit respecter la Charte, incluant le paragraphe 16(3). Il a l'obligation constitutionnelle de justifier ses décisions.

92. Au regard du texte très clair du paragraphe 16(3) de la Charte et du principe constitutionnel non écrit de protection des minorités, cette obligation gouvernementale doit être appliquée rigoureusement. L'égalité linguistique est un élément fondamental de la structure même du Canada. Les francophones ont participé à la fondation du pays, ont contribué à son développement et continuent d'y jouer un rôle actif et important. Les communautés francophones sont présentes dans toutes les provinces et tous les territoires. Leurs droits constitutionnels sont de plus en plus reconnus par la constitution, par les tribunaux et par les législateurs. Le paragraphe 16(3) représente l'expression constitutionnelle de cette réalité. Une infraction au principe de progression vers l'égalité linguistique, comme celle qui est en cause dans la présente affaire, ne saurait donc se justifier facilement.

C) Le non-respect de l'obligation prévue au paragraphe 16(3) de la Charte et ses conséquences

93. En l'espèce, une institution homogène existe. Elle s'est développée. Elle s'est taillé une place dans la communauté. Elle fonctionne. Elle est devenue un élément essentiel de la survie et de l'épanouissement de la communauté franco-ontarienne. Le gouvernement ontarien le savait. L'institution a été entièrement désignée au sens de la Loi sur les services en français.

94. La Commission de restructuration le savait aussi. Elle a même reconnu l'importance de Montfort et elle a modifié ses recommandations. Elle a reconnu le droit de la minorité franco-ontarienne de recevoir la gamme complète des services de soins de santé en français.

Mémoire des demandeurs aux par. [53] à [56].

95. D'après la preuve, l'impact des nouvelles directives sera néanmoins dramatique pour Montfort et pour la communauté franco-ontarienne.

96. Pour Montfort, celle-ci ne sera plus, à toutes fins pratiques, un hôpital public disposant d'une gamme étendue de services de soins de santé. Les francophones n'auront donc plus accès à des soins de santé en français dans un milieu francophone, un élément essentiel à leur épanouissement personnel et collectif.

97. Pour la communauté, la perte d'une institution aussi importante contribuera à l'assimilation, directement en diminuant les occasions d'utiliser la langue française, indirectement en envoyant le message que la survie de la langue française ne passe plus que par les écoles et par quelques services gouvernementaux désignés bilingues. La langue française, loin de progresser, sera marginalisée encore plus.

98. L'intervenante est d'accord avec la Cour divisionnaire lorsqu'elle déclare :

La disparition ou la réduction importante d'une telle institution a une incidence négative sur la capacité de la collectivité de survivre. Montfort est l'une de ces institutions. En fait, elle est la seule institution du genre en Ontario.
De plus, les directives ont pour effet de réduire la disponibilité des services de santé en français à la population francophone.
Lalonde et al., précité, aux par. [73] et [74].

99. D'après la preuve, la Commission, malgré qu'elle reconnaisse le droit des francophones à des services en français, a choisi d'ignorer le caractère homogène de Montfort et de ne pas tenir compte de cet élément fondamental.

Mémoire des demandeurs au par. [74]
Lalonde et al., précité, aux par. [75] et [76].

100. D'après la preuve, la Commission a aussi choisi d'ignorer les suggestions et recommandations de représentants de la communauté franco-ontarienne.

Mémoire des demandeurs, aux par. [62] à [68].

101. D'après la preuve, le seul problème pour la Commission consistait à désigner des institutions bilingues pour qu'elles assurent la prestation de certains services en français.

Lalonde et al., précité, par. [77].

102. Les directives de la Commission relatives à Montfort vont à contre-courant des efforts consentis durant ces dernières années. Elles occasionnent un recul de l'égalité linguistique en Ontario. Elles vont contribuer à l'assimilation des francophones. Elles privent la collectivité francophone d'une institution homogène, la seule de son genre en Ontario, une institution importante à la survie et au développement de la communauté. La violation du principe de progression vers l'égalité linguistique ne peut pas être plus flagrante.

103. L'objectif poursuivi de restructurer les soins de santé en Ontario est certes « urgent et louable » comme l'indique la décision de la Cour divisionnaire au par. 79. Cependant, la Commission n'a pas respecté le principe de progression et n'a pas justifié correctement pourquoi ce principe ne pourrait pas être respecté en l'espèce. L'objectif de restructuration des soins de santé dans l'intérêt public ne conduit pas à la conclusion inévitable que Montfort doive être amputé de la plupart de ses services et disparaître en tant qu'hôpital public francophone, remplacé par quelques services en français inadéquats dans un milieu bilingue avec les conséquences néfastes qui s'ensuivent pour les francophones. La preuve n'a pas été faite que la disparition de Montfort sert un objectif suffisamment urgent et réel pour justifier le dommage irréparable qui sera causé à la communauté franco-ontarienne, en contravention de l'obligation constitutionnelle exprimée au paragraphe 16(3) de la Charte interprété à la lumière du principe constitutionnel non écrit de protection des minorités.

104. Il ne faut pas oublier que de manière générale, les obstacles administratifs ne sont pas des excuses valables pour ne pas respecter les obligations juridiques découlant de droits linguistiques. S'agissant du droit à un procès criminel en français, la Cour suprême du Canada, unanime sur ce point, déclare :

Je tiens à souligner qu'un simple inconvénient administratif n'est pas un facteur pertinent. La disponibilité de sténographes judiciaires, la charge de travail des procureurs ou des juges bilingues et les coûts financiers supplémentaires de modification d'horaire ne doivent pas être pris en considération parce que l'existence de droits linguistiques exige que le gouvernement satisfasse aux dispositions de la Loi en maintenant une infrastructure institutionnelle adéquate et en fournissant des services dans les deux langues officielles de façon égale.
R c. Beaulac, supra au par. [31].

105. S'agissant du droit aux écoles homogènes, la Cour suprême du Canada déclare que les considérations pédagogiques et le caractère réparateur auront priorité sur les coûts :

De plus, le caractère réparateur de l'art. 23 laisse entendre que les considérations pédagogiques pèseront plus lourd que les exigences financières quand il s'agira de déterminer si le nombre d'élèves justifie la prestation des services concernés.
Mahe c. Alberta [1990] 1 R.C.S. 342 p. 385

106. Ces déclarations concernent des droits linguistiques spécifiques et existants. Cependant, elles reflètent un principe général, celui de la protection des minorités linguistiques. À la lumière de ce principe, si le gouvernement ou l'une de ses institutions veulent invoquer des considérations financières pour supprimer une institution francophone essentielle, ils sont soumis à une exigence de preuve rigoureuse.

107. En l'espèce, les considérations invoquées par la Commission pour justifier ses recommandations semblent être la qualité, l'accessibilité et le caractère économiquement abordable des soins de santé.

Mémoire du Procureur général de l'Ontario, au paragraphe [60]

108. Nul part dans ces critères ne figure le maintien d'une institution homogène qui puisse rencontrer ces trois considérations. L'intervenante affirme qu'à la lumière de l'obligation constitutionnelle découlant du paragraphe 16(3) de la Charte, ce critère devait jouer un rôle fondamental dans le processus décisionnel.

109. La preuve n'a pas démontré que la qualité, l'accessibilité et le caractère économiquement abordable des services offerts à Montfort, en français, dans un milieu francophone, dans une institution qui appartient à la minorité, créée par cette dernière, et qui lui est objectivement identifiable, seraient améliorés pour la population franco-ontarienne.

110. La preuve a amplement démontré au contraire que lorsqu'on tient compte de l'importance de Montfort dans l'infrastructure de la communauté franco-ontarienne, on s'aperçoit que sa fermeture va entraîner un recul autant du point de vue de l'accès à des soins de santé en français que du point de vue, encore plus fondamental, du maintien et de l'épanouissement de la communauté franco-ontarienne.

111. Pour les communautés francophones et acadiennes du Canada, la qualité d'un service doit tenir compte du caractère communautaire et homogène de l'institution :

Parce qu'il pensait que les programmes dispensés par les sept petites écoles qui avaient entre 55 et 83 élèves n'étaient pas bénéfiques sur le plan pédagogique, le ministre n'a pas reconnu qu'en refusant un établissement de taille similaire à la communauté linguistique minoritaire de Summerside, il privait les élèves francophones d'un accès égal à un enseignement de qualité dans leur propre langue.
Arsenault-Cameron, supra au par. [48].

112. La Cour analyse ainsi l'impact du temps de transport des élèves sur le développement de la communauté francophone de Summerside :

Deuxièmement, le choix de transporter les élèves aurait une incidence sur l'assimilation des enfants de la minorité linguistique tandis que les modalités de transport n'avaient aucune répercussion culturelle sur les enfants de la majorité linguistique. Pour la minorité, il s'agissait en grande partie d'une question culturelle et linguistique; il s'agissait non seulement de la durée des trajets, mais aussi des distances parcourues du fait qu'il fallait envoyer les enfants à l'extérieur de leur communauté et qu'il n'y avait pas d'établissement d'enseignement au sein de la communauté même.
Arsenault-Cameron, supra au par. [50]. (nous soulignons)

113. Pour la minorité, il s'agit en grande partie d'une question culturelle et linguistique. Pour la Commission, il s'agit plutôt uniquement d'accès à des soins de santé.

114. La Cour suprême du Canada considère que la Cour d'appel de l'Île-du-Prince-Édouard avait commis une erreur de droit en statuant que la seule question en litige dans cette affaire-là en était une « d'accessibilité raisonnable » :

À notre avis, la Section d'appel a fait erreur en statuant que la méthode du critère variable était régie par l'« accessibilité raisonnable » (des services sans examiner quels services favoriseraient le mieux l'épanouissement et la préservation de la minorité linguistique francophone...
Arsenault-Cameron, au par. [51] (nous soulignons).

115. Le même principe est en jeu ici. La Commission a fait erreur en considérant que la question de Montfort était régie par « l'accessibilité », sans examiner quelle solution favoriserait le mieux l'épanouissement et la préservation de la minorité linguistique francophone.

116. Dans Arsenault-Cameron, le ministre de l'Éducation de l'Île-du-Prince-Édouard, dans l'exercice de ses pouvoirs en matière scolaire, avait l'obligation de considérer la solution qui favorisait le mieux l'épanouissement de la minorité linguistique francophone. Cette obligation découle de l'interprétation de l'article 23 de la Charte. Correctement interprétée, cette disposition imposait au Ministre l'obligation d'accepter la demande d'ouverture d'un établissement d'enseignement de la minorité à Summerside.

117. Ici, l'obligation constitutionnelle imposée à la Commission consistait à tenir compte des besoins et des priorités de la communauté franco-ontarienne quant à sa culture et à son épanouissement et non uniquement des préoccupations en matière d'accès à des services bilingues de soins de santé. La Commission devait rechercher la solution qui allait le mieux favoriser la progression vers l'égalité des langues française et anglaise. Dans le cas où il lui serait impossible de favoriser cette progression vers l'égalité linguistique, la Commission avait l'obligation constitutionnelle de justifier ses décisions. Ces obligations découlent du principe de progression tel qu'il est déclaré au paragraphe 16(3) de la Charte et du principe constitutionnel non écrit de protection des minorités linguistiques au Canada.

118. La Commission n'a pas tenu compte des dimensions culturelles et communautaires de sa décision, des besoins et priorités de la communauté franco-ontarienne, ni du principe de progression vers l'égalité linguistique. Elle a néanmoins reconnu l'importance d'offrir des services de santé complets en français en Ontario.

Mémoire des demandeurs, au paragraphe [56].

119. La Commission n'a pas réussi à justifier adéquatement des directives dont l'effet est de priver la communauté franco-ontarienne du seul hôpital linguistiquement homogène dont elle dispose, dune institution fondamentale à son développement et de l'un de ses remparts contre l'assimilation. La Commission n'a manifestement pas tenu compte des besoins spécifiques de la communauté à l'égard de ses institutions homogènes. Elle avait l'obligation de le faire et elle avait l'obligation de prendre toute décision en matière de restructuration des soins de santé dans la province en vue de favoriser la progression vers l'égalité des langues française et anglaise.

120. Dans l'éventualité où la Commission n'aurait pas été en mesure de maintenir Montfort en tant qu'hôpital homogène tel qu'il existe, la Commission avait l'obligation constitutionnelle, vérifiable par les cours de justice, de justifier ses propres critères et ses propres décisions et d'expliquer en quoi celles-ci devaient prévaloir sur le maintien de Montfort en tant qu'hôpital homogène, lorsqu'elle savait ou aurait dû savoir que lesdites décisions allaient entraîner un recul de l'égalité linguistique plutôt qu'une progression vers l'égalité linguistique.

121. Le procureur général de l'Ontario affirme quant à lui que ni la Commission ni le gouvernement ontarien n'avaient d'obligations constitutionnelles. L'intervenante soutient qu'il a tort.

122. L'intervenante soutient que le défaut de respecter les obligations constitutionnelles incombant aux institutions gouvernementales ontariennes en vertu du paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés et du principe non écrit de protection des minorités linguistiques en tant qu'une des caractéristiques fondamentales du Canada, conduit à la nullité des directives. Les directives sont donc inopérantes en application de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

123. Dans l'alternative, les pouvoirs de la Commission auraient dû être exercés de manière à inclure une obligation pour la Commission de tenir compte des besoins, des spécificités et de l'épanouissement de la communauté francophone.

ORDONNANCE DEMANDÉE

124. L'intervenante demande à cette honorable Cour le rejet du présent appel et de maintenir le jugement de la Cour divisionnaire annulant les directives de la Commission.

LE TOUT, RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

QUÉBEC, ce 4ème jour de janvier 2001.

Me François Boileau
Procureur de l'intervenante, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.

Me Pierre Foucher
Avocat-conseil de l'intervenante

ANNEXE A - AUTORITÉS

JURISPRUDENCE PARAGRAPHES DANS LE MÉMOIRE
Association des Femmes Autochtones du Canada c. Canada [1994] 3 R.C.S. 627 92
Association des Parents Francophones de Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique (1996), (1997) 27 B.C.L.R. 3d 83 61
Arsenault-Cameron c. Ile-du-Prince-Edouard, [2000] 1 R.C.S. 3 10, 62, 113, 114, 116, 118
Ford c. Procureur général du Québec, [1988] 2 R.C.S. 712 40
Haig c. Canada [1993] 2 R.C.S. 995 . 91
Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182 49
Lalonde et al. c. Commission de restructuration des services de santé, (1999( O.J. No. 4489 (2000), 48 ).R. (3d) 50 66, 75, 76, 77, 78, 84, 100, 101, 103
Mahe c. Alberta [1990] 1 R.C.S. 342 29, 107
Mercure c. Saskatchewan [1988] 1 R.C.S. 234 38
Quebec Association of Protestant School Boards c. Procureur général du Québec [1984] 2 R.C.S. 66 28
R. c. Beaulac, (1999( 1. R.C.S. 768 10, 60, 65, 106
Re Education Act (Ontario) and minority language educational rights (1984), 10 D.L.R. (4th) 491 67, 68
Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721 p. 744 36
Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 26, 27, 31, 32, 34, 43
Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Association of Parents for Fairness in Education [1986] 1 R.C.S. 549 50, 89