LE CENTRE DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE  ET L'ÉDUCATION DES ADULTES

no 8-9      les Cahiers de l'I.C.E.A.

Août 1968

 

L'Institut Canadien d'Education des Adultes,  506 est, rue Ste-Catherine — suite 800,  MONTRÉAL 24 - Québec.

 Les articles n'engagent que leurs auteurs.  Tous droits de reproduction réservés.

présentation

Qui d'entre nous n'a pas eu un jour la curiosité de connaître  plus à fond les mouvements et institutions que notre population  s'est donnés dans le but de protéger ses libertés individuelles et  collectives, comme d'assumer davantage ses responsabilités au sein  non pas d'une société à subir, mais d'une civilisation à construire ?

Ces artisans, ces bâtisseurs aussi bien des secteurs coopératif,  syndical, patronal, éducatif, culturel ou autres, nous les trouvons  regroupés parmi les membres de l'ICEA tous animés, à des degrés  divers et en fonction d'objectifs spécifiques, du souci généreux  de donner et d'acquérir la formation nécessaire à l'édification et  au développement d'une société meilleure, plus équilibrée, d'une  « société juste » gage de paix et cela indépendamment de toute allégeance politique.

En prenant l'initiative d'offrir aujourd'hui une tribune au  Centre des Dirigeants d'Entreprise, l'Institut Canadien d'Education  des Adultes ouvre la porte, sans choix préconçu, à tous ses  membres aussi variés que soient leurs champs d'activités. Nous  estimons, en effet, qu'il est temps plus que jamais de faire connaître dans une publication facile d'accès, mais quand même de  qualité, les réalisations des nôtres en éducation des adultes, la  philosophie sous-jacente aux politiques et aux orientations des  organismes du milieu, les problèmes auxquels ils doivent faire face  et les solutions qu'ils proposent.

Etant mieux informés, nous arriverons ainsi à mieux nous comprendre, à saisir tout le mécanisme du rouage de notre société et  l'importance de l'oeuvre accomplie, selon les secteurs de préoccupation. Facteurs de rapprochement, les Cahiers de l'ICEA consacrés à la promotion de nos membres posent toutefois de multiples  interrogations. On peut, certes, être ou ne pas être d'accord sur  tel ou tel aspect d'une question, d'une orientation, mais il est certain qu'on ne saurait rester indifférent, les pages qui suivent offrant ample matière à réflexion et à discussion et pouvant éventuellement faire l'objet de tables rondes sûrement très animées.

D'un contenu riche d'idées, le présent Cahier décrit le CDE  comme avant-gardiste sur le plan social; désireux de tenter à fond  l'aventure de la participation, mais quand même prêt à patienter  afin de se donner des assises solides; orienté vers la formation  dans un style « moderne » où une large place est accordée à  l'information et à la remise en question; soucieux, tout en préservant sa propre identité, de donner toute sa dimension au « dialogue » et de composer en vue du bien commun, avec les subalter nes et les groupes autrefois catalogués « ennemis»; réaliste quand  même et conscient des étapes à franchir. Finis donc les mythes du  dirigeant d'entreprise exploiteur, croque-mitaine ou paternaliste.

Nous remercions l'équipe enthousiaste du CDE de sa collaboration, en particulier son directeur général, M. Jean Brunelle, dont l'audace tranquille est source de dynamisme inépuisable.

Les Canadiens français écrivent peu : c'est un fait. Aussi sommes-nous à même d'apprécier dans les pages qui suivent l'effort  de réflexion et de synthèse nécessaire pour donner à sa pensée  toutes les nuances souhaitables et décrire les faits en toute objectivité.

A nos membres, comme à nos collègues de France, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et même du Canada anglais nous sommes fiers de pouvoir offrir une publication aussi valable et intéressante que celles qui nous sont remises à l'occasion d'échanges  ou de voyages. D'autres suivront, dans un avenir prochain.

Madeleine Joubert,

Directeur général de I' I. C. E. A.

 

Table des matières

Le centre des dirigeants d'entreprise et la formation des adultes

Le service de formation et son action

Pédagogie et formation des dirigeants d'entreprise

Situation et besoins

L'évaluation des programmes de formation du personnel de cadres et application au C.D.E.

Les activités régionales

Activités de consultation et de représentation

Le CDE dans le Québec d'aujourd'hui et de demain

Annexe 1

Annexe 2

Éléments de bibliographie

Le centre des dirigeants d'entrepriseet la formation des adultes

Jean Brunelle

 Les buts de l'action au CDE

On peut dire que la plupart des tâches qui préoccupent le  Centre des Dirigeants d'Entreprise ont une portée directe ou  indirecte sur l'Education des Adultes. Qu'il s'agisse de l'homme,  de la profession, de la société, le CDE s'efforce d'évaluer les  principes, les orientations, les objectifs à la lumière de conceptions  considérées comme fondamentales et d'introduire dans les esprits  et les institutions des données propres à développer les notions  de liberté et de responsabilité, de même que les valeurs morales  et spirituelles indispensables au véritable progrès de la civilisation.  Ancré dans le monde de l'action, soumis aux exigences concrètes  du milieu dans lequel il doit exercer son mandat, il peut sembler  s'éloigner à l'occasion de ces soucis et s'en laisser distraire par  les exigences du quotidien. C'est le défi auquel sont acculés tous  ceux qui doivent s'efforcer de modeler, aussi modestement que ce  soit, une tranche de l'histoire des hommes.

Mandat de base

Le CDE a été fondé en 1943, sous le nom d'Association  Professionnelle des Industriels. Depuis une dizaine d'années, certains employeurs s'inquiétaient de l'absence d'initiatives patronales  au Québec. Les premiers échanges de vues à ce sujet semblent  avoir eu lieu vers 1933, à l'occasion de rencontres des manufacturiers du secteur de la chaussure tenues sous l'initiative de  M. Eugène Gibeau, président de Slater Shoe Company. On aurait  alors mentionné la possibilité de grouper les employeurs dans une  association animée par les principes chrétiens.

En 1936, on tente de regrouper le patronat autour de la  Ligue de l'Achat chez Nous. Plusieurs des employeurs concernés  se retrouveront parmi les fondateurs de l'API. En 1938, création  de l'Association des Industriels du Québec (AIQ) selon la troisième partie de la loi des compagnies. L'association est ouverte à  tous les employeurs, sans distinction de race, de langue ou de  religion. On perd sa trace vers 1941.

 

De 1939 à 1942, plusieurs projets de regroupement patronal  sont élaborés par des membres du clergé et du monde des affaires.  Ces efforts se heurtent à des obstacles qui demeurent, en bonne  part, actuels et qui traduisent les attitudes mêmes des employeurs :  individualisme, isolationnisme, absence de traditions culturelles et  administratives, parfois de maturité intellectuelle. Dans un tel  climat, reflet de l'insécurité économique et psychologique du  patron canadien-français, les programmes d'ensemble et les idées  générales passaient souvent pour un luxe excessif.

Toutes ces discussions et même les expériences avortées eurent  toutefois un effet positif : celui de rendre sensible l'état de désorganisation du monde patronal. L'année 1942 marque le passage de  l'ère des voeux à un début de réalité, grâce à la rencontre de  M. Maurice Boisclair et du Père Emile Bouvier, s.j.. M. Boisclair,  président de St-John's Silk Co. Limited, est un industriel aux idées  avancées; le Père Bouvier est alors professeur d'économie politique  à l'Université de Montréal. De leurs conversations naquit l'idée  de fonder une association qui, réunissant les employeurs autour  d'une vue élevée de leur rôle social, pourrait servir d'interlocuteur  avec le syndicalisme, les deux collaborant à l'édification d'une  société plus humaine et plus soucieuse du bien commun. Pressenti,  M. Eugène Gibeau accepta de guider les premiers pas de la future  association.

Après de nombreuses rencontres et discussions, l'API est  fondée en 1943. Elle se veut orientée vers la création d'un ordre  social chrétien. Cependant, elle se définit dès le départ, à la fois  comme mouvement social et syndicat patronal. Les extraits suivants des statuts l'indiquent clairement :

Les préoccupations contenues dans ces articles reflètent des  problèmes réels. Mais l'API choisit, dès ses débuts, de se donner  des chaînes qui devaient l'empêcher de réaliser la pleine mesure  des objectifs proposés :

Ces entraves ont peut-être permis à l'API, paradoxalement, de  rester elle-même et de continuer à présenter pendant vingt-cinq  ans, une image fidèle du patronat canadien-français.

En effet, nul ne pouvait prévoir, en 1943, que la croissance  économique pût procéder, pendant le prochain quart de siècle,  à un rythme aussi effarant, et que les Canadiens-Français n'y  prendraient pas une part plus grande. Si l'API avait alors ouvert  ses portes au patronat anglo-saxon, elle y aurait peut-être perdu  son identité, les collaborations positives étant à ce moment, de  part et d'autre, pratiquement impossibles.

Les exigences morales à l'endroit des membres étaient certainement inspirées par les objectifs sociaux de l'API. Si on y  trouve les traces d'une rigueur excessive, il faut en attribuer la  responsabilité à l'intégrisme de l'époque plutôt qu'à une classe  particulière. Elles dénotent quand même une option ferme entre  l'intérêt et les principes.

 Que l'API pût oser devenir à la fois un facteur de promotion  sociale et un agent de rénovation économique efficace, il y avait  de quoi s'étonner, tant les deux intentions paraissent exigeantes  et même contradictoires. Si l'API n'a pu remplir pleinement ces  deux mandats, elle a su conserver à travers les années un souci  sincère du bien commun, une vue réaliste des intérêts patronaux  et une conception élevée de la fonction patronale, conditions  d'une évolution positive et d'une action future plus efficace. Car  l'orientation de l'API s'appuyait, sinon sur une vision prophétique,  du moins sur des vues sobres et objectives de la situation.

Le milieu en 1943

L'activisme de l'époque, résultat de la guerre et de la surcharge  de l'appareil productif, avait développé une atmosphère matérialiste et un sentiment d'impuissance devant les mandats impératifs  engendrés par la politique de défense. Les patrons réfléchis  éprouvaient le besoin de prendre quelque recul et de se sentir  co-responsables de l'orientation à venir.

A la faveur du plein emploi, le syndicalisme avait fait lui-même des conquêtes rapides et affirmait déjà son intention d'agir  énergiquement dans le monde du travail.

Ces facteurs, ajoutés au souvenir tout récent de la dépression  et de ses misères, et à des motifs d'une générosité indéniable,  rendaient nécessaire une action patronale cohérente. L'API devait,  en somme, tenter de combler deux déficiences majeures :

De toute évidence, il s'agissait bien d'éducation des adultes.  On ne pouvait prétendre modifier en profondeur le comportement  des chefs d'entreprise, l'orientation des groupes patronaux et  communautaires, le sens de la législation, sans procéder à un  effort d'éducation, d'abord auprès des hommes d'affaires eux-mêmes. Or, ils demeuraient pénétrés, en grande majorité, par  une conception hiérarchique de la société et par une tradition

 conservatrice du rôle du patronat. La fin de la guerre voyait se  modifier en profondeur la réalité politique, économique et sociale,  modifications qui devaient s'accélérer et se préciser pendant les  quinze années suivantes. Emportés par un mouvement d'expansion  économique à peine interrompu par des récessions plutôt mineures,  les agents principaux (Etat, syndicats, patronat) se trouvèrent  accaparés par leurs tâches particulières et parallèles, négligeant  les exigences de la concertation dont la nécessité ne devait leur  apparaître que plus tard et, il faut bien l'admettre, d'une façon  théorique beaucoup plus que réaliste. Il ne peut être question de  présenter ici une critique de l'ensemble de la société québécoise  de 1940 à 1960. Il suffira de rappeler à grands traits les comportements du patronat au cours de ces deux décennies.

Le patronat d'après-guerre

Les chefs d'entreprise du Québec eurent d'abord à relever le  défi de la croissance, défi énorme et multiforme, touchant aux  domaines de l'administration, de l'entraînement, de l'implantation  et de l'équipement, des produits, de la concurrence et du financement. Cet effort, déployé dans des conditions d'urgence par des  hommes souvent imparfaitement préparés, constitue une somme  de réussites et d'improvisations d'une qualité et d'une importance  économique et sociale indiscutables dont la population ne connaîtra peut-être jamais la valeur réelle.

Les bouleversements profonds qui marquèrent cette période  soulevèrent une série de problèmes collectifs urgents dans les  domaines les plus divers : bien-être, éducation, loisirs, oeuvres  sociales et de jeunesse... La liste est inépuisable. On assista, dans  ce domaine, à une véritable mobilisation des chefs d'entreprise.  On fit appel à leurs ressources administratives, intellectuelles et  financières, dans un nombre incalculable de cas : campagnes de  souscription, associations de bienfaisance, conseils municipaux,  commissions scolaires, etc. Il serait alors impossible d'estimer les  sommes perçues, les services rendus, les journées de travail  consacrées aux services bénévoles par les hommes d'affaires de la  présente génération. Egalement sous-estimées, ces manifestations  d'esprit civique constituent, d'une certaine façon, un exercice et

 une démonstration en acte d'éducation des adultes, une volonté  consciente et délibérée de corriger les défauts du régime et les  injustices de certaines situations.

Il serait futile de porter un jugement de valeur sur les motifs  de pareils gestes. Il faut reconnaître, toutefois, que la conjonction  des devoirs professionnels et des exigences sociales immédiates  constituait, et constitue encore, pour nombre de dirigeants une  existence plus que remplie et même, dans certains cas, un fardeau  intolérable. De sorte que plusieurs d'entre eux se sont trouvés en  état de n'accorder, aux objectifs de l'API, qu'une disponibilité  minimale.

Ces objectifs, à la vérité, n'étaient pas populaires et leur  validité est encore loin d'être universellement admise. Par leur  nature même, ils s'adressent fatalement à une minorité. Transformer une société en profondeur, inviter une classe privilégiée à  reviser son propre système de valeurs, non pas dans le but unique  d'accroître la protection de ses intérêts particuliers, mais avec le  souci de parfaire la qualité de son apport à l'ensemble de la  civilisation, c'est faire appel à une sorte de désintéressement qui,  aux yeux de certains, touche de près à des illusions inadmissibles.

Ambitions d'autant plus fragiles qu'elles ne pouvaient se réclamer ni d'un corps de doctrine scientifiquement éprouvé, ni d'un  endossement général des hommes d'action, sa source unique  d'inspiration se trouvant dans la doctrine sociale de l'Eglise. Or,  pendant ces années troublées, aux idéologies aveuglément concurrentes, le syndicalisme disputait au patronat, au Québec aussi  bien qu'en Europe, le privilège d'interpréter selon ses données  propres l'enseignement social officiel du Vatican.

Il n'en reste pas moins que c'est sous l'égide des encycliques  que l'API lança son programme de travail et qu'elle s'efforça  pendant vingt ans d'exercer une influence positive sur les mentalités patronales. Elle obtint, dans ce domaine, des succès certains.  Elle sut maintenir, en dépit de moyens trop limités, des préoccupations essentielles, rappeler la nécessité d'insérer, à tous les  plans de l'économique, un contenu moral, spirituel et humain  indispensable à l'évolution positive du milieu. A cette fin, elle  utilisa les modes d'action appropriés : colloques, discussions, interventions de toutes sortes dans le domaine privé et public, dans la  législation, auprès des organismes paritaires, etc.

Elle mit sur pied, dès 1944, un service de relations industrielles  qui, consacré à la défense des intérêts patronaux au niveau de la  convention collective, fit porter une partie importante de ses  efforts sur l'éducation de la partie patronale et sur l'utilisation des  éléments possibles de conciliation plutôt que sur l'affrontement  aveugle et l'exploitation systématique des conflits.

On aura constaté que ces initiatives, propres à l'esprit de  l'API, comportaient une large part de formation, d'éducation,  selon des critères qui parurent souvent insolites et inspirés par  une pieuse naïveté.

Mais le monde, le pays, le Québec évoluaient, et l'évolution  venait confirmer les positions ou les avertissements explicites ou  implicites de l'API.

Dès 1960, celle-ci avait prévu certains développements considérés comme inévitables : structuration de l'Etat, entraves au  développement, emprise excessive du syndicalisme et des forces  de gauche, progression d'un matérialisme envahissant. On trouvait  là une série de problèmes d'envergure dont le patronat et singulièrement l'API ne pouvaient se désintéresser.

La gravité de la situation, décuplée par l'accélération de  l'histoire, exigeait des interventions d'un type nouveau, différentes  de celles que l'API avait jusqu'alors utilisées, quoique s'inspirant  des mêmes principes. Il fallait concevoir à la fois une approche  et des moyens d'action inédits. Bref, il fallait sinon tout réinventer,  du moins tout remettre en question. Car, en dehors des encycliques, où on retrouve un effort d'intégration des diverses disciplines applicables à l'évolution des sociétés, il n'existe pas de  synthèse donnant prise à des applications concrètes. La société  est toujours à créer.

L'API se livra néanmoins à une évaluation de la situation.

1 - UN MONDE EN MOUVEMENT

Les avances évidentes de la socialisation sont le résultat non  pas d'une intention ou d'une planification consciente, mais d'une  multitude d'interventions éparses, nées du progrès technique ou

 de poursuites quantitatives, donc de forces socialement indifférentes et aveugles. Une fois admise l'importance essentielle du  développement («le développement est le nouveau nom de la  paix » ), il faut poser le problème de la qualité du monde qui se  refait sous nos yeux et dont l'évolution soulève des questions  angoissantes. Pour ne parler que de la nation de pointe du  vingtième siècle, les Etats-Unis souffrent de maux sociaux étendus  et aigus. Il suffit de songer au paupérisme, au problème noir, à  la prolifération des villes, à la détérioration de la santé mentale,  pour mesurer la gravité des menaces qui pèsent sur la puissance  américaine. Or, celle-ci est le modèle que les autres grands pays  s'efforcent d'imiter, qui leur impose leur orientation. Dans cette  tentative presque prométhéenne pour se hausser au palier du plus  fort concurrent, dans ce réaménagement angoissé des structures  continentales, nationales, ou dans la révision précipitée de leur  comportement, certaines nations ne courent-elles pas le risque  d'une tragique aliénation? Et tout autour, grandit à un rythme  effarant le drame du Tiers monde, que les soucis actuels repoussent constamment à l'arrière-plan, mais qu'on ne peut ignorer  indéfiniment sans vouer au désastre la civilisation elle-même.

2 - LE CANADA ET LE QUÉBEC

Le Canada ne peut manquer de subir les contre-coups d'une  pareille situation. Agissant au Québec, l'API était consciente des  contraintes que le climat international, la philosophie ambiante  imposent inévitablement au milieu québécois.

Ce climat porte la marque d'une conception matérialiste de  la croissance, celle de la civilisation occidentale contemporaine.  Ilot minuscule dans l'Amérique du Nord anglo-saxonne, le Québec  réagit à sa situation par des attitudes dont les contradictions ne  sont que l'illustration de la réalité.

Traditionnellement présent au monde en dépit de sa fragilité,  il prend conscience de ses propres limites et de ses propres besoins  et passe de l'attitude du don à celle de l'échange; désormais, il  agit par intérêt plutôt que par générosité, il devient conscient de  ses besoins, s'efforce d'y trouver des solutions.

Catholique obéissant, il se libère avec une impatience surprenante de l'emprise du clergé.

 Las d'une domination politique contraignante, il doit constater  malgré tout que l'autonomie ne serait qu'un leurre sans l'indépendance économique.

La prédominance économique des non-canadiens-français  souligne un dilemme grave : doit-on procéder à la reprise brusque  du pouvoir économique au risque de voir s'affaisser le niveau de  vie, ou se préoccuper d'abord d'établir un partage plus juste des  revenus, quitte à échelonner sur une plus longue période le règlement du problème économique ? Même si ces conflits et ces  alternatives ne sont pas exprimés dans les termes utilisés ici, ils  constituent dans la vie du Québec des éléments fondamentaux  dont la population ne peut rester inconsciente, qu'il s'agisse du  niveau des perceptions personnelles ou des options collectives.  On peut suivre la présence de ces réactions quasi viscérales de  la population québécoise tout au long de la « révolution tranquille ».

Comme toutes les révolutions, celle-ci fut peut-être avant tout  le fait de quelques individus : journalistes, universitaires, hommes  politiques, etc., dont les noms sont généralement connus. Vers la  fin des années cinquante, l'opinion publique exigeait déjà des  réformes politiques, sociales, économiques : elle parlait d'émancipation, de planification.

3 - LE SYNDICALISME QUÉBÉCOIS

En quelques années, le syndicalisme avait su augmenter le  nombre de ses adhérents, organiser son action, prendre une place  prépondérante sur la place publique, jouer à plein son rôle  revendicateur. Toutefois, il ne proposait pas une doctrine précise.  Il se bornait à manifester énergiquement son opposition, il était  de l'opposition. En agissant de la sorte, il ébranlait des certitudes,  mettait en doute la validité de certaines attitudes, il créait ce  climat d'insatisfaction qui provoque les changements. Il rendit le  service non négligeable dans une économie de consommation, de  contribuer à la hausse du pouvoir d'achat et au maintien de  l'expansion. C'était une force jeune qui jouait avec allant son  rôle d'éveilleur.

 4-LE RÔLE DU PATRONAT

Au cours de la même période, le rôle du patronat fut moins  spectaculaire. Conservateur par nature, il fuit les éclats et se méfie  des mouvements brusques qui compromettent la stabilité. Il préfère procéder par des réformes positives. C'est en bonne partie  à l'intervention de groupes d'employeurs que l'on doit la réorganisation du ministère de l'Industrie et du Commerce, la création  du Conseil d'Orientation Economique du Québec et certaines  mesures qui, si elles n'ont pas toutes donné les fruits qu'on en  attendait, le doivent peut-être avant tout au scepticisme des pouvoirs publics et à la pauvreté des structures, surtout des structures  patronales.

Tout en gardant à l'esprit la lourdeur et la complexité des  tâches assumées par les dirigeants d'entreprise et le fait d'une  absence de traditions administratives, on est obligé d'admettre  que la mentalité patronale se méfie du changement. Dans le  monde des affaires, on espère facilement et souvent contre toute  raison, dans le retour de la tranquillité, d'un libéralisme confortable qui permet de remettre à l'Etat la solution des problèmes  les plus urgents et les plus graves. Il existe dans cette attitude une  part d'aveuglement, une part d'incompréhension des véritables  dimensions des problèmes actuels, qui ne sont pas uniquement de  caractère économique.

Un changement significatif  l'API devient le CDE 

En 1966, l'API devenait le Centre des Dirigeants d'Entreprise.  L'Association Professionnelle des Industriels n'était pas « professionnelle » au sens ordinaire du terme; et elle n'était pas réservée  aux « industriels » puisqu'elle recrutait ses membres dans tous les  secteurs de l'entreprise. Il était normal que cette réalité se reflétât  dans son appellation. Plus important encore, son comportement  s'était modifié considérablement.

Au début des années soixante, il était apparu que le travail  de l'API devrait être adapté aux exigences d'une société en pleine  transformation.

 Traditionnellement, elle avait fait porter ses efforts sur trois  pôles principaux : le dirigeant, l'entreprise, les lois ouvrières. Mais  cette action paraît encore (car elle n'a pas changé) souvent contradictoire : généreuse dans les intentions, elle donne souvent  l'impression d'une défense patronale intransigeante. Attitude justifiable dans la mesure où les revendications syndicales sont excessives et où ne se présente d'autre solution aux conflits du travail  que celle de l'affrontement, du « bargaining power ». Dans ce  contexte, l'API s'efforçait, d'une part, de répandre ses objectifs  sociaux et réussit de fait, à modifier bien des comportements, à  améliorer les conditions et l'atmosphère du travail dans nombre  d'entreprises. Elle sut influencer la législation, participer à la  réforme et aux tâches d'organismes paritaires et économiques; elle  se pencha sur l'étude de sujets importants1. D'autre part, elle ne  pouvait délaisser les intérêts des employeurs, sans trahir une  partie de son mandat. Elle était partagée entre son rôle de  mouvement social et son rôle de syndicat patronal. Certains de  ses membres attachaient une importance prioritaire au premier  alors que d'autres réclamaient des services toujours plus concrets,  plus immédiats. Le CDE — nous utiliserons désormais le nouveau  sigle — se trouve encore fréquemment dans la position — devant  laquelle il ne recule pas — de défendre les intérêts de ses membres  et de se faire le porte-parole du patronat dans les conflits de  nature sociale et économique. Il ne refuse pas d'être sur la brèche,  mais il prône des solutions plus positives de règlement des conflits.

Le caractère interprofessionnel du CDE

On peut s'interroger sur la validité d'un mandat aussi écartelant. Nous avons dit qu'il tient au milieu lui-même. Il tient  également au caractère interprofessionnel du CDE.

La variété de ses membres, l'étendue de ses préoccupations  l'amènent nécessairement à considérer les problèmes dans des  perspectives très vastes. Car le CDE est plusieurs choses à la fois :

—  Mouvement voué au progrès social.

Il doit être sensible aux réalités qui se cachent derrière les

 mots et les principes; pour lui, la « défense de l'entreprise privée »  ne peut être un objectif absolu poursuivi dans un esprit réactionnaire. Il n'est justifiable que dans une perspective d'évolution;  l'entreprise n'est pas une fin ultime, mais un moyen nécessaire à  l'établissement d'une société meilleure.

—  Association patronale.

Le CDE est aussi une association où des hommes d'affaires  évaluent leurs problèmes et s'efforcent d'y apporter des solutions.  Le CDE est trop près de l'entreprise pour sous-estimer l'ampleur  des difficultés auxquelles elle fait face. Appelé à participer à leur  solution, il ne peut ignorer que les obstacles à surmonter touchent  à des ordres très différents : techniques, administratifs, structurels.  En d'autres mots, il serait illusoire de prétendre résoudre à l'aide  de remèdes uniquement techniques, ou uniquement administratifs,  des problèmes qui relèvent de toute une branche professionnelle  ou de l'ensemble des conditions économiques.

—  Syndicat patronal.

Bien qu'il n'ait jamais été à proprement parler un syndicat  patronal, le CDE est souvent le premier parmi les groupes patronaux à se préoccuper des conflits de travail, à illustrer et à  défendre les positions patronales. Ce rôle, il s'efforce de le jouer  avec objectivité, sans mesquinerie et avec le sentiment de remplir  une tâche supplétive qui devrait relever éventuellement d'une  organisation plus structurée, au sein de laquelle l'association professionnelle assumerait des responsabilités plus grandes à l'endroit  de son propre secteur, les situations générales relevant d'un  conseil du patronat. Au cours des années, le CDE a dû résister  maintes fois aux pressions tendant à en faire un syndicat patronal  agressif. En s'y objectant, il a peut-être écarté la seule chance  qu'il eût de s'enrichir. Plus exactement, il ne pouvait se désister  de la responsabilité de situer l'action globale du patronat dans  l'ensemble du Québec. Question de définition, d'abord, mais aussi  problème de réalisation, pour laquelle il ne pouvait compter que  sur lui-même, c'est-à-dire sur des ressources limitées. Et il devait  continuer de jouer un rôle supplétif sur plusieurs fronts; comme  l'indique le tableau suivant :

LE CDE - DIFFÉRENTS ASPECTS  DE SON ACTION

ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE

Le CDE doit se préoccuper des besoins généraux des dirigeants d'entreprise :

MOUVEMENT PATRONAL SOCIO-ÉCONOMIQUE

À ce titre, il doit travailler à l'édification d'une société plus  humaine en agissant :

SYNDICAT PATRONAL

Engagé dans les relations de travail, le CDE est amené :

Afin d'échapper au danger d'écartèlement mentionné plus  haut, le CDE s'est vu contraint non seulement, comme il est  normal, de dresser des priorités, mais de les réunir dans une  synthèse susceptible d'assurer aux différents aspects de son action  une unité indispensable. Les principes de base demeurant inchangés, le CDE formula ses priorités sous la forme suivante : le social est indissociable de l'économique.

 La démarche inverse selon laquelle l'entreprise serait vouée  aux seules fins économiques est à la source de plusieurs des maux actuels. Elle confirme une autre erreur qui consiste à considérer  le syndicalisme comme le seul responsable du progrès social et à  le dégager de toute responsabilité économique. Il faut réintégrer  le social dans le milieu économique, à tous les niveaux d'activité,  sous peine de tomber dans des méprises très graves.

La croissance économique est cependant le premier objectif  du patronat et sa première responsabilité. La croissance est la  base du progrès social, comme la pierre est la matière de la  sculpture. Le milieu exige que le CDE se préoccupe de réaliser  ses principes dans des actions concrètes.

Formulées en 1963, ces données se traduisent dans les initiatives suivantes :

Inspirées par une conception qui se veut cohérente au rôle  multiforme du CDE, ces activités tendent à s'exercer, comme  par le passé, auprès :

Elles visent le même but, avec des moyens différents, mais  complémentaires et elles portent le même message à plusieurs

 paliers de la société. Cet exercice consiste à inscrire la théorie  dans des faits, à conférer à l'action la dimension idéologique  particulière au CDE.

Le CDE parmi les autres associations patroname les

On est en droit de se demander si ce programme du CDE le  met en concurrence avec d'autres groupes patronaux. A la fois  association interprofessionnelle, mouvement et à l'occasion syndicat patronal, le CDE se conduit-il comme la mouche du coche,  se mêlant des affaires de tout le monde dans une action stérile?

Il est utile, à ce point, de décrire brièvement le milieu patronal  du Québec, en ajoutant quelques observations aux notes déjà  fournies sur le sujet.

Les organismes patronaux au Québec

1        -ASSOCIATIONS VERTICALES OU PROFESSIONNELLES

Celles-ci groupent les entreprises d'un secteur particulier :  chaussure, meubles, textiles, etc.; elles répondent aux besoins  communs des membres de la profession : production, marchés,  statistiques diverses, représentation auprès de l'Etat, quelquefois  auprès du syndicalisme, pour défendre les intérêts du secteur. Des  dizaines d'associations de ce genre existent au Québec, les unes  dynamiques et bien équipées, les autres jouant un rôle plutôt  superficiel.

2        - ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES GÉNÉRALES

L'Association des Manufacturiers Canadiens est un exemple  avancé de ce type d'association. Elle regroupe tous les employeurs  du secondaire, de quelque secteur qu'ils soient : produits chimiques, métalliques, bois, etc., auxquels elle fournit, sans déborder  sur les attributions de l'association verticale (voir le paragraphe  précédent), des services d'intérêt général : exportation, fiscalité,  tarifs, etc. L'AMC se préoccupe également des questions d'ensemble :   relations  de  travail,  sécurité sociale,  mais  dans  une  optique différente de celle du CDE.

La Fédération du Détail et des Services est un autre exemple  du même type d'association; elle agit dans le domaine du petit  et moyen commerce, mais dans un esprit et avec des moyens  différents, imposés par les conditions générales dans lesquelles  ce groupe évolue.

3        - ASSOCIATIONS HORIZONTALES OU INTERPROFESSIONNELLES

Comme nous l'avons vu, une association de ce type recrute  ses membres dans tous les milieux du monde des affaires. C'est  le cas des Chambres de Commerce, du Montreal Board of  Trade, etc. Même si les premières se définissent comme des organismes communautaires, elles jouent un rôle patronal dans la  mesure où elles agissent comme groupe de pression pour les  hommes d'affaires dans le domaine du travail, de la sécurité  sociale, du développement, etc.

L'AMC se classe souvent, par la nature de ses interventions,  dans ce dernier groupe.

4        - MOUVEMENT PATRONAL

À l'état évolué, c'est-à-dire dans une organisation patronale  avancée, le mouvement agit comme agent de changement grâce  au travail de ses membres sur les structures et les mentalités  existantes. Après s'en être enrichis eux-mêmes, ils portent dans  des organismes établis, dans une structure donnée, une idéologie,  des principes, une vue de la société susceptibles d'améliorer les  comportements individuels et collectifs et le fonctionnement des  institutions. Au Québec, et même au Canada, il n'existe qu'un  seul mouvement patronal : le CDE2.

Or, l'organisation professionnelle au Québec est très imparfaite : des centaines d'associations, mais sans liens organiques,  sans structures formelles, sans politiques générales. Les quelques  associations horizontales qui parlent au nom du patronat sont

 loin de faire l'unanimité sur des sujets très importants : rôle de  l'entreprise privée, droit de grève du secteur public, évolution  sociale, etc., etc. Dans un tel contexte, un mouvement patronal  à l'état pur ne saurait jouer qu'un rôle superficiel et verbal, sans  prise sur la réalité.

Ce sont ces constatations très concrètes qui ont incité le CDE  à orienter son action vers les priorités déjà mentionnées, qui  constituent des urgences indiscutables, aussi longtemps que les  secteurs d'entreprises, regroupés au sein d'un Conseil du Patronat  par le canal d'une solide organisation, ne seront pas en mesure  de répondre plus adéquatement à la gamme étendue et croissante  des besoins économiques et sociaux et de proposer des objectifs  globaux au monde des affaires et à ses interlocuteurs.

Spécificité du CDE

Le caractère particulier du CDE s'appuyait surtout, au début,  sur la doctrine chrétienne et sur le caractère canadien-français de  ses membres. Sans renier ce passé, on lui a conféré une dimension  plus large. Ses postes supérieurs sont maintenant ouverts aux  hommes de toute race, de toute religion; il recrute davantage  parmi la grande entreprise anglo-saxonne.

Malgré la diversité évidente de l'entreprise du Québec, le  CDE opte pour la solidarité, dans la mesure où elle est essentielle  à la poursuite d'un progrès authentique qui soit autre chose qu'un  nouveau mode de repliement. Pour lui, l'entreprise privée n'est  pas une vache sacrée, mais une institution perfectible et susceptible  de servir très efficacement au perfectionnement de la société et de  devenir l'un des centres privilégiés où se réalise en fait la liberté  et l'épanouissement des individus.

Pour le CDE, cette vue est trop importante pour qu'on l'abandonne aux lenteurs des adhésions individuelles. Il faut donner à  des milliers d'entreprises des structures véritables, dont le Conseil  du Patronat n'est que l'une des dimensions essentielles.

Une fois organisé, le patronat québécois peut contribuer puissamment à l'élaboration d'un cadre économique et social original,  adaptable aux autres provinces canadiennes.

 Aussi vastes qu'elles soient, ces perspectives doivent se réaliser  par des étapes concrètes et mesurées dont le CDE s'efforce d'être  l'initiateur et le promoteur. Ayant constaté que les nations européennes d'entre les deux guerres ont été bouleversées par des  conflits patronaux-ouvriers aigus et ne s'en sont dégagées qu'à la  suite d'expériences très douloureuses, il prône la prévision économique et sociale et l'application des moyens propres à en effectuer  la réalisation.

Les circonstances l'obligent à mettre l'épaule à la roue, à  démontrer que certaines formes d'action sont possibles.

L'idée du Conseil du Patronat obtient une faveur croissante  (le projet relève désormais de vingt-cinq associations patronales);  la formation acquiert au CDE une dimension privilégiée. Elle  prend la forme de deux programmes distincts, l'un de formation  des dirigeants et cadres, axé sur l'administration générale et les  relations humaines; l'autre, de formation socio-économique dont  le but est de souligner les aspects communautaires du rôle de  l'entreprise et de conduire à des réalisations au plan régional ou  dans des secteurs particuliers. Le premier de ces programmes  fonctionne à plein, le second est en voie d'application; les deux  font l'objet de chapitres distincts de ce Cahier.

Il faut noter, toutefois, que chacun de ces programmes comporte à la fois une dimension sociale et une dimension économique  et que les deux constituent, à terme, un ensemble cohérent. En  effet, si la responsabilité de l'entrepreneur est avant tout économique, la compétence devient une exigence primordiale : il faut  d'abord réussir. Par ailleurs, le succès demeure superficiel et  socialement inefficace, s'il ne déborde sur la collectivité sous forme  d'emplois plus nombreux et plus rémunérateurs; d'une participation plus immédiate et plus large des cadres et des travailleurs  aux objectifs globaux et aux responsabilités de l'entreprise; d'un  accroissement de la richesse et d'une élévation du niveau social  de la population.

Ces derniers temps, les expressions d'opinions du CDE se font  plus nombreuses, l'accroissement du personnel rendant possible  l'exécution de travaux et de recherches qu'on devait jusqu'alors  négliger.  Le  CDE intervient publiquement,  soit dans  des  cas d'actualité, soit pour proposer des réformes, des projets ou exposer  des vues d'intérêt général. Ennemi des divisions stériles dans  lesquelles on se complaît souvent, habitué à une longue pratique  des relations de travail, plongé dans l'économique et dans le  social, le CDE s'efforce d'introduire dans ses interventions et ses  propositions une façon positive de concevoir l'avenir. Considérant  que le socialisme aboutit historiquement à des résultats décevants,  à la perte des libertés individuelles et collectives, à un optimisme  excessif suivi de réveils brutaux, il est persuadé que le régime  actuel est adaptable à des orientations prometteuses, à la condition  que les hommes et les corps intermédiaires assument d'une façon  adulte la tâche difficile de parfaire les institutions et la responsabilité de participer objectivement aux réformes nécessaires et aux  orientations d'ensemble. La politique est trop importante pour  qu'on l'abandonne entièrement aux soins de l'Etat, des théoriciens  du socialisme, ou à l'influence prédominante d'un groupe particulier, de gauche ou de droite. L'équilibre ne peut résulter que de  la confrontation de forces égales, conscientes de leurs droits, mais  aussi des exigences du bien commun.

Dans ses interventions, le CDE tente de s'inspirer de ces  données, pour lui essentielles, et de les adapter aux questions  traitées. L'ensemble de ces programmes reflète une conception  de la société, particulière, nous semble-t-il, au CDE. Dans cette  optique, le patronat n'est pas une classe privilégiée, mais une  élite responsable devant la nation; l'entreprise n'est pas un mécanisme aveugle et froid, mais un centre de croissance économique  et d'épanouissement personnel, un véhicule du progrès réel.

Ces activités comportent une difficulté majeure, celle de faire  la preuve malgré l'indifférence et le scepticisme :

Les structures actuelles du CDE

Le choix du régime juridique donna lieu, à l'origine du CDE,  à de vives discussions. Bon nombre de membres préconisaient  le régime des syndicats professionnels, mais on opta enfin pour  la formule d'incorporation en vertu de la troisième partie de la  loi des compagnies du Québec, pour les motifs suivants :

Il convient de mentionner que le régime juridique et l'orientation idéologique du CDE, bien qu'ils aient été adaptés avec soin  aux conditions du Québec, ont été influencés par les expériences  de groupes européens d'inspiration similaire, notamment par  l'Association des Patrons et Ingénieurs Catholiques de Belgique  (APIC).

 1  - STRUCTURES ÉLECTIVES

 2 - STRUCTURES ADMINISTRATIVES

3 - STRUCTURES FONCTIONNELLES

Celles-ci reflètent un effort pour appliquer au fonctionnement  du secrétariat certaines des données théoriques exprimées dans  ces pages et pour résoudre des situations particulières :

 Le service de formation et son action

Rémy Gagné

 

Saisir une réalité en plein mouvement, en plus d'être difficile  pour l'observateur, ne rend pas toujours justice à la chose observée.

Au risque de cristalliser certaines perceptions qui ne correspondraient pas à la réalité, ce texte n'a d'autre ambition que de  présenter une photographie d'ensemble du Service de formation  et de son action, en s'arrêtant aux aspects les plus caractéristiques,  faisant grâce au lecteur des lignes de second plan.

Il s'agit d'un service qui compte à peine sa cinquième année  d'existence, et qu'on retrouve en pleine croissance. C'est d'ailleurs  cette dimension dynamique que le texte veut faire ressortir en  rappelant les points saillants du passé pour mieux identifier la  situation actuelle du service et ses perspectives de développement.

Un brin d'histoire

Printemps 1964. L'Association Professionnelle des Industriels  vient de transformer son équipe de permanents. À un nouveau  directeur général, en place depuis environ un an, s'ajoutent successivement un conseiller en productivité, un autre en administration  du personnel et un troisième en animation sociale.

Un bureau est ouvert à Québec groupant les services d'administration du personnel, de productivité et d'animation sociale, le  tout doté d'un secrétariat.

Après plusieurs tentatives menées à travers la Province pour  activer la participation des membres à des programmes d'information et de consultation, les conseillers se rendent compte que  les formules utilisées ne répondent pas aux préoccupations du  marché. Une analyse de la situation d'ensemble débouche sur la  conclusion qu'il faut changer l'orientation des programmes et  trouver des formules plus appropriées aux besoins, compte tenu  de la disponibilité des gens qu'on veut atteindre.

Certaines expériences pilotes sont menées à travers la Province,  en particulier une série de laboratoires sur les relations humaines  et la discussion en groupe. Nous en venons peu à peu à identifier

 deux types d'activité qui deviendront le stage en travail d'équipe  et le groupe de travail inter-entreprises.

1-1965 PREMIÈRE ÉTAPE: PROGRAMME PILOTE

Un programme est mis au point pour grouper les patrons au  niveau des localités, les amener à échanger leurs connaissances et  leurs expériences en administration et favoriser ainsi la collaboration inter-entreprise. La formule utilisée est le groupe de discussion animé par un conseiller. Le programme comprend une  session de trois jours portant sur le travail d'équipe et une série  de laboratoires pour discuter des cas d'administration soumis par  les entreprises participantes. Discussion qui permet de dégager  une conception générale de l'administration et de faire l'apprentissage d'instruments de travail pouvant servir au sein de l'entreprise.

A.-LE STAGE EN TRAVAIL D'ÉQUIPE (STE)

Ce stage veut amener le participant à prendre conscience de  ses besoins de formation sur le plan humain et sur le plan  administratif. C'est le démarrage d'un processus de formation où  l'élève apprend à devenir son propre agent de formation.

À cela s'ajoute une sensibilisation à des schèmes théoriques  auxquels l'individu peut référer comme instrument de clarification  et de compréhension.

a) Contenu

Les efforts de réflexion et d'analyse portent sur cinq aspects  principaux du travail d'équipe :

La discussion peut entraîner le groupe sur un éventail de  sujets plus ou moins reliés à ces catégories. Une attention cons-  tante assure le lien entre la leçon du laboratoire et la réalité du  milieu de travail. Chaque session prévoit une visite industrielle  axée sur l'étude d'un « cas » présenté par l'un des participants.  Occasion parfaite pour illustrer des applications du stage.

Le stage dure trois jours. L'horaire peut varier d'un groupe  à l'autre selon la disponibilité des participants.

Généralement les groupes fonctionnent l'après-midi et le soir,  ce qui permet au patron de faire son tour au bureau le matin.

Cette formule présente beaucoup d'inconvénients. On arrive  en retard, on s'absente, on se concentre difficilement, on prend un  temps énorme avant de créer l'atmosphère d'un laboratoire de  formation. La plupart constatent à la fin qu'il aurait mieux valu  couper toute communication avec les affaires et s'engager totalement dans un stage intensif.

Le stage utilise la formule du travail d'équipe. Le groupe  devient son propre professeur et l'individu est lui-même son  propre agent de formation. Le conseiller se réserve un éventail  de rôles qu'il tient selon les besoins : animateur, informateur,  conseiller ou simple participant.

Les séances de discussion alternent avec des laboratoires, des  pauses, de façon à conserver un rythme enthousiaste, à soutenir  l'intérêt et à tenir le participant sur un qui-vive continuel.

c)         Techniques

Les techniques utilisées recherchent toutes à stimuler l'engagement et la participation active de l'individu de même qu'à  développer la responsabilité du groupe.

D'abord, il y a des jeux. Celui du voyage en bateau qui  démarre le stage. Imaginons dix ou douze personnes, se connaissant à peine, qui se retrouvent sur un bateau pour un voyage de  3 mois. Où aller, qui est capitaine, quel programme prévoit-on,  quelle est la responsabilité de chacun, etc., autant de questions  à répondre. Une situation ambiguë qu'il faut clarifier, avec tous  les problèmes de relations interpersonnelles qu'on peut imaginer.

Le « rôle playing » est utilisé pour faire ressortir certaines  attitudes et comportements au niveau des relations interpersonnelles qui constituent des blocages à la communication. On s'en  sert également pour illustrer certains aspects du leadership.

 Il y a la traditionnelle clinique des rumeurs dont on se sert  pour mettre en évidence les points à surveiller dans la transmission  orale d'un message. Nous utilisons également la même technique  avec une image pour faire ressortir le biais de la perception  individuelle. Un film, conçu expressément à cette fin, est souvent  projeté.

Il y a ce que nous appelons le jeu du « miroir» où un groupe  observe l'autre et évalue son fonctionnement. Nous retrouvons la  même technique utilisée différemment lorsque l'animateur décrit  le film d'une discussion.

Mentionnons encore l'étude de cas que nous utilisons avec un  certain nombre de variations. N'oublions pas l'usage régulier et  accentué du tableau et des graphiques. Le sociogramme nous  permet d'illustrer par graphique, les types de changements sur le  plan des relations interpersonnelles. Les noms ne sont pas révélés  au groupe. Enfin, chaque participant reçoit un cahier contenant  les procédures, les textes théoriques, les tâches et documents  d'information.

d) Participants

Les stagiaires se recrutent principalement dans la petite entre-  prise au niveau de la direction générale. L'entreprise moyenne  délègue habituellement des cadres intermédiaires. A l'occasion, la  grande entreprise y envoie des spécialistes.

Nos groupes comprennent dix à quinze participants recrutés  dans une localité et les environs.

B. - LE GROUPE DE TRAVAIL INTER-ENTREPRISE (GTIE)

Deuxième étape du programme. Il s'agit d'une série de cinq  laboratoires de discussion ayant comme objectifs de pousser  l'apprentissage du travail d'équipe et du processus de solution de  problème, d'amener les participants à mieux connaître leur entreprise respective, à se sensibiliser aux principes d'une administration efficace, à recueillir des idées et des suggestions pour  résoudre leur problème et améliorer la productivité, à découvrir  des possibilités de collaboration inter-entreprise, à favoriser le développement d'un climat de confiance et de solidarité dans le  milieu patronal.

a)        Contenu

Le contenu est relié aux «cas»  soumis par les participants.  L'animateur procède à une sélection des sujets compte tenu de  l'intérêt général du groupe et des objectifs du cours.

b)        Formule

Une fois le groupe constitué et prêt à fonctionner, chaque  entreprise, par ses représentants, doit préparer un dossier comprenant trois types de renseignements :

Le groupe procède ensuite au choix de cinq cas représentatifs  des fonctions majeures de l'entreprise telles que : direction générale, direction des ventes, de la production, des achats, du  personnel et des services administratifs.

On fixe alors le calendrier des rencontres qui habituellement  se tiennent à toutes les deux semaines.

Chaque laboratoire connaît sensiblement ce même processus  de déroulement :

Le cours totalise une quarantaine d'heures et se termine par  une séance d'évaluation.

Certains groupes, à la suite de ces rencontres, décident de  fonctionner à l'année longue. D'autres inaugurent des formules de  collaboration inter-entreprise, comme par exemple, bâtir un système de coût de revient, définir une politique de personnel,  organiser un service d'achat dans l'une des entreprises participantes. Dans certaines localités, l'expérience donne naissance à  des initiatives d'organisation professionnelle.

 Une cinquantaine de dirigeants poursuivent le programme en  groupes de travail inter-entreprises auxquels s'ajoutent une cinquantaine d'autres dans les stages en travail d'équipe. Plusieurs  groupes sont prêts à s'engager dans la troisième étape, mais le  manque de personnel nous oblige à reporter ce programme à  l'année suivante.

c) Orientation

Le marché réagit lentement, mais les quelques groupes qui  réussissent à fonctionner confirment le besoin de formation en  administration. Définitivement, le potentiel est là, mais comment  le développer ?

Certaines difficultés apparaissent très vite et freinent le développement du marché.

La disponibilité réduite des participants nous oblige à tenir  les rencontres l'après-midi et le soir, pour leur permettre de  « faire leur journée» durant l'avant-midi. De plus, on préfère  fonctionner à raison d'une journée par semaine ou par quinze  jours. Cette situation impose aux conseillers des déplacements  nombreux qui rongent une forte proportion de leur temps, sans  compter l'accumulation de la fatigue physique.

Par voie de conséquence, le peu de temps qui reste est voué  à la rédaction des rapports auxquels les participants tiennent  comme travaux de référence. La recherche, l'administration des  programmes, la conception des instruments de travail et certains  travaux de consultation sont partagés parmi trois conseillers dans  leurs périodes de temps libre.

Une autre restriction majeure au développement du marché  est le coût d'un tel programme qui ne peut être totalement défrayé  par les participants sans devenir prohibitif. En fait, cette première  année d'opération se solde par un déficit de $20,000 que l'Association absorbe à même ses revenus de cotisations.

Forte de cette expérience, l'équipe analyse la situation pour  découvrir que le programme a une valeur réelle puisqu'il répond  à des besoins de formation en administration au niveau de la  petite et moyenne entreprise. Toutefois, il ne peut s'autofinancer à cause des coûts excessifs que les participants ne sont pas prêts  à défrayer.

Le programme ne peut prendre d'expansion en restant sous la  seule égide de l'Association. Il faut ou bien le transférer à un  organisme dont le potentiel financier permet d'absorber les déficits  ou bien solliciter le support financier du gouvernement.

2-1966 DEUXIÈME ÉTAPE: DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ

Des démarches sont entreprises alors auprès du ministère de  l'Industrie et du Commerce et du ministère de l'Education, plus  précisément au Service de l'enseignement technique et spécialisé.  Ce dernier s'intéresse au programme et y voit un moyen d'améliorer l'efficacité administrative des cadres et de développer la  productivité de l'entreprise. Une série de rencontres débouche sur  une entente qui permettra au programme de se développer et à  l'équipe d'augmenter ses effectifs.

Assurée du support du directeur général et de l'exécutif qui  endossent la nouvelle orientation grâce à la collaboration financière du ministère de l'Education, l'équipe lance le programme  CAP (Coopération pour l'accroissement de la productivité) avec  un objectif de 200 participants.

Le programme de coopération pour l'accroissement de la  productivité (CAP) se donne comme objectifs de perfectionner  la compétence administrative des dirigeants, d'identifier des  besoins communs et de mettre au point des mécanismes de collaboration inter-entreprise pour satisfaire ces besoins. Bref, il s'agit  de préparer le terrain à l'implantation des formules de groupement qui permettront à la petite et moyenne entreprise de se  donner les services qu'elle ne peut se payer seule. Par exemple,  une douzaine d'entreprises peuvent mobiliser les services d'un  spécialiste à plein temps en relations industrielles, en génie, en  comptabilité, etc., ou encore créer un centre de mécanographie  et autres initiatives du genre.

Nous essayons d'abord de démarrer des projets de ce type,  mais nous devons reconnaître les prérequis d'un climat de con fiance et de collaboration pour assurer l'efficacité de telles initiatives. Les barrières s'élèvent sur plusieurs plans à la fois, en  commençant par celle du langage. Nous devons nous donner une  langue administrative que les participants comprennent. Au niveau  des attitudes et des mentalités, il y a également beaucoup de choses  à faire. Le changement des structures sociales suppose un changement des structures mentales. Par son approche, le programme  doit amorcer un processus de changement chez l'individu d'abord,  lequel deviendra ensuite agent de changement dans son entreprise  et dans son milieu.

Au stage en travail d'équipe (STE) et au groupe de travail  inter-entreprises (GTIE) dont il fut question plus haut, s'ajoutent  le groupe de travail en administration (GTA) et le groupe auto-diagnostic (GAD).

A. - LE GROUPE DE TRAVAIL EN ADMINISTRATION (GTA)

Le GTA comporte trois stages de trois jours qui poursuivent  les objectifs suivants :

a) Le contenu

Le contenu du GTA s'intéresse aux principales fonctions de  l'administration générale : planification, organisation des fonctions, ressourcement humain et contrôle.

Au chapitre de la planification, il s'agit d'analyser la nature  de l'entreprise en fonction de son marché, de définir des objectifs  et des politiques de productivité.

Une deuxième série de discussions porte sur l'organisation  des fonctions dans l'entreprise, aux niveaux suivants : conseil  d'administration, exécutif, présidence, direction générale, ventes,  production, achats, personnel, services administratifs, etc.

 Un troisième bloc d'activités étudie la communication, la  délégation et le style de direction afin de sensibiliser le participant  à son style et à l'impact de son style sur le comportement des  autres et sur toute l'organisation.

Le tout couronné par la stratégie administrative qui comporte  un ensemble de principes directeurs et une conception de l'administration qui puise ses fondements dans les théories modernes.

b)         La formule

La formule est celle du GTIE. Chaque participant suggère un  cas et le groupe choisit celui qui se prête le mieux à l'étude  projetée. Pendant que le groupe travaille sur le cas, chacun peut  en faire une application à sa propre situation et à sa propre  entreprise de sorte que l'étude prend un caractère pratique.

c)         Les techniques

Les techniques utilisées réfèrent à un ensemble d'instruments  de travail bien structurés dont l'usage est déterminé selon une  procédure définie.

Ces techniques sont conçues en fonction des champs d'application suivants :

Chaque participant dispose de ces instruments de travail qui  sont reproduits au tableau pour l'usage en équipe.

L'animation des séances de discussion est assumée à tour de  rôle par les participants, chaque animateur faisant l'objet d'une  évaluation par le groupe.

 B. - LE GROUPE AUTO-DIAGNOSTIC (GAD)

Ce stage se veut l'apprentissage de la technique du diagnostic  cherchant à identifier la situation, ses exigences et les besoins de  changement. En même temps, il s'agit d'élaborer des programmes  d'implantation pour changer la situation et améliorer la productivité de l'entreprise.

a)         Formule

La formule consiste à diviser le groupe en équipes de deux  participants qui doivent visiter l'entreprise d'un confrère pour y  effectuer un diagnostic. Les résultats sont soumis à l'analyse du  groupe, lors d'une série de réunions prévues et animées par un  conseiller.

Cette formule, de même que celle du groupe de travail en  administration, donnera naissance aux stages du programme  actuel que l'on retrouve en phase II.

b)         Participation

Le programme de l'année enregistre 317 inscriptions en STE,  193 en GTIE, 40 en GTA et une quinzaine en GAD.

Trois animateurs nouveaux viennent prêter main-forte aux  trois seniors. Des travaux de recherche sont entrepris pour améliorer les formules et rendre le programme plus efficace.

Au mois de juin, nous avions rencontré nos objectifs en  accumulant une foule d'expériences qui nous suggéraient des  changements à apporter aux formules, aux techniques et au  contenu.

3-       1967 TROISIÈME ÉTAPE: DÉVELOPPEMENT DES PROGRAMMES

Les transformations majeures inscrites au programme en cours  peuvent s'identifier comme suit :

Assurés encore une fois du support financier et moral du  ministère de l'Education, nous dotons notre équipe d'un septième  conseiller.

Le marché, sensibilisé au besoin de formation en administration, manifeste un intérêt croissant pour nos programmes. La  phase I enregistre 280 participants et la phase II, environ 75,  au total 350 dirigeants.

Du côté de l'équipe, les formules sont plus rodées, les améliorations aux instruments de travail en accentuent l'efficacité et  chaque conseiller maîtrise davantage son métier en élargissant  l'éventail de la polyvalence au sein de l'équipe. Le budget  dépasse les $150,000.

Bref, le programme est entré dans une période d'expansion  et d'amélioration qui se continue.

Quelques observations

1 - DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS CE PROCESSUS

Il n'est pas question de les énumérer toutes, mais retenons  celles qui ont freiné l'utilisation optimale des ressources.

2 - FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT

Parmi les principaux facteurs qui ont présidé à la naissance  et au développement du programme, mentionnons :

3- TÉMOIGNAGE DES CHIFFRES

Nous indiquons quelques chiffres pour préciser certains aspects  de la participation des dirigeants au programme CAP.

Notons que la période couvre les années 1964 à 1967, plus  précisément trois programmes annuels.

PARTICIPATION AUX STAGES DE JUILLET 1964 À JUILLET 1967

 

1964-1965

1965-1966

1966-1967

STE

109

50

317

GTIE

40

54

193

GTA

40

GAD

15

PARTICIPANTS PAR STAGE DE JUILLET 1964 À JUILLET 1967

STE .........................................................................................      476

GTIE ........................................................................................ 287

GTA  ..........................................................................................        40

GAD .......................................................................................... 15

NOMBRE DE PARTICIPANTS PAR CATÉGORIE DE FONCTIONS ET PAR RÉGION

Haute direction

Québec-Beauce ..................................................................   35  participants

Bois-Francs    ........................................................................... 37  participants

Montréal   .............................................................................. 25  participants

Lac St-Jean .......................................................................... 11    participants

Bas St-Laurent .................................................................... 61   participants

TOTAL:     169 participants

Cadres supérieurs

Québec-Beauce.................................................................... 23 participants

Bois-Francs   ............................................................................. 23 participants

Montréal   ............................................................................... 30 participants

Lac St-Jean  ............................................................................      8 participants

Bas St-Laurent ...................................................................... 12 participants

TOTAL :      96 participants

Cadres inférieurs

Québec-Beauce ....................................................................     13 participants

Bois-Francs   ................................................................................ 2 participants

Montréal   .................................................................................. 9 participants

Lac St-Jean .............................................................................. 3 participants

Bas St-Laurent ........................................................................ 9 participants

TOTAL :      36 participants

Nombre d'entreprises qui ont participé au programme CAP

Québec-Beauce ................................................................  71    entreprises

Bois-Francs   ..........................................................................   56   entreprises

Montréal   ............................................................................  52    entreprises

Mauricie ..............................................................................     8   entreprises

Lac St-Jean  .......................................................................   31  entreprises

Bas St-Laurent ..................................................................  44 entreprises

TOTAL:    262 entreprises

 

ÉVOLUTION DES PROGRAMMES (1964-68)

Années

Nombre  d'inscriptions

Nombre de groupes

Nombre  d'heures  de cours

Nombre de conseillers  affectés aux cours

1964-65

150

14

420

2

1965-66

104

10

450

2

1966-67

375

46

2,000

6

1967-68

350

30

2,280

6

Le tableau tient compte de l'affectation des conseillers à la  réalisation du programme seulement, plus précisément à l'organisation et à l'animation des stages. Il faut ajouter le temps requis  pour l'administration du programme, les travaux de recherches et  d'innovation, les activités de consultation, etc.

La situation du service

1 - ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Pour comprendre davantage le service de formation, il est bon  de le situer dans l'ensemble du CDE. Et ici je réfère tout simplement aux travaux précédents.

L'administration du service est basée sur le principe de la  direction collégiale. Quatre conseillers se partagent les fonctions  administratives : planification, organisation, ressourcement humain, direction, contrôle, sur le plan de l'innovation, des ressources de marchés, des ressources financières et des services administratifs.

Ce type de structure permet de développer la polyvalence au  sein de l'équipe en assurant une flexibilité dans la répartition des  tâches qui favorise l'utilisation optimale des ressources. Moyennant un fonctionnement adéquat, il assure des communications  horizontales et verticales qui favorisent l'intégration et la coordination des programmes.

 Les conseillers actuellement en fonction dans le service sont  au nombre de six auxquels s'ajoutent deux secrétaires. Tous sont  diplômés de Laval, en sciences sociales, génie ou commerce. Tous  ont travaillé trois à cinq ans dans différents milieux d'affaires  avant d'entrer dans le service. Tout le monde a suivi un ou deux  stages en dynamique des groupes et autres stages spécialisés.

Mentionnons une collaboration étroite du service avec le  professeur Laurent Bélanger, Ph.D., de l'université Laval, et le  professeur William J. Reddin, Ph.D., de l'université de Fredericton.

2-NOTRE CONCEPTION DE L'ADMINISTRATION

Sans aller dans le détail, quelques idées maîtresses sur notre  conception de l'administration faciliteront une meilleure compréhension des programmes.

Partant du fait que l'entreprise est une entité sociale et économique faisant partie d'une société en constante évolution dont  elle subit l'influence, il appert qu'une approche administrative  efficace doive être axée sur l'adaptation continuelle de l'individu  et de l'organisation à la situation changeante de façon à y devenir  un facteur de développement et de progrès.

Cette dynamique interne requiert une intervention rationnelle  qui tienne compte à la fois de la dimension sociale (les relations  humaines) et de la dimension économique (la production) dans  une perspective d'intégration dont les normes seront dictées par  les exigences de la situation et des objectifs à réaliser.

Ce processus nous fait déboucher sur le concept de formation  permanente dont le but consiste à doter l'administrateur des  attitudes et des comportements qui le rendront apte à développer  le potentiel des ressources mises à sa disposition.

C'est à cette condition que l'entreprise pourra répondre aux  exigences de son rôle social et économique dans la société. Rôle  qui doit se définir en termes de facteur de progrès et de mieux-être.

 Dans le prolongement de sa zone d'influence immédiate qui  est son entreprise, l'administrateur que l'on peut qualifier d'agent  de changement pourra étendre son rayonnement jusque dans les  milieux où il évolue.

Ainsi, un programme de formation en administration qui  s'adresse directement à l'individu comme chef d'entreprise ou  comme administrateur, amorce un processus de changement qui,  des structures mentales, passera dans les structures sociales et  économiques. Si le point d'impact premier du programme est  l'administrateur, par lui nous atteignons l'entreprise et la société.

Nos programmes actuels

L'ensemble des programmes cherche à améliorer l'efficacité  de l'administrateur et la productivité de l'entreprise. Distinguons  pour les fins de présentation trois types majeurs de programmes.  Un programme de base, des programmes d'implantation à l'intérieur de l'entreprise et certaines activités spécifiques.

1 - PROGRAMME DE BASE

Le programme de base comporte une série de stages regroupés  en deux phases que le participant peut suivre sur une période de  deux ans ou moins. Ces stages qui se tiennent sous forme d'internat, sont ouverts à l'ensemble des dirigeants d'entreprise plus  précisément aux présidents et directeurs généraux, aux responsables des fonctions majeures de l'organisation et aux spécialistes.

Le programme cherche à développer la compétence administrative en vue d'améliorer l'efficacité de l'administrateur; il  comprend deux séries de stages de trois jours regroupés en deux  phases.

A.-PHASE I

La phase I comprend deux stages : l'un portant sur le travail  d'équipe, l'autre sur le style d'administration. Ces deux stages  mettent l'accent sur la dimension humaine de la compétence  administrative.

 a) Session en travail d'équipe (STE)

Nous y retrouvons sensiblement les mêmes éléments de base  qui existaient dans le programme CAP. Rappelons brièvement  les préoccupations majeures du stage.

—  Changer les structures mentales

Aider l'individu à mieux se connaître, à identifier les blocages  à la communication et à évaluer l'influence de son comportement  sur celui des autres et vice versa; créer un climat qui permette  au groupe de développer des relations authentiques interpersonnelles et intergroupes; permettre au participant de faire l'apprentissage d'une méthode rationnelle de travail; analyser les différents  aspects du leadership et tracer la généalogie des principales  théories des styles d'administration; autant d'objectifs spécifiques que se donne le STE.

Ces préoccupations sont toutefois dominées par celle de  changer la manière de voir de l'individu et de le sensibiliser à  l'« autre ». D'où l'insistance du stage sur le phénomène de la  perception que le groupe analyse à partir de deux expériences :  celle du voyage en bateau qui est expliquée au premier chapitre  de ce texte et que nous avons conservée telle quelle; une deuxième  qui utilise le film : A chaque homme sa vérité. Le « feed back »  et l'évaluation systématique permettent une exploration approfondie de la perception et de ses conséquences sur l'agir humain.

— Apprendre à travailler

Le deuxième jour met l'accent sur la méthode de travail qui  indique comment aborder un problème ou une tâche à réaliser.  Le groupe fait l'apprentissage d'un processus de travail en réalisant deux tâches : la première consiste à définir un problème de  personnel et à décider de l'action à prendre. La deuxième se  déroule comme suit : chaque équipe doit d'abord préparer une  activité de trente minutes qui aura lieu en soirée. Ensuite, deux  délégués de chaque équipe se rencontrent à une table de négociation pour décider du programme de la soirée. Les équipes agissent  comme conseillers. Cette expérience dont le but immédiat est  l'apprentissage d'un processus rationnel de travail (définition de  la situation, prise de décision, réalisation et évaluation) se prête  très bien aux relations intergroupes et fait ressortir l'impact du  groupe de pression sur l'individu. C'est un laboratoire qui fait  l'objet d'une évaluation de groupe éminemment profitable pour  les participants.

— Percevoir l'interinfluence

La troisième partie du stage traite de la motivation, de  l'interinfluence et du phénomène du leadership dont une brève  revue retrace les principales théories. Le groupe a certains travaux  à effectuer, mais l'étude du leadership se fait principalement en  référant aux expériences des deux premiers jours. Le fait de les  revoir avec un certain recul et un nouvel éclairage en fait ressortir  une dimension beaucoup plus significative.

— Le processus est amorcé

Il serait utopique de prétendre que ce premier stage transforme  l'individu, mais il l'amène à se poser un certain nombre de  questions sur ses attitudes, ses comportements, sa manière d'être  et d'agir, sa philosophie, sa perception des autres et de l'univers  qui l'entoure. Des questions... dont il n'a pas la réponse. C'est  peut-être ça le plus valable. Il y pensera, s'interrogera, vérifiera  et peut-être changera-t-il. Le processus est amorcé. Vient alors  la session en style d'administration.

b) Session en style d'administration

Ce deuxième stage poursuit le processus de changement qui  s'est amorcé chez l'individu en abordant cette fois ses attitudes  et ses comportements sous l'angle des relations hiérarchiques.  Il amène l'administrateur à analyser sa façon d'agir comme  supérieur vis-à-vis de ses subalternes, c'est-à-dire, ses styles  d'administration.

— La situation : référence de base

Le cadre de référence utilisé est la théorie des trois dimensions : la tâche, les relations et l'efficacité. Il s'agit pour l'individu  d'analyser son comportement en fonction de ces trois variables  dans une situation donnée.

La situation devient une référence fondamentale puisque c'est  elle, par les exigences qu'elle comporte, qui permet d'identifier le  style approprié, condition pour l'administrateur d'assurer l'efficacité de son leadership.

Toute situation est changeante et comporte des exigences  propres. La théorie des trois dimensions formule comme hypothèse que le style de direction doit tenir compte de ce changement  de sorte qu'il n'y a pas de style idéal absolu. Elle identifie la  valeur du style en termes d'efficacité et le style efficace est celui  qui est approprié à la situation. Ainsi, les deux facteurs qui  favorisent la compétence du chef au niveau du leadership, c'est  son habileté à diagnostiquer une situation pour en connaître les  exigences et sa capacité d'adopter le type de comportement qui  répond à ces exigences.

— Connaître ses styles

Le stage se donne comme but principal d'amener le participant  à identifier son style de base, ses styles dominants et ses styles  de support.

Il doit se familiariser avec la théorie de façon à pouvoir s'en  servir comme instrument de travail et comme cadre de références.  Le travail d'équipe le sensibilise aux styles des autres, développe  son habileté à diagnostiquer une situation, à développer son efficacité personnelle et celle du groupe.

— Un stage structuré

Un certain nombre de tâches sont prévues telles que les tests  individuels, l'analyse de films et de situations administratives.  Chaque tâche comporte une procédure bien définie de sorte que  90% du temps est voué au travail en petits groupes de 5 ou  6 participants.

Des plénières sont prévues pour les échanges, les évaluations  et les compléments théoriques.

B.-PHASE II

La phase II comprend quatre stages portant sur la planification du développement de l'entreprise, l'organisation des fonctions  administratives, le changement situationnel dans l'entreprise et la  revision du progrès. Ces stages sont directement reliés à l'administration.

a)       Session en planification générale (SPG)

Le stage a comme but d'étudier la stratégie de l'entreprise en  relation avec sa planification, son organisation, son fonctionnement. L'approche consiste à faire une analyse critique de la nature  de l'entreprise en fonction du marché et des facteurs qui en  conditionnent les réactions.

Cette analyse permet de dégager certaines prévisions et de  définir des objectifs généraux qui orienteront toute l'administration.

A cela s'ajoutent des politiques de productivité et une programmation à long terme du développement de l'entreprise.

b)      Session en organisation des fonctions (SOF)

Les fonctions concernées ici sont celles du Conseil d'administration, de l'exécutif, du président, du directeur général et des  directions ou gérances spéciales telles que : marketing, production,  achats, personnel, contrôle, etc.

Le programme comprend les étapes suivantes :

c)      Session en changement situationnel (SCS)

Le stage est conçu pour permettre au participant de faire une  application concrète des connaissances acquises à son milieu de  travail.

 Chaque participant doit présenter un programme de changement qui est analysé par le groupe. Cette analyse permet au  groupe d'évaluer chaque stagiaire comme agent de changement  au point de vue efficacité.

d) Session en revision de progrès (SRP)

Elle a lieu quatre mois après la session précédente. A partir  d'une évaluation des résultats du programme de changement de  chacun des participants, le groupe redéfinit les zones de résistance  rencontrée et la situation globale dans laquelle le changement  s'insérait. L'approche de chaque individu est également évaluée  de façon à déterminer si elle a été appropriée à la tâche à réaliser  dans la situation spécifique de l'individu. Chaque stagiaire a également l'occasion d'expérimenter de nouveaux comportements ou  de nouvelles approches, en cours de session, de façon à l'aider  à mieux ajuster son action à sa situation.

—  Formule

La formule consiste, pour les stages en planification et en  organisation des ressources, de faire un jeu d'entreprises. Deux  ou trois équipes ont à bâtir une entreprise à partir d'un certain  nombre de données fournies par le ministère de l'Industrie et du  Commerce. Chaque participant dispose d'un dossier où il trouve  des instruments de travail, des schèmes théoriques et des procédures pour assurer le déroulement du stage en fonction de la  réalisation des objectifs.

Pendant que l'équipe travaille à bâtir son entreprise, différents  aspects de l'administration ressortent au niveau des principes  comme des techniques. Le stagiaire établit des relations avec son  milieu de travail et en prend note.

À la suite de ces deux stages, le participant prépare un projet  de changement dans le but d'illustrer une application du cours.  C'est à partir de son programme que le groupe l'évalue comme  agent de changement.

—  Participants

Ceux qui ont suivi la phase I et la phase II, une soixantaine  de personnes environ, ont témoigné de la valeur pratique du cours,  mais principalement de sa valeur comme processus de changement  chez l'individu.

En effet, une des hypothèses de base du programme situe  l'importance du cours sur l'amélioration de l'efficacité administrative laquelle requiert des attitudes, des comportements, une  philosophie nécessaire pour faire du dirigeant d'entreprise un  agent de changement. Cette hypothèse débouche directement sur  le concept de la formation permanente. Le programme est justement conçu pour engager le participant dans un processus de  formation qu'il pourra poursuivre au sein de son entreprise grâce  au bagage de connaissances et d'expériences acquises au cours  des stages.

Une entreprise dont les cadres supérieurs ont suivi tous les  stages est passablement bien préparée à procéder à l'élaboration  et à la réalisation de programmes internes qui assureront une  amélioration de la productivité.

Jusqu'à maintenant les entreprises qui se sont engagées dans  ce processus ont témoigné effectivement d'un accroissement de la  productivité et d'une augmentation sensible des profits. Le programme, sans en être le seul responsable, a été un facteur de  première force, si l'on en juge d'après les témoignages des responsables.

2 - PROGRAMMES D'IMPLANTATION

Ces programmes varient selon les besoins de l'entreprise. Ils  sont taillés sur mesure. Pour une action en profondeur, nous  exigeons que l'équipe de direction ait suivi la phase I du programme de base et la phase II. Il se peut que dans certains cas,  la phase II se poursuive immédiatement au sein de l'entreprise,  lorsque les conditions garantissent un minimum d'efficacité.

Tout programme interne élaboré vise essentiellement l'accroissement de la productivité par l'utilisation optimale des ressources.

L'efficacité d'un programme de cette nature présuppose certaines conditions :

Le cadre général des programmes d'implantation s'identifie en terme d'administration générale caractérisée par la planification, l'organisation, le ressourcement humain, la direction, le contrôle, applicables aux ressources de l'entreprise : connaissance,  ressources de marché, ressources humaines, ressources matérielles,  ressources financières.

Quant à notre rôle comme agent de changement, il est conditionné par la situation existante, principalement la nature de  l'équipe de direction et sa préparation à devenir elle-même agent  de changement au sein de l'organisation. Concernant le rôle du  conseiller, c'est un aspect qui est traité au chapitre signé par M. Guy Darveau.

3 - ACTIVITÉS SPÉCIFIQUES

En plus de ces deux programmes majeurs, il nous arrive de  prêter nos services à des activités de consultation ou d'animation  répondant à des besoins spécifiques et sur une base limitée.

Les objectifs et les processus de déroulement sont alors  clairement définis en collaboration avec les responsables concernés  en identifiant les limites d'une telle intervention.

 4- ÉVALUATION

Nos programmes sont-ils efficaces ? Ont-ils la valeur que nous  leur prêtons ? Répondent-ils aux besoins des dirigeants d'entreprise ? Autant de questions qui préoccupent au plus haut point  l'équipe des conseillers.

Nous disposons de certains modes d'évaluation tels que :

Ce sont toutes des évaluations subjectives soumises au biais  de la perception. Les changements effectués dans l'entreprise à  la suite des stages et l'augmentation de la productivité, sans être  traités de façon scientifique, sont des indices qui confirment  l'évaluation subjective.

Il faut vraiment développer des instruments de mesures à  caractère objectif. D'ailleurs l'évaluation de nos programmes fait  l'objet d'un projet de recherche mené en collaboration avec le  professeur Laurent Bélanger, Ph.D., de la faculté des sciences  sociales de Laval, qui nous consacre, d'ailleurs, un chapitre à  ce sujet.

5 - ÉVOLUTION DES PROGRAMMES

Il semble justifiable, dans la situation actuelle, de conserver  l'ensemble de nos programmes, particulièrement le programme de  base. Une raison sérieuse à cela, c'est la possibilité d'en mesurer  les résultats avec des instruments scientifiques qui sont en voie  de développement. Par ailleurs, l'équipe est bien consciente que  la situation peut changer et rendre le programme inapproprié.  Il est bien évident que nous n'avons pas l'impression d'avoir  trouvé la formule magique des trente prochaines années. Mais  dans le moment, nos connaissances et notre expérience, compte  tenu des besoins du marché, nous justifient de conserver pour  un temps l'orientation actuelle, quitte à faire les ajustements  adéquats.

 Au chapitre des transformations, elles se feront surtout à  l'intérieur des stages. Certains doivent être structurés davantage,  d'autres exigent des instruments de travail plus rodés. Quant au  contenu, une certaine partie doit être reprise pour fins de présentation.

Par ailleurs, le prochain programme prévoit l'addition d'un  stage portant sur la revision du progrès. Ce stage se tiendrait  quelques mois après la fin d'une phase II. L'objectif : permettre  aux stagiaires de présenter leurs programmes de changement et  d'en discuter avec leurs coéquipiers afin d'y apporter des améliorations et d'en accroître l'efficacité. Ce stage ferait partie de la  phase II du programme de base.

Une transformation qui nous paraît majeure, c'est une nouvelle orientation concernant l'organisation des stages. Tout est  à repenser en ce domaine. Présentement, la recherche se fait  dans le sens de l'animation sociale qui intégrerait l'inventaire des  besoins et des ressources disponibles, l'organisation des groupes,  les relations avec le marché et le recrutement des membres. Il  semble bien qu'une telle orientation accroîtrait l'efficacité des  ressources.

L'expérience des quatre dernières années nous lègue beaucoup  d'acquis sur lequel repose ce qu'on pourrait appeler la solidité  de notre action. Cela dit, nous demeurons ouverts à toute transformation possible, y compris un changement d'orientation s'il  s'avérait que les objectifs du service ne correspondent plus à la  situation.

Si on situe l'action du Service de formation et du Centre des  Dirigeants d'Entreprise dans le contexte québécois, canadien et  nord-américain, nous avons la conviction d'oeuvrer dans un  domaine, celui de l'éducation permanente, où s'inscrivent des  garanties sûres du progrès social et économique.

On accepte de sens commun que les deux facteurs qui assureront le développement de la société moderne sont la recherche  et l'éducation. Jacques-Servan Schreider dans son livre « Le Défi  américain » démontre qu'en société post-industrielle, le principal  facteur de progrès résidera dans les systèmes d'éducation et  l'innovation technologique mise à leur service.

 Une telle affirmation accentue l'importance de la formation  chez nos dirigeants d'entreprise et chez nos administrateurs, à  qui l'on doit reconnaître une position de leadership de premier  plan en tant qu'agents économiques.

D'ailleurs, une affirmation de Robert McNamara met l'emphase sur le rôle de nos administrateurs dans cette société  moderne : « La véritable faiblesse pour une société démocratique,  écrit-il, vient de la faiblesse du «management ». Le « sous- management » n'est pas le respect de la liberté, c'est simplement  laisser d'autres forces qui peuvent être : l'émotion, la haine,  l'agression, l'ignorance, l'inertie, façonner la réalité à la place de  la raison.»

La compétence administrative de nos dirigeants n'est pas une  panacée à l'ère nouvelle que le prochain quart de siècle ouvre  à notre société, mais ce sera sûrement un facteur de première  force.

Dans cette perspective, le service justifie la raison d'être de  ses programmes qui constituent l'apport particulier du CDE à  l'effort concerté de la société.

Souhaitons, pour assurer plus d'efficacité à cet effort commun,  qu'on vienne à une meilleure validation et coordination de tous  les programmes qui ont droit de cité sur le marché.

Quelques appréciations des stagiaires

Nous soulignons ici quelques opinions relevées d'un sondage  auprès des anciens stagiaires du STE, GTIE et GTA. Nous  avons choisi les appréciations qui mettent en évidence certains  aspects du programme.

Malheureusement, les réponses au questionnaire n'étant pas  signées, nous ne pouvons les identifier. Le questionnaire avait  été envoyé à tous les participants au programme à travers la  province, couvrant la période 1965-66.

« Cette nouvelle méthode d'animation fut pour moi une révélation : après avoir été dans l'armée canadienne pendant près de  dix ans comme officier junior puis senior, je n'aurais pas cru  possible d'obtenir un résultat quelconque d'un groupe d'élèves  à moins d'avoir une discipline rigide : au début, cette nouvelle  méthode d'animation me répugnait, mais après deux ou trois  jours je l'acceptai sans aucune réserve et aujourd'hui, je me  demande comment on a pu obtenir des résultats auparavant  avec l'autre méthode. »

« Un des avantages du cours a été de me faire réaliser que  l'on pouvait, dans certaines circonstances, apprécier des personnes  qui normalement ne nous auraient pas été sympathiques. Par  contre, cette appréciation réelle pour des individus ne réduit en  rien les difficultés qu'ils présentent en groupe de travail. Même  si je crois qu'il est théoriquement possible de travailler efficacement en groupe (et même si c'est quelque chose que je désirerais  beaucoup) la session en travail d'équipe m'a démontré que cette  forme de travail est excessivement difficile et qu'elle ne donnera  des résultats qu'en fonction d'une sélection toute particulière des  individus qui la formeront. Ce travail en équipe serait un idéal  difficile à atteindre et les stages intermédiaires de plus ou moins  grande réussite ne donnent pas suffisamment de résultats pour  les efforts qu'ils requièrent. »

« Le cours est très bien construit, et fait de manière à ce que  tous participent étroitement au cours. Etant structuré pour des  groupes, on a l'impression qu'il est fait plus précisément pour  chacun de nous en particulier, de là, son efficacité.»

« Je n'ai pas trop apprécié la session; je l'ai considérée un  peu comme une initiation, j'attendais les « attrapes », les pièges;  je n'ai pas aimé les longueurs et les efforts pour tuer le temps.  Ce n'est qu'après la session que j'ai compris la leçon qu'il y avait  à en tirer.»

« Comme il a été dit à notre dernière rencontre, il serait  souhaitable que le groupe poursuive ses activités. Nous devrions  essayer de recruter de nouveaux membres afin de leur communiquer ce que nous avons eu et leur mettre dans la tête cette  coopération inter-entreprise.»

« J'ai été frappé par l'ouverture d'esprit qui s'est développée  dans le groupe qui veut même poursuivre ses rencontres pendant  l'été... ça me donne confiance.»

 « J'ai appris à tenir compte des idées des autres au niveau  des subalternes et des supérieurs. Je sais beaucoup mieux écouter  qu'auparavant.»

« J'ai été impressionné par la preuve que j'ai obtenue de la  puissance du travail d'équipe, de la force d'un groupe quand il  met en commun toutes ses ressources intellectuelles. »

« J'évalue différemment les hommes. Je méprise aujourd'hui  les « yes-men » que j'appréciais hier. »

« Nous avons cherché à développer l'esprit d'équipe chez  nous et nos réunions sont beaucoup plus efficaces. C'est une  amélioration de 100%.»

« Cette méthode nous aide à être beaucoup plus efficaces au  niveau des idées. J'ai remarqué, par exemple, que nos idées étaient  beaucoup plus précises et que nous prenions moins de détours  pour les exprimer. »

« Nous avons sûrement appris quelque chose concernant la  technique, mais après avoir agi comme animateur à tour de rôle,  nous constatons que nous avons encore beaucoup à apprendre et  c'est une bonne raison pour continuer.»

« J'ai beaucoup bénéficié des idées du groupe. J'ai même  procédé à des changements dans mon entreprise et je peux dire  maintenant que les résultats sont épatants.»

« Quand je sortais de nos séances d'étude, mes opinions  étaient beaucoup plus précises et avaient beaucoup plus de poids;  c'a été très utile lorsque j'avais à les discuter avec d'autres.»

« J'ai appris combien il peut y avoir de bonnes idées chez  les autres et maintenant je prends tout le temps qu'il faut pour  écouter mes coéquipiers et mes contremaîtres. Depuis que je fais  ça, je réalise que j'ai des hommes de valeur qui ont de très  bonnes idées. »

« Nous n'avons sans doute pas réglé beaucoup de problèmes,  mais nous avons eu des discussions qui nous ont fait beaucoup  réfléchir sur notre façon d'administrer et de nous comporter. »

« J'apprécie beaucoup ces rencontres, je crois qu'elles sont  profitables à tous les participants et qu'elles améliorent notre  formation d'hommes d'affaires. »

 « Ces groupes de travail ou ces rencontres nous ont permis  de mieux nous connaître, de discuter selon une méthode établie,  de prendre des décisions et d'acquérir une plus grande confiance  en soi et envers les autres. »

« Cette session de discussions inter-entreprises a été un enrichissement; elle m'a permis des observations psychologiques sur  le comportement d'individus vivant dans des entreprises différentes,  mais groupés en équipe pour fins d'analyse de problèmes disparates. La solidarité du groupe a été, pour moi, un facteur  déterminant dans la solution des problèmes; l'individualité doit  faire place à la communauté. »

« Pour moi la liaison de nos hommes d'affaires ne sera jamais  assez présente et forte via des organismes comme le CDE. »

Pédagogie et formation des dirigeants d'entreprise

Guy Darveau

 Au moment d'aborder cette étude, il nous apparaît essentiel  de préciser certains points. Les considérations que l'on retrouve  dans ce chapitre nous sont inspirées par diverses expériences  réalisées par le CDE depuis quatre ans dans le domaine de la  formation des dirigeants d'entreprise. Il ne faudrait donc pas leur  donner une interprétation définitive, conduisant à des prises de  position absolues. Au contraire, elles ouvrent la voie à une certaine  recherche et laissent un très grand nombre de questions sans  réponse. C'est l'esprit dans lequel nous nous situons.

Il ne s'agit pas, non plus, d'une étude académique sur la  formation des dirigeants d'entreprise. Nous sommes avant tout  des praticiens. Notre conception de la formation provient donc  de l'expérimentation de diverses théories dans un milieu particulier.

En troisième lieu, nous désirons préciser la définition que  nous donnons dans ce texte à l'expression « dirigeant d'entreprise ». Le « dirigeant », c'est tout individu dont la fonction  implique une responsabilité administrative avec une ou plusieurs  personnes. Le terme « entreprise » ne réfère à aucun type particulier tel que l'industrie, le commerce, la finance ou les services;  il les englobe tous. L'expression « dirigeant d'entreprise » concerne donc tout individu occupant n'importe quelle fonction  pouvant se situer, par exemple, dans le cas d'une entreprise  industrielle, à partir du président jusqu'au contremaître, ces  deux dernières fonctions incluses. Enfin, lorsque nous référons  à la personne qui est propriétaire de l'entreprise et qui en dirige  les destinées, nous l'appelons « dirigeant-propriétaire ».

***

Pour traiter de la formation des dirigeants d'entreprise, nous  devons partir du concept général de l'éducation des adultes, qui  considère la formation comme un tout, c'est-à-dire comme une  action permanente sur un sujet déterminé. Une des caractéristiques principales de l'éducation des adultes est qu'elle doit s'inspirer de la situation et des besoins des individus concernés. A  l'instar de toute fonction éducative, dans le secteur des adultes  plus particulièrement, notre action doit donc être adaptée aux  individus et au milieu dans lequel elle s'exerce.

 Cependant, il s'agit bien ici d'une catégorie spéciale d'adultes.  En effet, le champ d'action du CDE se situe expressément au  niveau d'adultes qui ont un rôle particulier à jouer dans l'entreprise et, aussi, dans la société. Ses activités de formation s'adressent donc à tous les dirigeants d'entreprise, peu importe la  nature des entreprises où ils sont et le niveau de direction qu'ils  occupent.

Toutefois, même si la formation des dirigeants d'entreprise  diffère par son contenu et ses méthodes de l'éducation des  adultes en général, la pédagogie, c'est-à-dire la façon de concevoir  l'éducation, pourrait ou devrait être la même. Formellement, un  dirigeant d'entreprise s'éduque de la même manière que n'importe  quel autre adulte.

Avant d'aborder proprement le processus pédagogique, nous  tenterons de décrire brièvement la situation dans laquelle évolue  le dirigeant d'entreprise et les principaux besoins qui s'en dégagent.

Situation et besoins

A. - L'ENTREPRISE

Nous vivons à une époque où les changements économiques  et sociaux se succèdent à un rythme accéléré. L'entreprise, qu'elle  soit productrice de biens ou de services, est alors constamment  obligée de repenser sa conception administrative et son rôle.  Mentionnons quelques aspects importants de cette situation.

L'entreprise évolue dans une économie de marché. Pour survivre, elle doit accéder à des marchés de plus en plus considérables  et entrer en concurrence, de ce fait, avec des organisations de  plus en plus vastes, pourvues de moyens quasi illimités. Même si  les grandes corporations ne sont pas à l'abri de ces dangers, les  petites et moyennes entreprises demeurent les plus vulnérables.  On ne finit pas de dénombrer, à chaque année, les entreprises  québécoises qui doivent fermer leurs portes, parce qu'elles ont  perdu un leadership qui n'était que temporaire et qu'elles croyaient  acquis pour toujours. Ce serait trop simple de chercher des boucs  émissaires, par exemple le syndicalisme ou la concurrence déloyale  des compétiteurs, pour expliquer des phénomènes aussi complexes. En réalité, l'entreprise existe par rapport à un marché  qu'elle doit sans cesse reconquérir.

Or, ce marché possède des exigences qui rendent les opérations  de l'entreprise de plus en plus complexes. Heureusement, l'évolution de la technologie permet de rencontrer ces exigences quand  elle ne les précède pas. On peut facilement deviner les problèmes  d'une entreprise qui se refuserait à suivre en parallèle ou même  à devancer cette évolution. Il n'en demeure pas moins que les  améliorations techniques, les processus administratifs et les produits (biens ou services) deviennent de plus en plus complexes  et exigeants du point de vue des connaissances nécessaires aux  opérations de l'entreprise. Toutes ces innovations remettent en  cause continuellement le fonctionnement de l'entreprise.

En plus des ressources physiques, matérielles et financières,  l'entreprise doit faire appel à des ressources humaines pour  assurer son fonctionnement. C'est peut-être sous cet aspect que  l'on rencontre le gaspillage le plus fréquent à tous les niveaux  de l'entreprise. Or notre société accorde de plus en plus d'importance à l'homme. Il possède en soi des valeurs qui ne souffrent  aucune comparaison avec les autres ressources de l'entreprise. Le développement des sciences humaines, les récentes théories  administratives, la montée du syndicalisme et la législation amènent l'entreprise à reconnaître l'importance du facteur humain.  De plus en plus, sur ce plan, l'entreprise doit dépasser le stade  de l'accord théorique pour s'engager dans les faits.

L'entreprise affronte donc des problèmes nouveaux et éprouve  le besoin de se redéfinir pour s'ajuster à de nouvelles situations.  Sur le plan économique, l'entreprise doit remplir certaines exigences :

Sur le plan social, l'entreprise ne peut se contenter de vivre  en marge de la société et de se replier sur elle-même. A juste  titre, on réclame sa participation active à toute forme de planification. En raison de sa position stratégique, l'entreprise a un rôle  particulier à jouer sur ce plan, rôle qui est malheureusement trop  peu défini. Au cours des prochaines décennies, c'est peut-être sur  ce plan que l'on assistera aux plus grandes transformations dans  le sens d'une intégration des entreprises à leur milieu. Enfin, de  plus en plus se dessine la nécessité d'une plus grande collaboration  inter-entreprise, en particulier pour réaliser les conditions mentionnées précédemment. Même si l'urgence est à notre porte, les  formules de collaboration, dans la plupart des cas, sont encore  à innover.

B.-LES DIRIGEANTS DU MILIEU

William H. Whyte Jr1 décrit avec force détails les attitudes,  la mentalité et les aspirations de « l'homme de l'organisation».  Ses recherches portaient sur les dirigeants intermédiaires des  grandes corporations des Etats-Unis. On peut supposer qu'on  retrouve sensiblement le même esprit dans leurs filiales canadiennes et québécoises. Toutefois, ce serait trop simple de calquer  le portrait tracé par Whyte Jr.3 pour l'appliquer intégralement  dans notre contexte. Ceci est encore plus vrai pour les entreprises  typiquement canadiennes-françaises.

Les Canadiens-Français, en dépit de leur importance numérique (les quatre cinquièmes de la population) possèdent une  très faible influence sur le plan économique dans la province de  Québec. Partant de ce fait, Norman W. Taylor4 a cherché une  explication à partir de l'examen des différences, du point de vue  de leurs attitudes et de leur comportement, entre les chefs d'entreprise canadiens-français et canadiens-anglais de notre milieu. Au  point de départ, Taylor formule les hypothèses suivantes5 :

« 1— Parce que, dans la société canadienne-française, le statut  attribué aux affaires en tant que profession était relativement peu élevé, les chefs d'entreprise étaient issus surtout  des couches sociales les moins privilégiées, les moins  instruites.

2— La direction des entreprises manufacturières,  chez les Canadiens-Français, a, en général, un caractère familial  marqué et l'importance que l'on attache à la sécurité de  la famille conduit à l'adoption de politiques conservatrices  dans l'administration des affaires.

3— Le chef d'entreprise canadien-français a tendance à garder entre ses propres mains la direction de son entreprise, tant  sur le plan financier que sur le plan administratif; cette  pratique constitue un obstacle à l'expansion des entreprises.

4— Entre les chefs d'entreprise et leurs employés, leurs concurrents ou d'autres agents économiques, les relations ont  un caractère personnel, contrairement à ce que l'on observe, en général, dans les sociétés fortement industrialisées. Ce mode de relations restreint la liberté d'action du  chef d'entreprise et constitue ainsi un facteur défavorable  à l'efficience et à la croissance.

5 — Bon nombre de manufacturiers canadiens-français sont peu  préoccupés de suivre l'évolution du marché et de s'y  adapter; c'est là la source de comportements non rationnels, chez ces chefs d'entreprise. »

Les entrevues qu'il a menées auprès de 32 dirigeants d'entreprise canadiens-français (dirigeants-propriétaires) lui ont permis  de vérifier en grande partie ces hypothèses. Parmi les facteurs  qui ont une influence prépondérante dans la conduite des affaires,  Taylor retrouve chez les Canadiens-Français, le sens de la famille, des traits particuliers de l'individualisme et l'importance accordée  aux relations personnelles. Voici un bref commentaire d'un d'entre  eux :

« Je ne veux pas que mon entreprise devienne trop grosse.  Je serai satisfait tant que je pourrai vivre à l'aise avec ma famille.  Notre entreprise va bien mieux que je l'espérais — et si j'étais  riche, j'aurais plus de travail et plus de soucis. Ça ne sert à rien  d'être millionnaire au cimetière... » (Industriel de 47 ans, 160  employés).

Ce commentaire ne pourrait résumer tout entier le dirigeant-propriétaire canadien-français. Toutefois, Taylor a constaté des  réactions diverses et, parfois, opposées de la part des interlocuteurs de langue anglaise. Sur le plan de l'individualisme, il décrit  les dirigeants-propriétaires canadiens-français de la façon suivante : « Ce sont des individualistes, mais des individualistes dont  les ambitions sont limitées. »

Ils se caractérisent par un désir d'indépendance, le plaisir  d'être « son propre patron », la peur de perdre le contrôle, tant  sur le plan financier que sur le plan des opérations. Pour assurer  le progrès, ils recourent à l'autofinancement et recherchent la  sécurité; ils ont peur des risques et éprouvent des résistances très  grandes au changement. Dans leur entreprise, ils ont dû faire  appel à d'habiles lieutenants, mais ils sont demeurés les seuls  maîtres à bord.

Plus récemment, le professeur Laurent Bélanger effectuait des  recherches sur la mobilité occupationnelle des dirigeants d'entreprise du Québec. Il a pu découvrir des ressemblances et des  différences entre les dirigeants des deux groupes ethniques sur  divers plans.6 Un questionnaire fut envoyé à 1,200 dirigeants  d'entreprise et il obtint un pourcentage de réponses de plus de  32%. L'interprétation des réponses peut nous fournir des indices  intéressants sur plusieurs plans. Ainsi, les données révèlent que  80% des dirigeants d'entreprise de langue anglaise sont nés en  dehors du Québec, tandis que 90% des dirigeants de langue française   sont  nés   au   Québec.   Leurs  pères   étaient  des   ouvriers spécialisés (15.2%) et des propriétaires de petites entreprises  (17.3%) dans les deux principales sources d'origine, tandis que  les dirigeants de langue anglaise sont les fils de dirigeants supérieurs (17.3%) et de dirigeants moyens (12.5%). Des phénomènes analogues se reproduisent sur le plan de l'éducation et de  l'expérience administrative.

Au point de départ, nous pouvons donc assumer que nos  dirigeants d'entreprise ont quelque chose qui leur est propre.  Ils sont d'un lieu, d'une époque et d'une culture. Influencés par  le milieu, ils ont développé des attitudes particulières.

Les dirigeants-propriétaires qui s'inscrivent à nos programmes  viennent presque exclusivement des petites et moyennes entreprises  canadiennes-françaises. Leur père, quand ce ne sont pas eux-mêmes, ont été des pionniers. Même s'ils avaient l'avantage de  posséder une sorte de leadership naturel, ils ont eu à travailler  dur dans des conditions parfois difficiles : manque de capitaux,  faible préparation académique, manque de connaissance générale  des affaires, etc..

Ils se voient maintenant obligés de changer sur plusieurs plans  à la fois pour assurer l'existence même de l'entreprise. L'expansion  est à leur porte et ils sont presque forcés de s'y engager ou de  s'orienter différemment. Les méthodes empiriques, utilisées avec  succès jusqu'à présent, ne répondent plus aux nouvelles exigences.  Dans la plupart des cas, sans trop l'avouer, ils sont pris par  surprise et réagissent à leur façon, même si, par tendance naturelle,  ils préféreraient s'en tenir au statu quo.

D'autre part, les autres dirigeants qui s'inscrivent à nos programmes de formation viennent principalement de deux sources,  soit des petites et moyennes entreprises, soit des grandes corporations. Les premiers ont été fortement influencés par le style  particulier de leur entreprise. Ils sont allés à l'école du patron et  on y retrouve souvent les mêmes attitudes, mais cette fois à  partir d'un angle nouveau. Ils possèdent un respect quasi absolu  de l'autorité, dont ils ont, par ailleurs, une conception assez traditionnelle. S'ils adoptent une attitude de dépendance en présence  de leurs supérieurs et de respect des normes établies, ils empruntent automatiquement le style de leurs supérieurs lorsqu'ils se  retrouvent en face de leurs propres subalternes. Pour eux, ce qui  caractérise le subalterne, c'est la soumission, l'obéissance, l'exécution, la collaboration, etc.. Tout comme leurs patrons, ils se  défendent d'être des théoriciens. Ils se définissent avant tout  comme des praticiens, des hommes d'action. Dans l'analyse d'une  théorie, ils réfèrent constamment à leurs propres expériences.

Par contre les dirigeants des grandes entreprises possèdent une  plus grande ouverture d'esprit sur divers plans. Ils ont acquis et  développé des attitudes et habitudes qui caractérisent les grandes  corporations. Ils ne sont qu'un chaînon dans la grande chaîne  et ils le savent bien. Ils ont eux aussi un très grand respect pour  les normes établies, mais ces normes sont imposées par l'organisation et non par un individu. Ils sont conscients de ces limites  et de l'interdépendance de leurs fonctions. Parce qu'ils éprouvent  souvent de la difficulté à se situer, ils ont développé une certaine  méfiance à l'égard des autres et de l'organisation dans son  ensemble. Lorsqu'ils prennent des initiatives, ils sont bien conscients de la nécessité de se protéger. Ils ont acquis des méthodes  de travail, et même un langage, qui les distinguent nettement de  leurs confrères de la petite et moyenne entreprise.

Il serait illusoire de vouloir tracer un portrait complet des  dirigeants d'entreprise de la province de Québec et d'identifier  toutes les attitudes qui les caractérisent, tenant compte des diverses  situations. Il serait faux d'ailleurs de laisser croire que tous les  dirigeants d'entreprise possèdent ces caractéristiques — et d'autres  que nous n'avons pas mentionnées — au même degré. Certains  d'entre eux sont tout à fait conscients de la nécessité du change-  ment et ont pris les moyens de le réaliser. Toutefois, ces quelques  indices nous permettent de constater que les dirigeants d'entreprise  qui s'inscrivent à nos programmes possèdent une culture, une  conception de la vie et des particularités dont il faut tenir compte :

C.-LES BESOINS

Face à cette situation, l'individu cherche d'abord à découvrir  ses propres besoins, à se situer, à s'expliquer ce qui l'entoure.  Il sent bien qu'il a acquis, depuis quelques années, des besoins  nouveaux, mais il lui reste à les définir.

Il sent qu'il doit d'abord être informé des découvertes et des  innovations qui modifient son travail et son existence. Ces con-  naissances nouvelles, accessibles à tous, sont utilisées par d'autres  de façon avantageuse et il s'aperçoit rapidement que son action  devient marginale, s'il n'en fait pas autant.

Il perçoit également un besoin de formation technique. C'est sa  compétence à produire qui est en jeu. A chaque jour, il éprouve  des difficultés à maîtriser ses fonctions. En même temps qu'il  acquiert une spécialisation de plus en plus poussée, il doit avoir  une ouverture sur un maximum de domaines. Les connaissances  techniques qu'il a apprises à l'école ou à l'université sont déjà  passées de mode. Quelle n'est pas sa surprise de constater qu'après  quelques années dans l'entreprise, il doit faire face au recyclage !  Cette formation technique lui permettra de franchir l'écart constant  entre les découvertes techniques et leur utilisation productive.

Il éprouve aussi, de façon parfois plus dramatique, un besoin  de formation générale. Sa formation spécialisée lui a permis d'acquérir une compétence sur le plan technique presque exclusivement.  Or, plus les dirigeants montent dans la hiérarchie, moins ils  utilisent la discipline qui leur est propre, pour accomplir des  fonctions administratives, fonctions pour lesquelles ils ne sont  malheureusement pas préparés. Ils sont alors obligés de faire  appel à leur intuition et à leur habileté personnelles, souventes fois  biaisées par leurs connaissances spécialisées. C'est alors le com-  mencement du drame. Vouloir appliquer intégralement des règles

 physiques ou mathématiques dans son comportement avec autrui  et dans l'application d'un processus général d'administration en-  gendre des difficultés, dont il n'est pas toujours facile de mesurer  les effets.

Enfin, le dirigeant se rend compte à chaque jour qu'il ne peut  plus, peu importe son niveau de responsabilité, prendre seul des  décisions. Il ne possède que très rarement l'information nécessaire  à une prise de décision efficace; l'information est maintenant  partagée. Le dirigeant prend alors conscience de l'interdépendance  des fonctions administratives et éprouve le besoin d'améliorer ses  relations avec les autres et d'apprendre à travailler en équipe.  En réalité, le dirigeant fait partie d'une équipe qui ne constitue  qu'une partie d'un tout qu'est l'entreprise, composée de plusieurs  équipes qui doivent entrer fréquemment en relations pour assurer  leur fonctionnement efficace.

D. - LE CHANGEMENT SITUATIONNEL

Nous vivons dans une période d'évolution accélérée. Selon  certaines prédictions, « la seconde moitié de ce siècle se passera  à répandre ce que la première moitié aura inventé. »7 Cette  « socialisation » du progrès suppose des changements constants  aux niveaux des situations et des individus. Il n'y a pas que le  développement des sciences physiques : les sciences sociales ont  connu un essor considérable au cours des dernières décennies.  Les théories administratives se succèdent les unes aux autres selon  un progression décrite par William J. Reddin8 de la façon  suivante :


ÉVOLUTION DES THÉORIES ADMINISTRATIVES

Emphase

Relation

École

Période

Travail

Travail-travailleur

Organisation scientifique  (Frederick Taylor  et autres)

1920

Travailleur

Travailleur-climat

Relations humaines  (Elton Mayo et autres)

1930

Groupe

Administrateur-  groupe

Dynamique des groupes  (National Training  Laboratories)

1950

Dirigeant

Administrateur-  subalterne

Styles d'administration  (Lippitt, McGregor,  Blake, etc.)

1960

Situation

Administrateur-  situation

Administration  situationnelle  (William J. Reddin)

1967

Les quatre premières catégories tendent à mettre l'emphase  sur l'un ou l'autre des éléments d'une situation. Or, toute situation  dans laquelle est placé un administrateur (ou dirigeant) est  composée de divers éléments que Reddin résume ainsi :

Un changement situationnel signifie donc un changement soit  dans l'un ou l'autre de ces éléments, soit chez l'administrateur,  puisqu'il est lui-même une des composantes de la situation. Pour  connaître la situation, le dirigeant doit d'abord être en mesure  d'évaluer correctement chacun de ces éléments. Cependant, cette  évaluation n'implique pas qu'il obtiendra nécessairement de meilleurs résultats.

Lorsqu'un changement se produit quelque part (sous l'influence ou non du dirigeant), on peut dire que la situation est  changée. L'efficacité du dirigeant dépend alors de sa capacité  de changer de façon appropriée, compte tenu de la situation et  du milieu dans lequel il se trouve. Nous rejoignons ainsi le processus général de l'éducation des adultes qui permet à l'individu  d'atteindre un certain équilibre dans un contexte de changement  situationnel.

Ainsi, à un travail et à une réalité qui changent constamment  doit correspondre un rajustement continu de la part de ceux qui  détiennent les postes clés. Le dirigeant peut alors se contenter  d'une acceptation passive. Il peut aussi devenir un élément moteur  du progrès économique et social ou, selon l'expression, un « agent  de changement ».

Or, toutes ces innovations deviennent efficaces en autant  qu'elles sont comprises et voulues par les individus les premiers  impliqués. Autrement, ils constituent des freins au changement.  La première difficulté pour un dirigeant est d'abord d'accepter  d'entrer dans un tel processus qui implique pour lui un changement  en profondeur. La méfiance, la rigidité, le conformisme et la  crainte engendrent une anxiété et un négativisme réfractaires au  changement, lequel doit être considéré dans un sens positif.

Pour nous, la formation doit donc s'inspirer de ce contexte  de changement et permettre aux dirigeants de se situer et d'y  jouer un rôle actif et positif. Cependant, avant de décrire notre  approche, nous voulons mentionner un autre facteur qui conditionne cette approche à la formation des dirigeants d'entreprise.

L'évolution des tendances pédagogiques

Depuis une quinzaine d'années, nous assistons à des changements profonds dans tous les secteurs qui ont trait à l'enseignement  et à l'éducation en général. Les divers mouvements d'éducation  des adultes ont joué un rôle prépondérant dans cette évolution.  Ce ne sont pas surtout les techniques, les méthodes et les programmes  que  la  société  remet  en  question,  mais  d'abord  la conception même de l'éducation. Dans la province de Québec, par  exemple, cette évolution des tendances pédagogiques sert de toile  de fond aux principales recommandations du Rapport Parent.

Cette orientation implique, à la base, une nouvelle conception  de la nature humaine. L'être humain n'est plus considéré comme  un vase à remplir, mais comme un être qui doit apprendre telles  ou telles connaissances. Il n'est pas à éduquer, il s'éduque. Il n'est  plus la « chose passive et irresponsable ».

« Dynamiquement, la personnalité doit être conçue comme un  ensemble de potentialités demandant à être actualisées. Il y a en  elle un besoin fondamental de créativité, à la fois sur le plan  expressif et sur le plan de l'auto-développement, de l'auto-organisation... Les attitudes systématiquement directives, en contraignant le développement de l'individu, le rendent dépendant,  c'est-à-dire inauthentique; elles empêchent l'individu ou le groupe  de s'auto-contrôler réellement; elles provoquent des blocages, des  ressentiments ou des inhibitions, spécialement en matière d'apprentissage et d'acquisition de connaissances. Ce que l'on a perdu  du côté de la liberté et de la responsabilité, n'est donc pas regagné,  malgré certaines apparences, du côté de l'ordre et de la formation».9

Cette contestation des attitudes directives en éducation s'accompagne d'un mouvement qui met l'accent sur l'aspect psychosociologique et fait ressortir l'importance de certains phénomènes  de groupe. La nature des relations interpersonnelles dans un  groupe, les attitudes, les phénomènes de leadership, les jeux  d'influence et le climat affectif sont des facteurs qui conditionnent  l'accomplissement de la tâche. Aujourd'hui, on ne nie plus l'existence de ces phénomènes; ce qu'on discute, c'est l'importance  relative qu'il faut leur accorder.

Une telle conception de l'éducation nous amène à reviser  également les fins poursuivies. Ainsi conçue, l'éducation vise,  non pas d'abord à la transmission du savoir, mais à l'épanouissement de la personnalité. Il existe, chez tout individu, des possibilités  non utilisées.  L'éducation  cherchera  donc  à  créer  des conditions favorisant leur émergence. Et puisque les connaissances  acquises ne sont valables que pour un temps limité, l'important,  pour l'individu, est de se trouver en position d'acquérir de  nouvelles connaissances ou, selon l'expression de Cari Rogers,  « apprendre à apprendre ». S'adressant à un reporter de Réalités,  ce dernier affirmait : « Dans les sociétés évoluées et mobiles,  l'éducation ne peut avoir d'autre objectif que d'apprendre à  apprendre et apprendre à changer. » Et il poursuivait ainsi :  « Eh bien, j'estime d'abord qu'enseigner est une fonction très  surévaluée. Enseigner signifie instruire. Cela ne m'intéresse pas  d'instruire quelqu'un, de décider que telle et telle connaissance  doit être inculquée, d'obliger autrui à savoir quelque chose. Trop  de gens sont aujourd'hui guidés, dirigés. C'est une relation que  je trouve néfaste. Ensuite, de quelles connaissances s'agit-il?  Quels sont ces faits sacro-saints, incontestables qu'on souhaite à  tout prix incruster dans de jeunes esprits ? La seule chose dont  je suis sûr, c'est que la physique telle qu'elle est enseignée aujourd'hui, et la chimie, et la génétique, et la sociologie, et la psychologie, et la plupart des disciplines seront complètement passées  de mode dans dix ans. Même les faits historiques sont question de  culture et d'époque. Nous nous trouvons actuellement dans une  situation tellement évolutive qu'elle met en question tout l'acquis  de notre culture. Aucune connaissance n'étant plus certaine, la  seule chose que nous puissions enseigner actuellement, c'est  apprendre à apprendre. »

Une telle conception a pour effet de modifier de façon considérable la « relation pédagogique » et implique un changement  majeur au niveau des attitudes de l'enseignant. Le maître qui  adopte une telle attitude ne se présente plus devant sa classe avec  le même esprit. Max Pages10 décrit ainsi la fonction d'enseigner :

« Enseigner vraiment à ses élèves, c'est accepter qu'ils changent et s'ils changent, ils vont obliger le professeur à changer lui  aussi, à faire face à une situation nouvelle. Or, accepter le  changement d'autrui ou de soi-même est difficile, c'est accepter  autrui tel qu'il est, c'est-à-dire différent de soi-même, c'est  s'accepter soi-même tel qu'on est, différent de ce que l'on rêve  d'être, c'est accepter ses limites, ce qui est une condition pour  les dépasser, c'est, en un sens, accepter la mort. C'est pourquoi  je dirai que, de ce point de vue, enseigner c'est se détruire, se  nier et se recréer de nouveau. »

Nous nous situons dans un contexte d'évolution et il nous  apparaît important de le mentionner. On sait très bien que tous  les responsables de l'enseignement ne sont pas encore rendus à  « se détruire, se nier et se recréer de nouveau ». Toutefois, ces  théories semblent avoir une influence sur les praticiens actuels et  donnent naissance à un très grand nombre de mouvements ou  d'écoles. Il serait impossible de tenter de définir les caractéristiques particulières de chacune des écoles. Jean-Claude Filloux11  a résumé cette évolution selon quatre catégories dont nous avons  fait une synthèse dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES TENDANCES PÉDAGOGIQUES

Emphase

Principaux thèmes

Approche

Centrée sur  le programme

Connaissances théoriques

Didactique

Centrée sur  l'élève

Besoins et intérêts de l'élève

Méthodes actives

Centrée sur  le groupe

Processus d'interaction des  individus

Dynamique des  groupes

Centrée sur  la réalité

Interrelations des éléments  d'une classe

Situationnelle

Il est intéressant de noter le parallèle qu'on peut établir entre  l'évolution des tendances pédagogiques et celle des théories administratives, si l'on compare le travail scolaire (les programmes)  et le travail dans l'entreprise, l'élève et le travailleur, la classe  et le groupe de travail, le professeur et le dirigeant, et enfin la  réalité d'une classe et la situation d'entreprise. En effet, dans des  contextes différents et par des cheminements particuliers, l'enseignement et l'administration reflètent des tendances analogues qui consistent à centrer ses préoccupations, non pas sur un seul, mais  sur tous les éléments qui composent une réalité.

Nous tenterons maintenant de préciser où et comment se  situe notre approche parmi ces diverses tendances.

L'approche pédagogique au CDE

« Si tu donnes un poisson à quelqu'un, il se  nourrira une fois. Si tu lui apprends à  pêcher, il se nourrira toute sa vie.»

Kuan-Tzu.

L'évolution des tendances pédagogiques et des théories administratives dans notre société a influencé considérablement l'approche pédagogique qui caractérise actuellement le CDE. Depuis  quatre ans, le CDE conçoit et réalise un programme de formation  intégré à l'intention des dirigeants d'entreprise. L'historique, le  contenu et les modalités de réalisation de ce programme ont été  décrits dans le chapitre précédent.

A.-LES  HYPOTHÈSES DE  BASE

Au CDE, nous appuyons notre action sur certaines hypothèses  de base que l'on peut résumer comme suit :

Ces hypothèses constituent des jalons pouvant servir à décrire  le processus dans lequel s'engage tout individu qui désire le  changement. On pourrait adopter ces hypothèses et utiliser l'approche traditionnelle. Elles ne peuvent pas servir à éclairer notre  approche, si elles ne sont pas reliées à une certaine philosophie  concernant la nature de l'homme. Aussi, nous partageons les

 hypothèses, mises de l'avant par McGregor, qui se résument de  la façon suivante12 :

Ces dernières hypothèses concernant la nature humaine sont  essentiellement positives. Elles suscitent le développement d'attitudes basées sur la confiance en l'homme, sur la foi en ses  possibilités créatrices, sur son sens de responsabilité, etc.. Elles  conduisent à une conception de l'administration qui repose, non  pas sur l'autorité et le contrôle, mais sur la motivation des  individus, l'autodiscipline et l'autocontrôle. Ces deux groupes  d'hypothèses comprennent deux idées majeures : la nécessité du  changement situationnel et le rôle des individus engagés dans ce  processus.

 B. - OBJECTIFS DE LA FORMATION

La formation s'adresse essentiellement à l'individu, à la  personne : elle est donc centrée sur l'homme et non sur les  techniques. Mais elle s'adresse à l'individu en situation et non  pas à un être désincarné. Chaque individu possède un système  de valeurs, des attitudes, des besoins, des connaissances, des  expériences et des ressources qui lui sont propres et qui le différencient des autres en général et de ceux avec qui il doit faire  équipe. Ces composantes, nous ne pouvons les abstraire de  l'individu et c'est de là que nous partons.

Il s'ensuit une pédagogie essentiellement pratique, basée sur  des expériences reliées le plus près possible à des situations  perçues comme des problèmes réels, incluant les limites externes  que l'on rencontre dans la vie de tous les jours. Ces expériences  peuvent se dérouler au sein ou à l'extérieur de l'entreprise.  L'endroit importe peu; ce qui compte, c'est la relation avec le  présent qui permet de faire un lien concret avec toute réflexion  théorique.

Ainsi conçue, la formation vise moins à la transmission des  connaissances qu'à un changement au niveau des attitudes et des  mentalités et à l'acquisition de nouveaux systèmes de valeurs.  Cette évolution lente et progressive doit inspirer à l'individu des  comportements différents et il devient ainsi plus exigeant vis-à-vis  de lui-même. C'est en ce sens qu'on peut parler d'un apprentissage  vraiment «significatif».

En effet, il ne s'agit pas de permettre aux individus d'acquérir  un certain vernis intellectuel et de pouvoir parler de façon  éloquente des nouvelles théories administratives. Il existe presque  toujours une distance entre ce qu'on croit et ce qu'on fait. L'acquisition de connaissances théoriques, sans changement de comportements, ne fait qu'accroître cette distance et donne à l'individu une  vague impression de savoir ou, tout simplement, une bonne  conscience. L'individu croit ainsi qu'il a fini d'apprendre, alors  qu'en réalité il a oublié l'essentiel :  « apprendre à apprendre ».

Le problème central de la formation en est un de changement :  changement de l'individu et changement de la situation. Se former  pour un individu signifie donc devenir apte à identifier correcte ment les situations qu'il vit, bien connaître ses possibilités de  changement pour faire les ajustements nécessaires et développer  les nouveaux mécanismes opérationnels.

C.-LE PROCESSUS

Partant des hypothèses et des objectifs formulés précédemment, le processus dans lequel les individus s'engagent, comme  responsables, peut être décrit brièvement de la façon suivante :

Pour accomplir ce processus, les dirigeants d'entreprise éprouvent un besoin de formation sur le plan humain et sur le plan  administratif.

Sur le plan humain, ils doivent d'abord se connaître et  s'accepter, puis connaître et accepter les autres, apprendre à  concilier leur besoin réel d'autonomie et le respect d'autrui,  expérimenter le travail en équipe, devenir conscients de leurs  attitudes et comportements et des effets qu'ils entraînent, utiliser  leurs possibilités créatrices, etc..

Sur le plan administratif, ils doivent d'abord s'interroger sur  leur façon d'administrer l'entreprise, sur les fonctions essentielles  qu'ils ont à accomplir, sur leurs méthodes de travail, sur leurs  niveaux de connaissances techniques relativement aux exigences  de la tâche, etc.. Une prise de conscience de ces différents  domaines devient alors salutaire et accroît la motivation des  individus concernés.

Les programmes, les contenus, les techniques et les modalités  peuvent varier à l'infini, mais l'approche demeure la même. Nos  programmes de formation s'appliquent parfois au sein d'une  entreprise particulière, parfois chez des individus venant de  diverses entreprises. Dans l'un ou l'autre cas, la formation ainsi  conçue possède les caractéristiques suivantes :

 a)        Elle est libre

Elle tend à faire disparaître toutes les entraves. On n'impose  pas un programme de formation. Les individus qui y sont engagés  doivent être conscients du besoin qui existe et de la nécessité d'y  subvenir.

b)         Elle est dynamique

Les participants doivent être les agents actifs et conscients de  leur formation. Elle tend à faire disparaître progressivement la  dépendance et la passivité.

c)         Elle est permanente

La réalité changeante pose constamment des défis nouveaux  aux individus. Les besoins de formation évoluent en fonction de  la situation de l'entreprise, elle-même en perpétuel changement.  La formation des dirigeants est donc conçue de façon à pouvoir  s'ajuster aux diverses exigences successives de l'entreprise et de  la société. Un tel besoin de formation existe toujours et n'est  jamais complètement satisfait.

d)         Elle est fonctionnelle

C'est-à-dire qu'elle doit s'exercer en fonction de la situation,  des besoins et des possibilités des individus. Elle doit s'intégrer  le plus possible à la réalité et tenir compte de tous les éléments  qui composent les situations globales ou particulières des dirigeants d'entreprise.

Toutefois, il est bien évident que la formation rencontre sa  véritable dimension lorsqu'elle s'accomplit en tout ou en partie  dans le cadre naturel du participant, c'est-à-dire dans son entreprise. Elle se distingue alors nettement de la formation académique  telle que conçue par les écoles d'administration et les universités  en général. Dans la revue Think (novembre-décembre 1967),  Chris Argyris trace un parallèle inquiétant entre les caractéristiques de la formation des dirigeants d'entreprise selon la conception des universités et les besoins des individus dans l'organisation :

FORMATION UNIVERSITAIRE

FORMATION DE L'ENTREPRISE

1) s'adresse à l'individu

2) se   produit  au   moment   des  cours

3) n'est  pas   reliée   à   un   pro-  blème immédiat

4) se vérifie  au  moyen  d'exa-  mens obligatoires

5) est conçue et contrôlée par  le professeur

1) s'adresse à l'individu comme  membre  d'une  équipe,  dans  un    système    qui    comprend  plusieurs équipes

2) se   présente  au   moment  où  un problème est perçu

3) se   relie   directement  à   des  problèmes réels

4) se vérifie par l'efficacité des  résultats obtenus

5) est contrôlée par ceux qui y  participent,   avec   l'aide   du  conseiller

Ces distinctions permettent de situer notre action par rapport  à la formation académique qui possède, par ailleurs, des valeurs  certaines et remplit une fonction nécessaire. Toutefois, nous  sommes bien conscients de l'existence de certains besoins qui ne  peuvent être satisfaits par d'autres que les individus concernés  et dans le cadre de la situation qu'ils vivent.

Le rôle des conseillers

« Parler est un besoin,  écouter, un talent. » Goethe.

S'inspirant d'une telle approche, il n'est pas facile de déterminer de façon concrète le rôle des conseillers. Ce rôle se définit  par un réseau de relations formelles et informelles et varie en  fonction de certains facteurs :

a)         La nature du groupe :

S'agit-il d'un groupe homogène ou hétérogène ? D'où viennent  les participants ? Quel est leur niveau de responsabilité ? Quel  est le degré de dépendance qui existe au départ ?

b)         La situation dans laquelle le groupe évolue :

Quelle est la nature de la tâche à accomplir? S'agit-il de la  première ou de la deuxième rencontre ? Le groupe est-il réuni  pour un stage intensif ou pour quelques heures seulement ?

 c)        La personnalité du conseiller :

Même si tous les conseillers s'inspirent de la même approche  et des mêmes principes de base, ils influencent, comme participants, la nature des relations qu'ils établissent avec le groupe et  chacun des individus. Le conseiller y est engagé pleinement avec  ses connaissances particulières, ses attitudes et son style personnel,  en résumé, avec toute sa personnalité.

Toutefois, il existe un certain nombre de points communs à  partir desquels les conseillers actuels du CDE définissent leur rôle.  Actuellement, la très grande majorité de nos activités de formation  se déroule sous forme de session intensive pouvant réunir de 20  à 40 dirigeants d'entreprise, redivisés en sous-groupes de 6 à  12 participants; dans chaque sous-groupe, on retrouve un conseiller, parfois deux.

Dans ce contexte, la relation qui s'établit n'en est pas une de  professeur à élève. Dès le début, nous tâchons de préciser avec le  groupe que nous n'avons aucune théorie particulière à imposer.

De plus, il est bien évident que, sur un très grand nombre de  points particuliers, les connaissances et les expériences des participants sont très supérieures à celles des conseillers. Elles sont  également très diversifiées, ce qui constitue une richesse pour le  groupe. Ainsi, toute l'efficacité des sessions repose sur la participation active des membres, ce qui va à rencontre du modèle  traditionnel de l'enseignement et du mode habituel d'opération  des entreprises.

Il ne s'agit pas, non plus, d'une relation d'expert vs dirigeants  d'entreprise. Les situations vécues dans le groupe se rapprochent  le plus près possible de la réalité, c'est-à-dire qu'elles se situent  sur un terrain qui est familier à tous. La relation d'expert vs  dirigeants d'entreprise maintient ou accroît un degré de dépendance qui empêche tout simplement d'apprendre, de changer  réellement et de connaître et d'exercer son potentiel. L'animateur  serait alors vu sur un piédestal, et c'est là, d'ailleurs, qu'il se serait  placé lui-même.

Enfin, nous éliminons l'attitude du laisser-faire, qui compromet sérieusement l'efficacité de la tâche et engendre un certain  degré de frustration inutile. L'animateur serait alors perçu comme

 un être mystérieux, un magicien, un lâche, ou encore un incompétent. C'est facile et tentant, devant un groupe, d'abriter son  incompétence et son manque de courage derrière une carapace  au lieu de dire tout simplement : « Je ne sais pas... ». Une telle  attitude entraîne des craintes et des résistances qui nuisent à la  vie du groupe.

Au point de départ, nous pouvons assumer que le conseiller  possède tout d'abord un capital de connaissances, de méthodes et  de techniques qu'il désire mettre à la disposition du groupe, sans  pour autant les imposer. De plus, il est un être humain, au même  titre que les autres participants du groupe. Ceci étant perçu de  part et d'autre, il ne s'agit donc pas de jouer à cache-cache, ou  de tenter de dominer le groupe. Il est donc important, pour le  conseiller, de découvrir et de mettre à la disposition du groupe  les sources d'information les plus importantes pour une situation  donnée. Ces informations peuvent se trouver chez lui, dans le  groupe, et/ou dans des ressources extérieures au groupe.

Pour atteindre ces objectifs, il doit donc tenter de créer un  climat favorable à l'utilisation optimale de toutes ces ressources,  en se souvenant que les participants sont les premiers agents de  leur formation. Le programme est donc orienté de façon à permettre la prise de responsabilité progressive des individus et des  groupes concernés, vis-à-vis sa réalisation. L'effort de l'animateur  tend à éliminer la dépendance que le groupe développe naturellement à son égard, à rendre le groupe et les individus responsables  et à acquérir un statut de participant, au même titre que les  autres qui lui permettent de jouer son rôle de conseiller, sans  pour autant dominer la discussion.

En général, au début, un tel rôle et un tel climat vont à  rencontre des attentes des participants qui se réfèrent, pour la  plupart, au modèle traditionnel qu'ils ont connu dans l'enseignement ou dans l'entreprise. Il s'ensuit un certain degré de frustration  (qui n'est pas toujours le même) qui favorise un véritable  apprentissage. Toutefois, passé ce degré, les effets semblent être  négatifs.

Jusqu'ici, nous avons traité du rôle du conseiller sans le  définir dans des actions concrètes et en faisant abstraction des  méthodes et des techniques utilisées. Ce qui apparaît fondamental,

 c'est l'attitude du conseiller, attitude basée sur l'acceptation de soi  et des autres et sur l'acceptation du changement. Il s'ensuit  normalement un climat de compréhension et de confiance mutuelle  nécessaires à la réalisation des objectifs. Une telle attitude conditionne fortement la nature des relations interpersonnelles qui  s'établissent dans le groupe et vis-à-vis du conseiller.

À partir de là, n'importe quelle technique peut être utilisée;  nous n'avons donc aucune restriction à ce niveau : discussions,  exposés didactiques, travaux individuels ou en groupe, utilisation  de moyens audio-visuels, etc.. Les méthodes et les techniques  sont ainsi ramenées à leur véritable dimension, c'est-à-dire, à  celle de moyens pouvant favoriser un véritable apprentissage et  non pas une fin en soi. Il en est ainsi des programmes et des  contenus qui doivent être d'une très grande souplesse pour  s'ajuster aux diverses situations.

Le conseiller se trouve donc constamment sur une corde raide.  D'une part, il doit tenir compte des relations interpersonnelles qui  s'établissent dans le groupe et l'amener à s'interroger sur certains  facteurs qui conditionnent son mode de fonctionnement; d'autre  part, il doit tenir compte de l'exécution de la tâche et de la  réalisation des objectifs qui consistent à apprendre à devenir des  administrateurs efficaces sur tous les plans, et non pas à explorer  la signification et l'importance en soi de phénomènes psychosociologiques. Les relations interpersonnelles sont inséparables de  la tâche. L'accent ou l'importance d'un aspect par rapport à  l'autre est déterminé, non pas théoriquement, mais en fonction de  chaque situation.

Il nous est plus facile de définir concrètement le rôle du  conseiller en formation au CDE en référant à diverses fonctions  qu'il doit accomplir :

a) Organisation :

Une des fonctions du conseiller consiste à organiser des stages,  c'est-à-dire à voir au recrutement et à la sélection des participants,  l'organisation matérielle, la préparation des documents, les cédules,  la coordination, etc.

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 b)        Animation :

Chaque conseiller est un animateur de groupe. Il aide le  groupe à s'interroger sur son propre fonctionnement interne et  sur son efficacité au niveau de la tâche. Il amène le groupe à  explorer sa situation sous tous ses angles et les individus à  s'interroger sur eux-mêmes, sur leurs attitudes et comportements,  leur mode de pensée, leur ouverture d'esprit, l'identification de  leur potentiel, etc..

c)          Information :

Le conseiller en formation possède, sur certains thèmes que  le groupe veut explorer, des connaissances qu'il met à la disposition du groupe. Ces connaissances peuvent provenir de ses  expériences et recherches personnelles, de la mise en commun des  ressources de l'équipe des conseillers et, parfois, de sources extérieures. Il s'agit bien, cependant, d'un rôle d'information. Jamais,  il n'a à prendre des décisions au nom du groupe. Il doit pouvoir  reconnaître la différence entre une demande légitime d'information  et une fuite de responsabilités.

d)         Consultation :

Il arrive très souvent, surtout lorsqu'une session se déroule en  internat, qu'un participant désire discuter avec un conseiller un  problème personnel qui ne concerne aucunement le groupe comme  tel. Conservant la même approche, le conseiller se rend disponible  et aide l'individu à explorer sa situation. Ses interventions doivent  être identifiées en termes de support, de façon à ne pas freiner la  démarche personnelle de ce dernier.

e)         Observation et évaluation :

A certains moments, le conseiller se présente dans un groupe  à titre d'observateur seulement. Au cours de l'évaluation, il fait  part au groupe de ses observations sur le mode de fonctionnement  du groupe, aux niveaux de la tâche, de la méthode de travail, ou  des relations humaines. Il remet en question certaines choses  acquises et invite le groupe à explorer de nouvelles avenues.

f)          Recherche :

Un conseiller en formation ne peut tenir le coup s'il ne  s'adonne pas à des recherches personnelles visant à compléter sa  propre formation. Que ce soit par des lectures personnelles, des  expériences vécues au service de l'entreprise ou en s'inscrivant  lui-même à des stages, il est absolument essentiel qu'il assure, à  chaque année, son « ressourcement » personnel. Une certaine  partie de cet ajustement se fait régulièrement par une mise en  commun de nos propres expériences et par un travail d'équipe  soutenu. Nous sommes tous conscients d'un fait : aucun d'entre  nous n'aurait pu accomplir seul le chemin parcouru.

En somme, un tel rôle n'est pas facile à décrire; il est encore  moins facile à réaliser. A chaque arrêt, nous remettons en cause  telle activité et tel comportement. On verra d'ailleurs dans un  autre chapitre les difficultés que pose un tel programme sur le  plan de l'évaluation.

L'avenir de la formation des dirigeants d'entreprise

Cette conception de la formation des dirigeants que nous  avons tenté de décrire dans les lignes précédentes possède une  certaine originalité, du moins, dans le milieu dans lequel elle  s'exerce. Elle vise à rendre les individus progressivement responsables à l'égard de l'identification de leurs besoins, du choix des  moyens et de l'implantation. Elle constitue dans le milieu canadien-français une expérience particulière qui fait partie des rares  réalisations en ce domaine pratiquement inexploité dans notre  milieu.

On peut prévoir, d'ici dix ans, un développement considérable  et des réalisations concrètes pour répondre aux besoins de plus  en plus conscients. Cette diversité permettra de réaliser des  expériences aussi diverses qu'enrichissantes. Toutefois, nous ne  pouvons nous payer le luxe de disperser nos efforts sans prévoir  des mécanismes de collaboration, de coordination et d'intégration  des programmes. Déjà, les dirigeants commencent à se demander  « qui fait quoi ?»

De plus, il faudrait prévoir la mise sur pied d'une véritable  école de formation des dirigeants d'entreprise qui pourrait, sans  nier la valeur des organismes existants,  jouir d'un leadership  reconnu par ces derniers, sur les plans de l'approche à la formation et des modalités de réalisation.

Enfin, l'heure est peut-être venue de songer sérieusement à  la préparation de ceux qui désirent oeuvrer en ce domaine. Jusqu'à  présent, on a procédé par intuition. Après avoir reçu une formation  de base suffisante pour travailler dans l'entreprise, c'est par goût  et par intérêt qu'un individu décidait de s'adonner à la formation.  Le conseiller en formation, même s'il est formé dans une discipline  particulière, devient alors un généraliste. Un centre de formation  des «formateurs» pourrait rendre d'immenses services à tous  ceux qui s'intéressent à ce domaine, qu'ils soient au service  d'organismes comme le CDE ou directement à l'emploi d'une  entreprise.

L'évaluation des programmes de formation du personnel de cadres et application au C.D.E.

Laurent Bélanger

 Multiplication des programmes de formation et facteurs qui l'expliquent

Au moment où l'idée d'éducation permanente fait son chemin  dans notre société industrielle, on ne peut s'empêcher de constater  qu'elle est bien accueillie, non seulement par les collets bleus,  mais aussi par le personnel de cadres et les dirigeants supérieurs  de l'entreprise privée aussi bien que publique.

En effet, depuis la deuxième guerre mondiale, on assiste à  une multiplication des programmes de formation pour les agents  de maîtrise et les cadres intermédiaires. On voit même des membres de la haute direction opérer un retour à l'université pour  rafraîchir leurs connaissances sur le fonctionnement de l'entreprise  et les relations qu'elle doit entretenir avec le milieu économique  et socio-culturel dans lequel elle s'insère.

Cet engouement pour les programmes de formation offerts  par les universités et par divers organismes comme American  Management Association, Scientific Methods Inc., COSE, CDE,  pour n'en nommer que quelques-uns, s'explique assez facilement.

Le développement de la connaissance dans le domaine de  l'informatique (méthodes de traitement de l'information par les  ordinateurs) et la diffusion des résultats de recherche dans le  domaine des sciences de l'homme présentent un terrain de prédilection pour alimenter la réflexion des administrateurs qui ont  le souci d'accroître leur compétence par une meilleure compréhension de l'organisation moderne et des hommes qui la composent.

Le maintien de la croissance économique et la complexité du  jeu des variables qui la soutiennent, le vieillissement des cadres  dirigeants actuels, l'accroissement de la scolarité et le changement  dans la composition de la main-d'oeuvre sont d'autres raisons qui  militent en faveur d'un accroissement de la quantité et de la qualité  des dirigeants à tous les niveaux de la pyramide de l'entreprise.

Absence d'évaluation scientifique et facteurs qui l'expliquent

Par ailleurs, au moment où cette idée d'éducation permanente  se concrétise dans des efforts pour accroître la compétence des  individus, on commence à peine à s'interroger sur la valeur des  programmes. En effet, il ne faut pas se surprendre de constater  que les tentatives d'évaluation scientifique des programmes de  formation pour le personnel de cadres remontent à peine à une  quinzaine d'années. Une étude de l'Organisation de Coopération  et de Développement Économiques13  rapporte «qu'un psychologue britannique, Castle, a compilé en 1952 une bibliographie  exhaustive (467 titres) sur la formation du personnel d'encadre-  ment sans trouver une seule tentative d'évaluation expérimentale  de cette formation ».

Encore là, on peut toujours trouver des raisons pour expliquer  facilement cette lacune :

Les réponses aux questionnaires soumis aux formés et le  contenu des entrevues semi-dirigées révèlent un ensemble d'attitudes favorables à l'endroit du contenu des programmes, de la  conduite des sessions et des organismes qui les dispensent.14  Cet enthousiasme manifesté à la suite des programmes assure la  continuité de ces derniers et éclaire les formateurs dans la révision  des objectifs et méthodes de formation.

Tentatives récentes d'évaluation des programmes

À l'aide des instruments de recherche dont nous disposons  actuellement en sciences psychosociales, nous croyons qu'il est  possible de dépasser ce genre d'information qui demeure utile,  même si elle est basée sur des impressions, et d'arriver à une  évaluation plus précise des résultats concrets d'un programme  de formation. Le projet que nous avons à l'esprit consiste en une  application de la démarche expérimentale dans l'évaluation du  programme de formation offert par le Centre des Dirigeants  d'Entreprise.

Pour faciliter la compréhension de ce projet, il serait peut-être  utile de jeter un regard discursif sur les travaux publiés depuis  quelques années dans le domaine de l'évaluation des programmes  de formation. On y retrouve des réflexions portant soit sur les  principes de l'évaluation, soit sur les principales démarches utilisées, soit sur les effets qu'ont produits certains programmes. Il ne  faut pas s'attendre ici à une revue exhaustive et critique de toutes  les tentatives d'évaluation. Notre attention se centre plutôt sur des  études déjà connues par ceux qui oeuvrent dans le secteur de la  formation et dont la diffusion est plutôt restreinte.

1. McGehee et Livingstone15 rapportent qu'à la suite d'un  programme de formation à la réduction du gaspillage (programme  impliquant contremaîtres et ouvriers), le taux de rebut a été  réduit de  61.6%.  Cette réduction s'est maintenue  au même  niveau durant deux années consécutives. Le succès du programme  peut être attribué à la facilité de définir le but en termes opérationnels, de l'expliquer aux participants et de permettre à ces  derniers d'évaluer leur progrès dans la réalisation du but.

2. Les études de Fleishman, Harris et Burtt16 démontrent  qu'il est beaucoup plus difficile d'évaluer les résultats d'un pro-  gramme de formation en relations humaines dont le but vise,  comme on le sait, une modification des attitudes de l'individu et  de son comportement dans l'entreprise.

L'essai d'évaluation de Fleishman et Harris à l'International  Harvester Co. a été conçu suivant un plan expérimental rigoureux.  Deux instruments ont été mis au point. Le premier s'intitulait  « Description du comportement du personnel d'encadrement »  (Supervisory Behavior Description Questionnaire). Cet instrument  permettait aux subordonnés de décrire le comportement de leur  supérieur. Le deuxième instrument « Questionnaire d'opinion sur  le commandement » (Leadership Opinion Questionnaire), s'adressait aux contremaîtres et permettait de décrire leur conception  du rôle de chef. Les instruments devaient permettre de retracer  deux dimensions du commandement : la considération et l'initiative concernant la structure. En des termes plus récents, la considération serait l'équivalent d'une orientation vers les relations  humaines et l'initiation concernant la structure serait celui d'une  orientation vers la tâche. Les tests étaient conçus pour rendre les  deux dimensions indépendantes, la présence de l'une excluant celle  de l'autre.

Le programme d'une durée de quinze jours visait à développer  chez les participants un style de commandement démocratique sans mettre l'accent sur le rendement ou encore la tâche à exécuter.

Pour mesurer l'efficacité du programme, on établit deux  groupes de contremaîtres : un groupe expérimental, celui qui  devait participer au programme; un groupe témoin, celui qui en  était exclu. Les deux groupes passèrent le test « Leadership  Opinion Questionnaire » avant et après les sessions prévues au  programme. Les subordonnés furent aussi invités à passer le test  construit pour eux.

Une comparaison des réponses obtenues aux deux tests avant  et après le programme ne permit pas de constater une différence  significative au plan des attitudes et du comportement entre les  formés et les non-formés. Même si les résultats globaux de cette  étude ne sont pas concluants, on peut cependant déceler, après  une analyse partielle des données, une différence entre les contre-maîtres avant et immédiatement après le programme de formation  en relations humaines. Les contremaîtres formés ont manifesté  moins d'autoritarisme et plus de considération pour les personnes  après le programme. Cependant, au retour dans leur milieu habituel de travail, ces mêmes contremaîtres ont manifesté une orientation vers la tâche à un degré plus élevé que celui qu'on a pu  constater chez eux avant leur période de formation. Cet essai  d'évaluation ne fut pas un échec complet, puisqu'il a mis en relief  des points importants en matière de formation.

Un premier point concerne le phénomène du transfert. Il  semble difficile pour les formés de transposer dans leur situation  de travail des attitudes et comportements acquis au cours d'une  session intensive lorsque l'organisation n'est pas prête à les  recevoir. En d'autres mots, nous ne voyons pas comment des  individus sensibilisés à l'approche « démocratique » peuvent à  leur retour, fonctionner dans une entreprise où les supérieurs  hiérarchiques et la haute direction épousent à fond l'approche  autoritaire et centrée sur la production.

Donc, un programme de formation en relations humaines,  pour produire des effets durables, doit d'abord s'adresser aux  échelons supérieurs de l'entreprise; ou bien, il doit être élaboré  en tenant compte de la philosophie des dirigeants et des besoins  de l'entreprise.

 Un deuxième point porte sur l'utilisation de la dichotomie  « considération » et « initiating structure » pour englober toutes  les dimensions du commandement et élaborer les tests en conséquence, et cela sans tenir compte des exigences des situations  administratives concrètes. Les difficultés rencontrées par ces auteurs en ont probablement incité d'autres à réfléchir sur les limites  que comporte le fait de privilégier un style à l'exclusion d'un autre  ou de construire un modèle où s'opposent théoriquement deux  dimensions, alors que, dans la réalité, il n'y a pas nécessairement  opposition. Nous rejoignons ici la critique formulée par Andrews  en 1957 à l'endroit de l'essai d'évaluation tenté par Fleishman et  ses collègues.17 Des auteurs comme Tannenbaum, Blake et  Reddin admettent la possibilité de plusieurs styles de commandement qui peuvent être exploités selon les exigences de la situation.

3. Après un examen critique des méthodes d'évaluation utilisées par le groupe de Harvard, les compagnies Aluminium of  Canada, Standard Oil of New Jersey et Detroit Edison, Paul C.  Buchanan18 proposent un système théorique d'évaluation des programmes de formation. Les critères auxquels le système doit obéir  sont les suivants :

Au cours d'un premier essai d'évaluation, Buchanan doit faire  un effort pour coller de près la démarche expérimentale, qu'il  prônait deux ans plus tôt.19 Ne pouvant instituer un groupe  expérimental et un groupe témoin, et devant l'impossibilité d'obtenir des données avant et après le programme de formation,

Buchanan demande deux mois après aux supérieurs et subordonnés des formés de relater des exemples précis reflétant un  changement dans la performance des individus au travail et de  préciser si ce changement est attribuable au programme suivi.  Les réponses aux questionnaires sont analysées par deux spécialistes en sciences sociales qui ne sont en aucune façon en relation  avec l'entreprise où se fait l'évaluation. Lorsque les deux spécialistes, travaillant séparément, concluent qu'un changement de  comportement s'est produit chez le participant, on considère que  le programme a produit un effet pour ce participant. Une analyse  plus poussée des réponses permet de juger si le changement opéré  par un participant est consistant avec le but du programme et  reflète la connaissance ou les attitudes acquises au cours du  programme.

À la suite des résultats obtenus, l'auteur soutient que cette  méthode d'évaluation est applicable, fiable et valide.

4. À l'aide d'un questionnaire rempli par 6,000 dirigeants  d'entreprise, d'entrevues avec les instructeurs, les supérieurs immédiats et les collègues des formés, Kenneth Andrews20 a accumulé  une masse d'information sur les effets des divers programmes  offerts par les universités nord-américaines et les entreprises.

Dans l'ensemble, les formés sont revenus plein d'enthousiasme  à l'endroit de l'expérience de formation. Le travail en groupe  leur a permis d'accroître leur capacité de comprendre le point  de vue des autres et d'augmenter leurs connaissances sur le fonctionnement intégré d'une entreprise.

Les témoignages des dirigeants de trois compagnies Humble Oil, Westinghouse et Alcan nous permettent de croire que les  cadres formés ont réellement bénéficié des programmes. Des changements sont perceptibles tant au niveau des individus qu'au  niveau du climat de l'organisation.

Andrews conclut qu'il faut s'acharner à définir ce qu'on entend  par « efficacité d'un programme de formation » et à trouver les  moyens pour l'accroître. La démarche clinique utilisée par  Andrews ne permet pas de mesurer d'une façon précise la nature

des changements survenus chez les formés, mais elle fournit  une information précieuse pour une reformulation possible des  objectifs d'un programme et la mise au point de nouvelles méthodes de formation.

5. Mahoney, Jerdee et Korman21 affirment qu'une évaluation  systématique d'une activité de formation est impossible sans une  définition opératoire des objectifs poursuivis. L'évaluation conduite par le Management Development Laboratory du Centre de  Relations Industrielles de l'Université du Minnesota illustre  l'application de la démarche expérimentale pour évaluer un pro-  gramme de formation en administration au sein d'une entreprise.

Les buts poursuivis par le programme étaient les suivants:

Les auteurs ont élaboré trois instruments pour juger de  l'efficacité d'un programme : un test de connaissance (knowledge test), un test d'analyse de cas (case analysis test) et enfin,  un test d'attitudes (attitude scale). Les tests furent administrés  avant et après le programme à deux groupes différents : les dirigeants qui devaient suivre le cours et qui l'ont effectivement  suivi; un groupe témoin, c'est-à-dire un certain nombre de  dirigeants exclus de l'expérience de formation.

Comparés au groupe témoin, les formés ont amélioré d'une  façon significative leur habileté dans l'application de l'approche  rationnelle à la solution des problèmes. Ils ont aussi développé  le sens d'une responsabilité à l'endroit de leur perfectionnement  personnel. Cependant, les formés ne possédaient pas après le  cours une meilleure connaissance des principes d'administration  que celle observée chez le groupe témoin. En cherchant les raisons

de cet échec, on a découvert que les instructeurs ne possédaient  pas une bonne connaissance des principes d'administration.  Cependant, ces instructeurs ont démontré beaucoup d'habileté  dans la conduite des réunions.

Cet essai d'évaluation nous amène à conclure que la démarche expérimentale est applicable. Elle permet de juger dans quelle  mesure les buts d'un programme sont atteints et de déceler les  raisons qui peuvent expliquer un échec ou un succès dans l'atteinte des objectifs de formation.

6. L'expérience tentée par le Service de psychologie appliquée  de l'Association Française pour l'Accroissement de la Productivité  représente à l'heure actuelle, l'effort le plus complet d'évaluation  des incidences d'un programme de formation.22

Une estimation des effets de la formation et des facteurs qui  la conditionnent a été réalisée sur trois points :

La démarche utilisée est assez complexe puisqu'elle utilise  concurremment l'approche expérimentale et l'approche clinique.

Les modifications individuelles des attitudes ont été étudiées à  l'aide de trois (3) tests passés avant et après formation par deux  cents (200) agents de maîtrise :

Malheureusement, nous ne pouvons rapporter ici les résultats  obtenus à l'aide de ces trois instruments. Le lecteur voudra bien  se référer aux cahiers de l'A.F.A.P.

 L'étude de la carrière professionnelle a été menée à l'aide  d'un questionnaire rempli par des enquêteurs au cours d'une  visite auprès de cent cinquante-quatre (154) agents de maîtrise  qui avaient participé au programme de formation.

Pour juger de la capacité de l'entreprise à assimiler les nouveaux formés à leur retour dans leur situation de travail, les enquêteurs ont procédé à une série d'entretiens psychologiques en profondeur avec le supérieur hiérarchique immédiat des formés et  avec des représentants de la direction de l'entreprise. Sur ce  point, les résultats démontrent que les entreprises assimilent différemment les effets de la formation. Les facteurs qui peuvent  expliquer ce phénomène sont les suivants :

Cet essai d'évaluation démontre l'applicabilité de la démarche  expérimentale dans la mesure des incidences de la formation.  Cette démarche complétée par l'approche clinique permet aussi  de juger si la formation a des effets durables lorsque les formés  ont opéré un retour de leur situation de travail.

7. Dans un article intitulé « Breakthrough in Organisation  Development », Blake, Morton, Barnes et Greiner24 tentent de  démontrer, par une analyse de cas, la possibilité d'utiliser avec  succès les sciences du comportement dans un effort pour améliorer  le fonctionnement d'une usine et la compétence de ses dirigeants.  Un nombre de huit cents (800) dirigeants et cadres techniques  sont  soumis  à  une  expérience  de  formation  comprenant  six

 phases distinctes et utilisent la grille directoriale (« The Managerial Grid »). Cette grille, largement diffusée dans la province  de Québec, permet de retracer cinq styles de commandement  basés sur deux variables clefs :

Pour évaluer la nature des changements survenus au sein  de toute l'usine, les auteurs utilisent des critères dont on se sert  habituellement pour mesurer l'efficacité des opérations. Au cours  des différentes phases de formation, des données sont recueillies  sur la productivité, les profits, les pratiques de la direction touchant la fréquence des réunions, les critères d'appréciation du personnel, le nombre de mutations et de promotions au sein de  l'usine et à l'extérieur.

Une comparaison des résultats accumulés à différentes étapes  du programme permet aux auteurs de conclure que le programme  de développement des cadres a produit des effets positifs. Encore  là, il est difficile d'attribuer au programme seul les changements  observés à l'aide des critères énumérés plus haut. Par exemple,  l'accroissement des profits entre les années 1962 et 1963 (années  des premières phases du programme) peut être attribué à une  amélioration de l'équipement ou une réallocation plus efficace du  personnel. Les auteurs sont eux-mêmes conscients des limites  que comporte le choix de leurs critères pour déceler les incidences du programme.

Un changement au niveau des perceptions, attitudes et valeurs  devait se refléter dans une amélioration des relations interpersonnelles (relations entre supérieurs et subordonnés, relations au sein  d'un groupe de travail et relations intergroupes).

Les dirigeants ont rempli un questionnaire en portant un jugement sur l'état des relations interpersonnelles à deux périodes  différentes. Les réponses permirent de détecter une amélioration  sensible au cours des premières phases du programme.

Cette revue rapide de quelques essais d'évaluation démontre  que plusieurs approches peuvent être utilisées pour déceler les  incidences d'une action de formation.

 Il est difficile de porter un jugement sur la supériorité d'une  approche comparée à une autre. La démarche clinique par voie  de questionnaire et d'entrevues permet de recueillir une information utile pour améliorer soit le contenu, soit les méthodes de  formation, ou encore réviser les objectifs d'un programme en  fonction des besoins de l'entreprise ou de la philosophie des dirigeants. Cependant, cette approche seule ne permet pas de mesurer  d'une façon rigoureuse les résultats anticipés par les formateurs  et ceux qui défraient les coûts des activités de formation. Sur ce  point, la démarche expérimentale serait préférable. Celle-ci comporte aussi des limites. Il semble difficile d'établir des groupes  expérimentaux et témoins qui soient homogènes en termes d'âge,  sexe, ancienneté, occupation, avant et après un programme de  formation. Les coûts impliqués sont probablement plus élevés.  Encore là, nous ne disposons d'aucun chiffre pour prouver cette  affirmation.

L'idéal serait de coller le plus près possible l'approche expérimentale quitte à compléter, lorsque c'est nécessaire, l'information  par la conduite d'entretiens, l'administration d'un questionnaire,  ou encore par une discussion de groupe avec les formés eux-mêmes. Nous avons donc choisi de recourir à la démarche expérimentale dans notre essai d'évaluation du programme de formation offert par le Centre des Dirigeants d'Entreprise.

Application de la démarche expérimentale au programme de formation offert par  le centre des dirigeants d'entreprise

1 - LE BUT SPÉCIFIQUE DU PROGRAMME

Le programme du CDE s'adresse à toute personne qui accomplit des tâches directoriales dans une entreprise qu'elle soit petite,  moyenne, gigantesque, privée, para-publique ou publique. D'une  façon globale, les stages d'étude et de réflexion visent à accroître  chez les dirigeants leur compétence sur le plan des relations interpersonnelles et leur capacité d'analyser diverses situations administratives dans toutes leurs dimensions en vue de dégager  l'orientation et l'action à prendre.

 En s'inspirant largement des théories des styles administratifs,  le programme vise d'une façon spécifique à accroître chez l'administrateur une flexibilité à adopter le style administratif qui correspond aux exigences de la situation administrative dans laquelle  il se trouve et auxquelles il doit faire face. Le programme s'inspire  donc de la théorie situationnelle du leadership qu'on pourrait  brièvement caractériser comme étant la rencontre de l'homme et  de la situation.

Le programme ne vise donc pas à inculquer chez l'administrateur la nécessité d'implanter dans son entreprise un style de  commandement « démocratique » comme certains programmes  de relations humaines l'ont fait dans le passé.

2 - LES INSTRUMENTS DE MESURE

Comme premier instrument de mesure pour évaluer le degré  de flexibilité que devrait acquérir l'administrateur au cours des  périodes de formation selon le programme du CDE, nous avons  élaboré quatre batteries de tests qui nous permettront de déterminer le nombre de stagiaires qui auront opéré un changement  au plan des valeurs, attitudes et comportements à l'endroit des  autres (en particulier leurs subordonnés) et à l'endroit de la  tâche à accomplir.

Chaque batterie comprend dix sentences décrivant les styles  administratifs suivants :

L'analyse de la distribution des scores nous permet de situer  le stagiaire sur les grilles de styles de leadership déjà élaborées  par différents auteurs tels que Blake, Reddin, pour ne mentionner  que les plus connus.

 Ce premier instrument nous permet de détecter la nature  d'un changement au plan des valeurs, attitudes et comportements.  Cependant, il ne nous permet pas de juger si le changement opéré  par le stagiaire est approprié; en d'autres mots si le changement  effectué répond aux exigences de la situation administrative dans  laquelle il se trouve actuellement ou d'autres situations avec  lesquelles il sera confronté dans sa carrière d'administrateur.

Pour juger de l'habileté d'un stagiaire à adopter le style qui  répond aux exigences de la situation, c'est-à-dire de son degré  de flexibilité, un travail de recherche s'impose. Pour le moment,  nous envisageons d'explorer quelques avenues qui nous conduiront  à la mise au point de ce second instrument de mesure.

Une première possibilité consiste dans l'élaboration d'un test  de situations stratégiques ou difficiles. Le test comprendrait une  série de cas en administration présentés sous une forme simplifiée.  Chaque cas serait suivi d'une dizaine de réponses décrivant succinctement le style d'administration le plus approprié en regard  de la situation décrite. On demanderait à des spécialistes de la  formation des cadres ou à des administrateurs chevronnés d'exprimer leur accord ou désaccord, sur chaque réponse. On pourrait  ainsi dégager le type idéal d'administration qui répondrait aux  exigences de la situation. On demanderait ensuite aux stagiaires  d'indiquer, à leur tour, leur assentiment ou désaccord à l'endroit de  chacune des réponses à deux moments différents, c'est-à-dire avant  et après la période de formation.

Une étude approfondie portant sur la comparaison des scores  obtenus aux tests des styles de base et au test des situations difficiles, nous permettrait de juger du degré de flexibilité acquis au  cours de la période de formation.

Cependant, le test des situations critiques que nous venons de  décrire comporte une limite sérieuse comme instrument d'évaluation. L'hypothèse de base d'un programme de formation est  le transfert. Les formateurs s'appliquent au cours des stages  de formation à inciter les stagiaires à découvrir des modifications  qu'ils peuvent apporter en espérant que ces modifications, possiblement opérées en situation de formation, seront transposées  dans la situation de travail. Comme les cas de situations critiques

 seraient élaborés en vase clos, c'est-à-dire sans tenir compte de  la philosophie de la direction, de la technologie ou de la taille de  l'entreprise où le stagiaire détient un poste, il serait difficile d'anticiper le transfert avec certitude. En des termes plus simples, nous  croyons qu'un stagiaire peut rencontrer des difficultés à mettre à  profit le degré de flexibilité qu'il aura possiblement acquis, si  l'entreprise où il se trouve est incapable d'assimiler cet effet du  programme de formation.

Pour éviter les écueils que présente le phénomène du transfert, on pourrait songer à une deuxième avenue qui serait une  adaptation de celle que nous venons de décrire et qui relèverait  d'une démarche clinique.

Au lieu d'élaborer en vase clos des cas de situations difficiles,  on pourrait mettre sur pied une équipe d'interviewers qui se  chargeraient de visiter les entreprises et les stagiaires qui ont  terminé les stages de formation, conduits par l'équipe du Centre  des Dirigeants d'Entreprise. La démarche consisterait, d'abord, à  interviewer le stagiaire en lui demandant de décrire la situation  globale dans laquelle il opère, l'ensemble de problèmes administratifs avec lesquels il a été confronté et les solutions qu'il a mises  de l'avant.

Ensuite, il faudrait interroger le supérieur immédiat du stagiaire de même que ses coéquipiers et ses subordonnés en leur  demandant de décrire la façon dont le stagiaire s'est comporté  dans la situation qu'il aura lui-même décrite au point de départ.

Une série de questions chercheraient à découvrir si le supérieur immédiat du stagiaire, ses coéquipiers et ses subordonnés  ont observé un changement chez le stagiaire après sa période de  formation.

Des comparaisons entre l'information ainsi obtenue par voie  d'entrevues semi-dirigées et celle fournie par les tests portant sur  les styles de base, donneraient quelques indications sur le degré de  flexibilité acquis par le stagiaire à la suite des stages suivis au CDE  après avoir réintégré les cadres de son entreprise.

Même si cette démarche nous aidait à évaluer d'une façon  approximative la persistance de l'effet de la formation dans  l'entreprise que réintègre le stagiaire, elle présenterait de nombreuses difficultés. Au point de départ, on perdrait la rigueur de  la précision statistique que présenterait la première possibilité. En  deuxième lieu, elle ne permettrait pas d'obtenir une information  sur le stagiaire avant la période de formation, ce qui rendrait  impossible une comparaison avant et après le programme, comparaison nécessaire pour juger si les modifications survenues  peuvent être attribuées au programme lui-même. Enfin, cette  démarche clinique nous apparaît beaucoup plus dispendieuse  puisqu'il faudrait engager et former des interviewers capables  d'effectuer le travail.

Ces raisons nous incitent à croire que la première approche,  utilisant le test des situations critiques, serait plus pratique dans  la confection d'un deuxième instrument de mesure permettant de  juger de la capacité du stagiaire à opérer un choix judicieux du  style administratif qui l'aiderait à faire face, d'une façon efficace,  à la situation administrative dans laquelle il se trouve.

Étapes à franchir pour mener à bonne fin cet essai d'évaluation

À la lumière de la description des buts du programme de  formation et des instruments de mesures qu'on peut développer,  nous sommes maintenant capable d'esquisser les grandes étapes à  parcourir pour réaliser un premier essai d'évaluation.

Un tel projet ne peut être réalisé sans la collaboration de  ceux qui bénéficient du programme de formation et sans le support financier des organismes qui s'intéressent à la promotion de  la recherche et à la progression de la connaissance dans les sciences psychosociales.

Les résultats obtenus pourront permettre un réajustement plus  objectif et plus rapide des programmes en fonction des objectifs  poursuivis et des besoins des participants. Cette évaluation pourra  fournir des normes de progression constante.

Les techniques d'évaluation elles-mêmes pourront devenir  des outils de formation adaptables à toutes ces phases du programme.

Les activités régionales

Robert Robitaille

Les activités régionales au CDE

1        - LEUR RAISON D'ÊTRE

Le Centre est nettement présenté dans ce Cahier comme un  mouvement de formation et de promotion du dirigeant d'entreprise. On se plaît à dire qu'il a à son crédit bien des réalisations,  mais aussi une pensée structurée qui éclaire ses réalisations passées et oriente son action présente et future.

Son souci constant est de transcrire sa pensée dans des actions  concrètes à tous les niveaux. Le CDE incarne son esprit dans  des activités globales de représentation et de consultation qui  le poussent à mener à bien des travaux de recherches approfondies et à faire valoir des politiques patronales qui le mettent à  l'avant-garde comme mouvement. Le CDE incarne aussi sa pensée  dans son programme de formation destiné aux dirigeants d'entre-  prise. Les chapitres précédents en témoignent largement.

Le Centre a cependant le souci principal de traduire sa pensée  dans ses contacts avec ses membres et à travers les services qu'il  est appelé à leur rendre. C'est ici que s'inscrivent les activités  régionales qui ont pour but de mettre sur pied les programmes qui  répondent le mieux aux besoins divers des dirigeants d'entreprise  dans leurs milieux et d'établir un joint vital entre les membres et  l'organisme central qui les unit.

2        - LA SITUATION

Le lecteur le sait sans doute, mais peut-être est-il opportun  de le rappeler : le Centre compte environ 500 entreprises membres  qui délèguent plus de 800 représentants. Ces membres sont groupés  dans huit sections appelées « régionales ». Ces régionales regroupent des dirigeants d'entreprise de l'industrie, du commerce et  des services, qu'ils soient de la petite, moyenne ou grande entreprise. La grande entreprise y est présente, mais se trouve évidemment en minorité.

 Chaque année, les membres de chacune des régionales élisent  un bureau de direction, chargé d'administrer les affaires de la  régionale. Le président et un directeur de chacune des régionales  sont délégués au Conseil d'administration central, qui lui-même  nomme les membres de l'Exécutif.

Ces bureaux de direction rassemblent les leaders du milieu et  jouissent d'une assez grande autonomie. Cette autonomie n'est  limitée que par les décisions ou orientations du Conseil d'administration, où d'ailleurs chacune des régionales est représentée. La  structure est donc tout à fait démocratique et ne freine en rien  le dynamisme qui doit être généré dans chaque groupe régional.

Il faut noter que les critères géographiques qui ont présidé  à la formation des huit régionales actuelles sont bien antérieurs  à ceux qui ont présidé à la formation des régions et sous-régions  économiques que nous connaissons depuis quelques années. Si  la nécessité s'en faisait sentir, il pourrait sans doute y avoir  révision des territoires en fonction des régions économiques, mais  les divisions actuelles semblent encore très utiles et adaptées à  la situation.

Le lecteur se demandera sans doute quelles régions sont  couvertes actuellement par le Centre et où sont constitués ces  noyaux que sont les régionales. Pour être bref, nous nous contenterons d'énumérer chacune des régionales, tout en mention-  nant, à titre indicatif, les principales villes englobées :

—        Régionale de Montréal :

Montréal et la région métropolitaine

—        Régionale de Richelieu - Yamaska :

St-Hyacinthe - Sorel – Granby

—        Régionale des Bois - Francs :

Drummondville - Victoriaville - Plessisville - Daveluyville  -  Nicolet

—        Régionale de la Chaudière :

Thetford - Mines et les comtés de Beauce et Frontenac

—        Régionale de la Mauricie :

Trois-Rivières - Shawinigan - Grand-Mère – LaTuque

 —       Régionale de Québec :

Québec et la région métropolitaine - Lévis - Bellechasse – Montmagny

—        Régionale du Bas St-Laurent :

Rivière - du - Loup   -   Rimouski   -   Mont - Joli   - Matane

—        Régionale de Saguenay - Lac St-Jean :

Chicoutimi - Jonquière — Kénogami — Alma -Roberval - Dolbeau

Quelques membres du CDE se trouvent en outre disséminés  dans des territoires non organisés.

On l'aura constaté, le Centre n'atteint pas les dirigeants  d'entreprise de toute la Province. Certains affirment qu'il gagne-  rait à s'étendre et à être mieux connu. Nous ne pouvons que  partager cette opinion qui, pour nous, est un objectif à long  terme.

Le vocable « activités régionales » vient tout simplement du  fait que des rencontres et des activités de types divers sont organisées régulièrement à l'intention des groupes régionaux. L'affectation récente de deux conseillers permanents à plein temps pour  soutenir les structures régionales, a donné naissance au « service  d'activités régionales ».

Ce service s'efforce de nouer des liens vitaux entre le Centre  et ses membres groupés selon les régions et représentés par le  bureau de direction. Le Centre aurait certainement peu d'impact  dans notre société, si sa pensée et ses réalisations n'étaient diffusées à travers ses membres, comprises et appliquées à l'intérieur  des entreprises, et dans le milieu.

C'est au service d'activités régionales que revient la tâche  d'informer les membres des recherches entreprises par le CDE,  des représentations et des prises de position, des divers programmes en cours et de leur évolution. Les membres sont aussi mis  au courant de ce qui se passe dans les autres sections régionales.

C'est en outre à lui qu'il revient d'établir des réseaux de  consultation plus ou moins formels. Cette consultation se fait à  travers les canaux ordinaires de communication, mais plus particulièrement au cours des assemblées générales ou du bureau de  direction. Parfois même, se tiennent des assemblées interrégionales pour mettre en commun les réalisations, pour évaluer ces dernières et pour déterminer des orientations pour l'avenir. Ainsi,  récemment, les directeurs de toutes les régionales étaient conviés  à une session d'études pour réexaminer les objectifs, les structures,  les programmes et les orientations futures du Centre. Il en est  sorti des recommandations très positives qui, après étude, seront  soumises au Conseil d'administration et à l'Assemblée générale.

Cependant, cette information et cette consultation des membres seraient bien impuissantes si elles n'étaient complétées par  la recherche constante des besoins des dirigeants d'entreprise, de  l'évolution de l'entreprise, des problèmes propres à chacune des  régions. Cette recherche, alliée à la consultation constante des  membres, permet d'éclairer de façon plus objective les programmes en cours, de tenter une évaluation sommaire, et d'apporter  des corrections pour que les programmes collent davantage à  la réalité et répondent plus adéquatement aux besoins.

3 - LES OBJECTIFS POURSUIVIS

A.-FORMATION SOCIO-ÉCONOMIQUE

Notre époque est caractérisée par la rapidité de l'évolution  dans tous les domaines, évolution qui s'apparente parfois à la  révolution. Notre société québécoise est loin d'échapper à ce  phénomène; elle est marquée de changements significatifs à tous  les niveaux : politique, économique et social. Des pressions, souvent contradictoires, remettent sans cesse en cause ce qui existe.  Qu'il s'agisse de l'évolution du rôle de l'Etat, de celui des corps  intermédiaires, de celui de l'entreprise, ou des mécanismes de la  vie économique et sociale, cette évolution implique directement le  chef d'entreprise et ne doit pas se faire sans lui. Le dirigeant  d'entreprise joue dans notre société un rôle de premier plan :  selon qu'il sera efficacement présent ou non à cette évolution,  elle jouera pour ou contre lui.

Il importe donc pour un mouvement comme le CDE de se  préoccuper de répondre aux besoins des dirigeants d'entreprise  dans le domaine socio-économique, afin de leur faciliter la prise

 en charge de responsabilités importantes et de canaliser leur  action commune, comme groupe patronal. A cette fin, notre préoccupation première est de faire l'inventaire des besoins réels  des dirigeants d'entreprise en matière socio-économique et d'établir un ordre de priorité dans ces besoins à satisfaire.

Ensuite seulement peut être mis en oeuvre un processus de  formation socio-économique par lequel le dirigeant d'entreprise  prend conscience des problèmes économiques et sociaux reliés  à la vie de l'entreprise dans ses rapports avec l'ensemble de la  société, acquiert les connaissances nouvelles appropriées à la solution de ces problèmes et s'engage dans des actions positives pour  faire évoluer la situation et résoudre les problèmes.

C'est d'abord ce premier objectif de formation socio-économique que vise le service d'activités régionales.

B. - PROMOTION DU DIRIGEANT D'ENTREPRISE

Nous sommes convaincus que c'est d'abord à une promotion  de la personne qu'il faut viser. C'est pourquoi nous en faisons  un objectif particulier. Attendre de la personne qu'elle retrouve  le sens de ses responsabilités et offre sa collaboration à l'oeuvre  économique et sociale exige d'abord qu'on l'aide à prendre conscience de sa dignité de personne libre et, en l'occurrence, pour  le dirigeant d'entreprise, de la dignité de la fonction patronale  qu'il exerce.

C'est un fait, la fonction même de chef d'entreprise, ou  d'homme d'affaires en général, a trop longtemps été considérée  dans notre société comme une fonction secondaire, dépourvue de  dignité réelle. Se dirigeaient vers les carrières des affaires ceux  qui ne pouvaient pénétrer dans les carrières classiques : médecine, droit, génie... Pour une bonne partie de l'opinion publique,  les patrons furent souvent assimilés à des profiteurs, ou tout au  moins à des gens qui ont surtout développé leur habileté à  s'enrichir...

Ajoutons à cela des facteurs comme la domination économique étrangère et les lenteurs du progrès de l'éducation au Québec,  et nous pourrons cerner quelques causes de la pénurie d'hommes  d'affaires compétents, capables d'assumer des postes de haute direction. Le Québec a longtemps  souffert de cette situation,  même si elle tend maintenant à se résorber.

Tel est le second objectif poursuivi par le service d'activités  régionales : revaloriser par tous les moyens le dirigeant d'entreprise à ses propres yeux et aux yeux de ses partenaires dans  la construction de notre société. Par son initiative, sa compétence  et son sens des responsabilités, le dirigeant d'entreprise, et par  extension tout administrateur, est appelé à jouer un rôle important dans la vie économique et sociale.

C. - DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

Chaque région a ses problèmes particuliers et les disparités  régionales en matière de développement économique sont parfois  très apparentes. Les chefs d'entreprise en sont conscients. Mais  ils sont aussi conscients que leur action, prise isolément, a peu  de chance d'être réellement efficace. Si, cependant, leurs énergies  sont canalisées à l'intérieur d'un mouvement comme le CDE,  elles ont plus de chance d'être efficaces et d'apporter les résultats  attendus. Le CDE, à travers son service d'activités régionales,  entend favoriser la prise en charge des problèmes régionaux par  les personnes mêmes du milieu et les supporter le plus efficacement possible dans leur action.

Certes, nos actions ne peuvent s'attaquer de front au développement régional dans son ampleur. C'est plutôt là le rôle  des organismes de concertation, tels les Conseils Économiques  Régionaux. Il s'agit plutôt pour nous d'apporter une collaboration positive à ces organismes ou, dans certains cas, de réaliser  des expériences pilotes, de nature à attirer l'attention sur certains  problèmes importants et à initier un mouvement qui puisse ensuite  prendre de l'envergure.

Les activités présentes

1 - NOTRE APPROCHE

Nos actions, qui visent à la formation socio-économique, à  la promotion des dirigeants d'entreprise et au développement  régional, si intimement liées qu'elles puissent être à l'exploitation  des ressources d'une région, se fondent essentiellement sur les  ressources humaines.

Notre rôle, du moins nous le pensons, ne consiste pas à  trouver des solutions concrètes à tous les problèmes. Il consiste  plutôt à faire la coordination des ressources humaines, à organiser  des groupes, à les animer. Chaque personne est amenée, à l'intérieur du groupe, à prendre de plus en plus conscience de ses possibilités et de ses ressources, à identifier par elle-même la situation et les problèmes, à rechercher des solutions selon des méthodes  objectives et rationnelles, à utiliser les ressources et les services  à sa disposition, à prendre les décisions que la situation impose  et à s'organiser pour l'action.

Dans cet esprit, le rôle des conseillers aux activités régionales  est de stimuler, soutenir et coordonner les actions initiées par les  leaders du milieu. Plusieurs de ces leaders se retrouvent au sein  des bureaux de direction de chacune des régionales. Notre rôle  n'est pas de faire le travail, ce qui irait à rencontre de nos objectifs. Notre rôle est plutôt « d'organiser », c'est-à-dire d'amener  les groupes à se former, à se réunir et à accomplir une action  efficace; cela en fournissant aux groupes régionaux les services  nécessaires : recherche, animation, secrétariat, relations publiques.

2 - RESPONSABILITÉS DES LEADERS DU MILIEU

Le bureau de direction de chaque régionale est le centre  nerveux des activités. C'est là qu'on retrouve les leaders du milieu  qui ont été élus par les membres en vue d'administrer les affaires  de chaque régionale.

Leur rôle est de concevoir, administrer et réaliser, de concert  avec le conseiller permanent qui y est affecté, un programme  d'activités répondant aux objectifs énoncés plus haut, en tenant  compte des besoins et des intérêts particuliers des dirigeants  d'entreprise de chacune des régions.

Des suggestions précises concernant des thèmes à l'étude,  des types d'assemblées, des formules d'animation et des actions à  entreprendre, sont soigneusement préparées par les conseillers  du service. Au début de chaque année, le bureau de direction se  réunit pour décider de l'orientation des activités, établir une programmation précise et s'organiser pour l'action. Chaque régionale  est libre de construire son propre programme et de choisir ce qui  lui convient dans les suggestions préparées par les conseillers.  L'essentiel est que le programme adopté colle le plus possible  aux besoins prioritaires du milieu.

Les tâches sont ensuite réparties et assumées tout au cours  de l'année par plusieurs directeurs : organisation des activités,  recrutement, finances et relations publiques. Cela permet d'assurer  une large participation des membres et une utilisation optimale  des ressources du milieu.

Les directeurs sont enfin amenés à évaluer les programmes et  les actions en cours de réalisation, à examiner leur portée sur  les membres et le milieu et à mettre en oeuvre, s'il y a lieu,  les correctifs nécessaires.

Ce sont en somme ces leaders du milieu qui font la force  d'un mouvement comme le CDE, si l'on sait tirer avantage de  leur connaissance du milieu et de leur dynamisme.

3-TYPES D'ACTIVITÉS

Nos activités de groupe utilisent présentement, à des degrés  divers, trois formules : visite industrielle, déjeuner-dialogue et  journée d'étude.

Il n'est certes pas utile de décrire ici en détail le déroulement  et l'organisation d'une visite industrielle. Il faut cependant signaler  qu'elle nous semble profitable en autant que l'objectif de la visite  est bien choisi et énoncé de façon précise. Visiter une entreprise  revêt presque toujours un certain intérêt, mais la visite est beaucoup plus intéressante et profitable lorsqu'elle est orientée dans  un but précis qui peut être l'illustration d'une idée nouvelle,  ou d'une trouvaille administrative qui a donné à l'entreprise un  succès renouvelé. Ce peut être aussi la recherche de la solution  d'un problème particulier à une entreprise.

À cet effet, chaque visite industrielle est en général précédée  d'une explication sommaire des divers aspects de l'entreprise :  historique, organisation, production, marchés, etc. La visite se fait  ensuite par petits groupes de huit personnes au maximum. Elle est

 finalement couronnée par un forum où chacun peut poser les  questions qu'il désire, faire les observations appropriées ou pour-  suivre une discussion en regard de l'objectif de la visite.

Le déjeuner-dialogue ou souper-forum est aussi fréquemment  utilisé pour l'information et la discussion sur des questions socio-économiques. L'assemblée coïncide alors avec le repas et les participants sont réunis, autant que possible, en tables rondes de sept  ou huit personnes. Ce souper, qui favorise les échanges inter-  entreprises, est suivi d'une causerie d'au plus trente minutes par  un spécialiste invité ou par un des membres. Puis, la discussion  s'engage, où chacun peut rechercher des informations supplémentaires ou poursuivre le dialogue avec le conférencier et ses collègues. L'objectif recherché est la participation la plus active de  chacun, en vue de l'assimilation réelle de l'information et de la  création d'un véritable dialogue où chacun peut s'exprimer.

En maintes occasions, nous combinons dans la même journée  une visite industrielle et un déjeuner-dialogue. Cela permet d'économiser du temps et d'être plus efficace. Cette formule combinée  est spécialement utilisée lorsque c'est le chef de l'entreprise visitée  qui prononce lui-même la causerie, ou lorsque le sujet du souper-causerie est directement relié à l'objectif de la visite industrielle.

Enfin, le temps est souvent une limite paralysante lorsqu'on  veut traiter un sujet de façon plus étendue et approfondir suffisamment les questions pour prendre les résolutions qui s'imposent. La journée d'étude permet alors d'atteindre cet objectif et  facilite la participation d'un plus grand nombre de personnes.  Elle nécessite cependant une organisation plus soignée et la mise  en oeuvre de techniques d'animation plus poussées, qu'il n'est pas  nécessaire de décrire ici parce qu'elles sont déjà connues du lecteur.

4-APERÇU DES PROGRAMMES

Sans remonter loin dans l'histoire, il suffira, pour donner une  idée des programmes, de mentionner que la plupart de nos activités de 1966-67 ont porté sur le thème des relations patronales-  ouvrières. Le CDE a toujours été reconnu pour ses idées avant-gardistes en ce domaine. Les sujets à l'étude se sont succédés

 dans un ordre logique de façon à couvrir les problèmes les plus  importants et à les considérer dans leurs interrelations. Plusieurs  spécialistes, tant de l'intérieur que de l'extérieur du CDE, ont  collaboré à la réalisation de ces programmes. Une expérience  particulière vaut d'être soulignée : quelques sujets, par exemple  celui portant sur les comités ouvriers-patronaux, ont été traités  successivement par un représentant patronal et syndical. Cela a  permis, dans bien des cas, d'illustrer la différence de pensée,  mais aussi de faire des découvertes intéressantes et de favoriser  un dialogue plus ou moins facile en d'autres circonstances.

Quant à l'année qui vient de s'écouler, chacune des régionales  fut amenée à bâtir son programme propre. Les intérêts de plusieurs se sont cependant concentrés sur l'évolution de la petite  et moyenne entreprise dans le contexte québécois : étude du contexte économique, organisation, financement, production, création  de marchés, conditions d'expansion et voie d'avenir. Une autre  régionale a coiffé de ce titre ses activités touchant divers sujets  d'ordre administratif et communautaire : « Les dirigeants d'entreprise s'interrogent ! » Enfin, une régionale a conçu un programme  pour trois ans sous le thème de la formation du dirigeant d'entreprise. La première année a porté sur la situation du dirigeant  d'entreprise dans le milieu québécois.

Plusieurs régionales ont en outre entrepris de collaborer avec  les Conseils Economiques Régionaux. Il faut, à cette occasion,  signaler des initiatives plus poussées. Ainsi, au Saguenay – Lac-St-Jean, le CDE a participé de très près à la mise sur pied et au  fonctionnement d'un comité de relations patronales-ouvrières.  Ce comité tente d'être un terrain de rencontre et de dialogue  entre représentants patronaux et syndicaux. Une déclaration commune de principes sur la collaboration patronale-ouvrière a fait  l'objet de travaux et d'échanges réciproques qui ont donné des  résultats positifs en vue d'améliorer le climat des relations patronales-ouvrières dans cette région.

Dans la régionale du Bas-St-Laurent, une collaboration a été  initiée avec le Conseil Régional de Développement de la région  pilote. Il était essentiel que les dirigeants d'entreprise de la région  soient sensibilisés aux implications du plan du BAEQ, qu'ils  soient au courant des intentions  du gouvernement concernant

 l'avenir économique de la région et qu'ils fassent entendre leur  voix au moment opportun. Le CDE a donc collaboré avec le  CRD au niveau de l'information et de la sensibilisation des  hommes d'affaires aux implications du plan. Cela, en organisant  des causeries et des échanges de vue dans les clubs sociaux de  la région, et en favorisant le regroupement des hommes d'affaires  selon divers secteurs d'intérêt. Maintenant que l'entente fédérale-provinciale pour le développement de cette région est conclue,  il faut mettre en oeuvre un plan d'action, nécessaire pour la participation intense des hommes d'affaires à la réalisation des objectifs. Sans leur concours, il serait certainement illusoire de prévoir  un relèvement économique de la région.

Essai d'évaluation

Plusieurs membres du CDE se plaisent à souligner le dynamisme de plusieurs régionales et le progrès accompli. Plusieurs  autres nous font part du profit qu'ils ont retiré à participer à nos  rencontres régionales : acquisition de nouvelles connaissances lors  de nos soupers-forums, découverte d'idées nouvelles applicables  dans leur entreprise lors de visites industrielles, rencontre de  personnes inconnues lors de nos assemblées, échanges inter-entreprises, etc.

Nous pourrions multiplier les témoignages de ce genre, mais  il n'est guère opportun de se lancer ici des fleurs. Nous allons  plutôt tenter une évaluation subjective de nos activités en fonction des buts énoncés plus haut, aucune mesure objective n'étant  disponible pour évaluer l'impact de nos activités sur le milieu.

Il faut d'abord mentionner un certain nombre de difficultés  constantes, outre les limites de connaissances, d'expérience et de  disponibilité des conseillers. Nous devons constater d'abord que  les objectifs énoncés, soit la formation socio-économique, la promotion du dirigeant d'entreprise et le développement régional,  sont parfois loin des préoccupations quotidiennes de nos membres, aux prises avec des tâches administratives très exigeantes.  Il est alors difficile d'obtenir une motivation profonde à l'égard  de ces objectifs, qui n'ont d'ailleurs pas été énoncés avec assez  de clarté. De plus, à cause des fortes disparités régionales, il existe

 une réelle difficulté à concevoir des activités qui répondent aux  besoins communs des membres de plusieurs régions, et partant,  de planifier même à court terme l'organisation de ces activités.  Enfin, l'éventail de besoins à satisfaire étant très vaste, nous ne  pouvons nous attaquer à tous en même temps et il n'est pas  facile d'établir un ordre de priorité. Cela, d'autant moins que les  besoins réels ne correspondent pas toujours aux besoins ressentis  et exprimés, et que la responsabilité de décision est partagée.

En ce qui regarde la formation socio-économique, notre action  n'a guère dépassé le stade de la sensibilisation et celui de l'acquisition de connaissances nouvelles. Plusieurs de nos activités se  sont rapportées directement à l'information. Il faut toutefois  remarquer que cette information fut souvent abondante et de  qualité. Cependant, peu d'actions concertées ont découlé de nos  activités. Il s'est agi plutôt d'actions d'individus dynamiques et  éclairés.

La promotion du dirigeant d'entreprise est constamment poursuivie par les activités globales de représentation du CDE.  Même au niveau régional, cependant, nous pouvons dire que  nos rencontres ont permis, en général, de projeter une image  nouvelle du dirigeant d'entreprise devant lui-même et l'opinion  publique. Une certaine amélioration de nos relations publiques  a favorisé de façon concrète la revalorisation de la fonction de  dirigeant d'entreprise.

Quant au développement régional, nous avons déjà signalé  plusieurs amorces de collaboration avec les Conseils Économiques  Régionaux. Dans quelques cas, cette amorce a été suivie de résultats positifs. Il faut reconnaître toutefois que peu d'actions poussées et persévérantes ont été menées à terme. Il fallait sans doute  un départ !...

Jalons d'évolution

Malgré cette évaluation qui n'est certes pas très louangeuse,  mais se veut critique, les activités régionales ont cependant pris  un nouveau départ en créant un renouveau de dynamisme dans  les groupes régionaux et en redéfinissant leurs objectifs et leurs  moyens d'action.

 Ces objectifs étant maintenant fixés, — ils sont énoncés dans  la première partie de cet article, — il nous apparaît désormais  prioritaire de procéder à un inventaire plus systématique de la  situation de chacune des régions en vue d'identifier les besoins  réels qui sont parfois très différents des besoins ressentis ou exprimés par l'ensemble des dirigeants d'entreprise. Nous nous proposons d'abord de recueillir tous les renseignements sur la situation  de chacune des régions, déjà colligés par des organismes de concertation, tels les Conseils Economiques Régionaux. Puis, nous  envisageons de faire des sondages personnels dans les entreprises,  selon une sélection préétablie et un questionnaire traduisant nos  préoccupations majeures. Nous espérons, au terme de ce double  processus, être en mesure de mieux identifier les besoins réels et  de dresser un ordre de priorité dans ces besoins à satisfaire.

Nous sommes cependant conscients que cette enquête requiert  beaucoup de temps et que nous ne pouvons interrompre les  actions déjà entreprises. Nous devrons donc mener de front cette  enquête et continuer nos activités. Mais ces activités elles-mêmes  ont besoin d'être rénovées, tant dans leur conception que dans  leur organisation. Nous nous proposons donc de mettre sur pied  des activités spécifiques d'un type nouveau, tout en maintenant  nos activités actuelles les plus efficaces. Ces programmes pilotes,  tels une semaine du patron, des « Jours du CDE », certaines  expériences de regroupement de services, seront préparés avec  soin et soumis à chacun des groupes régionaux. Et, étant donné  qu'ils pourront être identiques pour plusieurs régionales, cela en  facilitera beaucoup l'organisation qui pourra être davantage  soignée et revisée périodiquement.

À l'intérieur même de chaque régionale, nous projetons une  organisation beaucoup plus efficace, en collaboration avec les  bureaux de direction. Chaque président pourra être assisté de  trois vice-présidents chargés de tâches spécifiques telles que :  organisation, recrutement et relations publiques, ainsi que d'un  secrétaire-trésorier. Chacun de ces vice-présidents pourra s'entourer d'une équipe fonctionnelle en vue de la participation la  plus large et la plus effective des membres à l'organisation de  nos activités. Les conseillers pourront alors être dégagés de tâches  trop immédiates et fournir de meilleurs services pour lesquels

 ils sont préparés, spécialement dans le domaine de la recherche  et de l'animation.

Il ne faut pas présumer trop vite de l'avenir, mais ces étapes,  que nous nous proposons de franchir, nous conduiront peut-être  à la mise en oeuvre d'un véritable programme de formation socio-économique. Ce programme intégré est l'objectif auquel nous  tendons. L'évaluation sérieuse de chacune de nos expériences,  menée de pair avec la recherche auprès d'organismes extérieurs,  pourra sans doute nous permettre de réaliser ce que certains qualifient de rêve, mais qui en fait serait le complément nécessaire  du programme de formation administrative déjà dispensé par  le CDE.

L'esprit des activités régionales et l'éducation des adultes

L'esprit des activités régionales est de promouvoir par des  activités concrètes la prise en charge par les dirigeants d'entreprise de leurs responsabilités socio-économiques et de les soutenir  dans leur action.

Chacune des actions, prise isolément, a certainement peu  d'impact. Mais l'esprit qui les anime toutes ne laisse pas de promouvoir un changement profond de la mentalité patronale. Et  c'est ici que nous rejoignons les objectifs globaux du CDE :  réforme des structures et des mentalités, union de l'économique et  du social, organisation professionnelle, développement socio-économique.

Nos activités sont conçues dans un esprit de prospective et  essentiellement orientées vers l'avenir. C'est par nos actes d'aujourd'hui que nous construisons la société de demain. Les groupes  régionaux, vitalisés de l'intérieur, sont de plus en plus préoccupés  de penser et d'agir en fonction de l'avenir.

Est-ce là de l'éducation des adultes ? Tout dépend de la définition qu'on en donne. Pour nous, l'éducation des adultes n'est  autre chose que ce processus par lequel la personne devient consciente à la fois de ses potentialités et de ses besoins, acquiert

 les connaissances nouvelles nécessaires pour s'adapter à des situations nouvelles, et pose les actes appropriés à la situation.

Si l'on s'accorde avec cette définition, c'est là la description  même de l'approche du service d'activités régionales. Au lecteur  de conclure, et peut-être de se joindre à nous dans cette oeuvre  de construction de la société nouvelle.

Activités de consultation et de représentation

Ghislain Dufour

Nature du service

1 - OBJECTIFS

Défini en termes de mouvement d'action et de promotion  socio-économique des dirigeants d'entreprise, le CDE se préoccupe d'analyser l'état de nos institutions et de jouer un rôle  actif dans l'application des solutions appropriées.

De cette définition du CDE, deux objectifs fondamentaux  ressortent et viennent justifier la raison d'être d'un service consacré spécifiquement aux activités de consultation et de représentation. Ces deux objectifs, qui dans la pratique n'en forment  qu'un, sont 1) l'élaboration de politiques patronales cohérentes et  2) la participation du dirigeant d'entreprise à l'élaboration de ces  politiques. Il s'agit là de deux objectifs auxquels un mouvement  patronal ne saurait se soustraire dans le climat d'isolement qui  prévaut au Québec, tant au niveau de l'entreprise qu'à celui des  secteurs professionnels.

Le CDE croit que toute promotion socio-économique du dirigeant d'entreprise n'est possible que si la réussite particulière d'un  dirigeant trouve à s'insérer dans un cadre plus vaste, soit celui du  milieu dans lequel il vit. Or, pour répondre à ses attentes, le dirigeant a besoin d'un organisme qui se préoccupe au-delà, mais  avec l'entreprise individuelle, de la solution de problèmes à  laquelle il ne saurait lui-même s'astreindre pleinement. Le dirigeant d'entreprise a également besoin de se sentir solidaire d'un  organisme qui peut regrouper toutes les énergies disponibles, afin  de refondre dans des lignes de pensée et d'action toutes les actions  personnelles qui seraient peut-être autrement vouées à l'échec.

Il a besoin, en somme, même si ce besoin n'est parfois que  latent, qu'à des problèmes patronaux un organisme apporte des  solutions claires et nouvelles. Qu'il s'agisse d'attitudes à prendre  vis-à-vis le syndicalisme, de dialogue ou de mode de collaboration  à engager à différents paliers, d'actions concertées à entreprendre  dans le domaine économique, de prises de position à formuler  sur des problèmes politiques ou autres, le dirigeant d'entreprise  doit pouvoir compter sur des politiques patronales bien définies.

 Le service des activités de consultation et de représentation à  l'intérieur du CDE se veut donc une réponse à ces besoins de  représentation et de consultation du dirigeant d'entreprise.

2-MOYENS DONT LE SERVICE DISPOSE

Quelques outils sont à sa disposition. Il s'en sert avec le plus  de souplesse et d'efficacité possibles.

Cette diffusion systématique des prises de position du CDE à  divers paliers, (gouvernements — corps intermédiaires — ensemble des membres — public, etc.) se fait par l'utilisation des techniques habituelles propres à tout programme de relations publiques.

 Nous retrouvons toutefois ici, lorsque l'on parle de relations  publiques, une dimension très importante qui est à la base de  certaines activités du CDE. Ce dernier en effet s'efforce d'agir  sur les mentalités, sur les structures, les institutions, en somme  sur le milieu-cadre dans lequel évolue le dirigeant d'entreprise.  Il ne peut entreprendre cette action qu'avec la participation du  dirigeant d'entreprise lui-même, même si ce dernier n'est pas  toujours immédiatement prêt à épauler un mouvement dont les  résultats ne se traduisent qu'à long terme.

Le CDE, par définition, se doit en outre d'être à la fine pointe  du progrès, d'innover, de précéder le changement, de formuler  des politiques en fonction de l'avenir. Si déjà toute innovation a  pour effet de déranger sinon de troubler, le fait d'accoler l'innovation au futur ne facilite pas une meilleure réceptivité.

Il incombe donc aux activités de représentation :

Le Service de consultation et de représentation, tel que décrit,  existe donc en fonction stricte de l'élaboration et de la mise en  oeuvre de politiques patronales cohérentes orientées vers l'amélioration du présent et la préparation de l'avenir.

Le cadre de référence

1 -HÉRITAGE DU PASSÉ

Ce rôle de consultation et de représentation, même s'il fait  aujourd'hui l'objet d'activités mieux structurées, le CDE l'a assu mé tout au cours de son histoire. Les prises de position actuelles  s'inscrivent dans une ligne de pensée qui a sans cesse évolué en  fonction de l'avenir.

Cette ligne de pensée se retrouve assez bien résumée dans  ces commentaires du directeur général du CDE consignés au  rapport général du Centre des Dirigeants d'Entreprise pour  l'année 1966. On y lit ceci :

« Le présent rapport n'a pour objet que de rappeler les pré-  occupations majeures du CDE, qui furent celles de l'API depuis  sa fondation : l'homme, et en premier lieu, le dirigeant, en sa  qualité de responsable d'une unité de travail; l'entreprise, source  de richesses matérielles et humaines; l'organisation patronale,  expression et support, à la fois, de l'unité et de la pensée d'une  élite économique... ces trois éléments étant tournés vers le bien  commun, vers la formation d'une société dans laquelle l'homme  puisse prendre toute sa dimension. La logique de cette position  traditionnelle du CDE est indiscutable. Mais pour que ces principes se réalisent dans les faits, il ne suffit pas de réfléchir et de  prêcher, il faut accentuer l'action... »25

Le rapport ne fait nullement mention des actions concrètes  qui dans le passé ont tenté de traduire ces réflexions. Il ne saurait  être question de s'attarder ici à cette recherche. Il apparaît opportun toutefois d'en indiquer quelques-unes. Qu'il s'agisse des inter-  ventions du CDE lors de la refonte des lois du travail en 1964;  de la qualité de son service de relations industrielles; de ses préoccupations dans le domaine politique et/ou constitutionnel  comme l'a démontré son mémoire sur le bilinguisme et le biculturalisme présenté à la Commission royale d'enquête nommée à  cet effet; de ses préoccupations également dans le domaine économique (étude sur les comités paritaires, banque d'expansion industrielle, organisation professionnelle, rôle de l'Etat, etc.); de la  qualité des thèmes de ses congrès annuels; autant d'actions concrètes, entre des dizaines d'autres, qui ont caractérisé le rôle  avant-gardiste passé du CDE.

Ce rôle, tel que sommairement décrit et référant aux trois  éléments mentionnés (l'homme — l'entreprise — l'organisation professionnelle), n'a pas été assumé sans résultats véritables. Son  évaluation qualitative, tant sur l'homme que sur l'entreprise ou  l'organisation professionnelle, n'est pas facile, mais certains témoignages parlent d'eux-mêmes. Celui, par exemple, d'un haut fonctionnaire : « Les gens qui réfléchissent considèrent le CDE comme le mouvement patronal qui 'pense son action' ». Ou encore  ce témoignage d'un spécialiste bien connu : « A Ottawa, on s'étonne que le CDE ait réussi à faire accepter l'idée du Conseil du  Patronat en aussi peu de temps. » Nous ne pourrions ignorer également cette opinion de M. J. Réal Cardin, directeur du Département des relations industrielles de l'université Laval, qui affirmait  dans une étude préparée pour le colloque national sur les relations  ouvrières-patronales tenu les 21 et 22 mars 1967, sous l'égide du  Conseil Economique du Canada : « L'Association professionnelle  des Industriels, au Québec, s'est intéressée à ces problèmes depuis  quelques années par toutes sortes d'initiatives qui la placent vraisemblablement à l'avant-garde au sein du monde patronal au  Canada en ce domaine. »26

2 - DU PASSÉ AU PRÉSENT

Qualifié de telle façon par ces différents témoignages, on ne  saurait mettre en cause la valeur du rôle passé du CDE. On ne  saurait lui tracer un avenir tellement différent de celui qu'il a  assumé à date. Les orientations présentes sont le prolongement de  celles du passé. Tout au plus, les hommes ont changé, les approches sont différentes, les mécanismes de réalisation sont adaptés  aux situations actuelles.

Ce prolongement du rôle passé identifié dans le présent s'effectue donc de la façon suivante :

3 - SPHÈRES D'ACTIVITÉ

La réalisation pratique des objectifs du CDE, de son rôle  communautaire, n'est possible que si les activités de consultation  et de représentation du CDE réfèrent dans l'action concrète à  des sphères de préoccupation bien identifiées. Ces sphères de préoccupation, choisies pour leur importance dans la vie de l'entre-  prise, sont les suivantes :

Il est bien évident que tout problème d'intérêt patent pour  le monde patronal en général, même s'il ne s'inscrit pas automatiquement dans l'une ou l'autre des sphères mentionnées, retiendra

 l'attention du CDE qui y consacrera le temps et les énergies disponibles.

A.-RELATIONS DE TRAVAIL

Les activités, à l'intérieur d'une dimension comme celle des  relations de travail, peuvent être très diversifiées. Il devient alors  nécessaire de se raccrocher à certains énoncés de principe qui  vont constituer dans le temps et dans les modalités certains  cadres de référence habituels. Nous aimerions citer deux de ces  énoncés :

« Les lois actuelles sont empreintes des souvenirs d'une époque en grande partie révolue, où l'ouvrier était exploité, où l'État  ne lui offrait aucune protection, où il ne pouvait s'appuyer sur  aucun organisme voué à la défense de ses intérêts. Les lois du  travail doivent être repensées dans une optique de productivité,  dans un esprit positif. » (Le directeur général du CDE)  et ce corollaire :

«Sans doute une participation toujours plus grande des travail-  leurs suppose une conception différente de l'entreprise et même de  toute la société économique. Pourquoi faudrait-il que nous vivions  toujours des structures élaborées au siècle dernier, ou même dans  la deuxième moitié de celui-ci ?»27

À la lumière de ces énoncés, choisis entre tant d'autres, il devient possible de déceler certaines idées maîtresses qui constitueront autant de champs d'action du CDE : législation ouvrière,  communications à tous les niveaux de l'entreprise, institutions  actuelles ou à créer, nécessité de mécanismes nouveaux,... etc.

B. - AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Les gouvernements utilisent et utiliseront davantage encore  la politique fiscale comme outil de contrôle et d'orientation des  activités économiques. Les rapports Bélanger au Québec et  Carter à Ottawa ont suggéré des modifications profondes dans  les lois fiscales elles-mêmes, modifications appuyées sur des conceptions parfois surprenantes du bien communautaire.

Si ces questions soulevées dans le domaine de la fiscalité sont  graves, lourdes de conséquences pour l'entreprise et méritent un

 examen approfondi, ce problème de la fiscalité n'en demeure  pas moins pourtant qu'un des aspects économiques du régime  d'entreprise.

Convaincu de la valeur de l'entreprise privée, de son rôle  communautaire, le CDE s'attardera à identifier des problèmes  concrets et à y accoler des solutions possibles : parité des salaires,  zones économiques, fusion d'entreprises, utilisation des ressources  disponibles, coordination des efforts trop souvent dispersés, etc.,  etc. ...

C. - QUESTIONS POLITIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

L'avenir économique du Québec est indissoluble de l'avenir  constitutionnel du Canada. Le dirigeant d'entreprise du Québec  ne peut ni ne doit se tenir à l'écart des discussions et des délibérations dont l'avenir constitutionnel du pays fait l'objet. Ce n'est  pas toujours sans cause qu'on accuse le monde patronal d'être  absent du débat. Théoriciens et hommes politiques posent pour  lui les jalons de la route qui sera sienne un jour et personne du  milieu ne semble s'en préoccuper vraiment. On assiste actuellement à une escalade dans les diverses options constitutionnelles,  chacune présentant des vues et des opinions divergentes, chacune  également à la recherche ou déjà en possession d'une partie de  l'opinion publique. Pour le monde des affaires, industrie, commerce, services, pour ce monde qui fournit la presque totalité des  emplois au Québec, le temps n'est plus au haussement des épaules, au hochement de la tête. C'est le temps de s'arrêter, de réfléchir, de discuter.

Le CDE entend toutefois dépouiller le débat de toute sentimentalité, de toute émotivité. Son intérêt est centralisé vraiment  sur le relancement de l'expansion économique du Québec et sur  le rôle que doit y jouer l'entreprise privée. Abordant le problème  des options constitutionnelles par le biais de l'économique, le  CDE entend poser le véritable problème, en substituant aux discussions actuelles l'approche du niveau de vie, du chômage, des  investissements, etc   

 D.       - QUESTIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

Toutes les mesures sociales présentent bon nombre d'aspects  différents, avec des conséquences sociales et économiques souvent  plus ou moins contestées par les hommes d'affaires. Au nom  d'une évolution sociale nécessaire sinon urgente, l'intervention  de l'Etat se fait de plus en plus poussée dans le domaine de la  sécurité sociale; s'interroge-t-on toujours assez sur la nécessité  d'accorder tout au moins le rythme des investissements sociaux  de l'Etat aux ressources économiques disponibles ? L'Etat doit  d'abord tenir compte et en priorité de multiples besoins communautaires auxquels la population seule ne peut répondre.

Le CDE considère que la base même de la satisfaction des  besoins individuels et communautaires repose sur l'expansion économique, et qu'une mesure de sécurité sociale ne doit pas constituer un handicap à sa réalisation.

C'est pourquoi les récentes propositions du rapport de la  Commission Castonguay sur un régime universel et obligatoire  d'assurance-santé ont fait l'objet d'une étude attentive de la part  du CDE, et d'un mémoire présenté au premier ministre du  Québec.

E.         - PRÉOCCUPATIONS DIVERSES

Nous avons déjà mentionné que les quatre sphères d'activité  identifiées réussissent assez bien à coiffer les préoccupations  actuelles du CDE, à l'intérieur de ses activités de consultation et  de représentation. Il n'en reste pas moins que fonctionnant sur-  tout dans ces domaines au moyen de comités dont nous verrons  les structures par la suite, le CDE, toujours à l'intérieur de ce  programme, dépasse parfois ces cadres.

Qu'il s'agisse des problèmes relatifs à l'information dans son  sens le plus général (média d'information, conseil de presse, etc.),  qu'il s'agisse de la collaboration « ad hoc » apportée à certaines  études faites par d'autres corps intermédiaires, etc., le CDE n'en-  tend pas s'isoler dans ce que certains qualifient de chapelle patronale. Préoccupé d'abord et avant tout par les problèmes qui assaillent le régime d'entreprise, il n'en demeure pas moins conscient  des implications de toutes les autres dimensions communautaires.

 4 - COLLABORATEURS

Le Service de représentation et de consultation n'est possible  que par la mise en commun des ressources d'une équipe. Même  si un conseiller est davantage préoccupé par le contenu des activités de ce service et responsable surtout de son « déroulement  fonctionnel », la poursuite des objectifs ne peut être que le lot  d'une collaboration entre individus intéressés à leur réalisation.  Le directeur général consacre, en dehors de ses fonctions normales, une bonne partie de son temps aux activités de ce service.  Les conseillers aux activités régionales y participent également de  façon très active par l'intermédiaire de leurs propres activités de  consultation et de représentation auprès de l'entreprise. Une  quarantaine de dirigeants d'entreprise, par leur collaboration aux  différents comités d'étude, participent à sa réalisation. Le président général demeure toujours un collaborateur très précieux de  ce service.

On ne saurait surtout ignorer les différents membres qui à  un titre ou à un autre représentent officiellement le CDE à l'intérieur de certains organismes permanents ou à l'occasion de certaines circonstances spéciales. Qu'il s'agisse de la représentation  au sein de l'Uniapac (Union internationale chrétienne des dirigeants d'entreprise), de la représentation au sein du Conseil Supé-  rieur du Travail, de représentations « ad hoc », toutes ces différentes participations deviennent, par extension, sinon de façon  directe, une collaboration précieuse à l'ensemble des activités de  représentation.

Activités de consultation

1 - IMPORTANCE

La consultation dans une association comme le Centre des  Dirigeants d'Entreprise est d'une importance particulière. Les  meilleures idées, les meilleures politiques patronales sont handicapées au départ si elles n'ont pas fait l'objet d'une certaine discussion de la part des individus qu'elles impliquent ou impliqueront. Les activités de représentation elles-mêmes, sans être compromises, risqueraient de perdre de leur poids si elles ne devaient  jamais être alimentées ou soutenues par la consultation.

 Cependant, la consultation comporte, en soi, certaines limites.  Entre autres : le temps disponible ou mieux l'urgence de la situa-  tion à laquelle il est nécessaire de répondre, et la nécessité de  projeter en certaines occasions des idées auxquelles ne saurait  rapidement souscrire l'ensemble des « consultés ».

La première limite s'explique assez facilement. Il est en effet  essentiel de s'adapter très souvent au déroulement rapide des  événements. C'est alors en se référant à des objectifs globaux et  à une philosophie bien identifiée (ce qui constitue quand même  une certaine forme de consultation puisque ces objectifs et cette  philosophie ont déjà reçu l'assentiment des membres) qu'il deviendra possible de prendre des positions précises sur des problèmes  donnés. D'ailleurs un mouvement comme le CDE qui ne faciliterait pas cette possibilité d'expression rapide d'opinions risquerait fort de tomber dans un embourgeoisement inefficace.

La deuxième limite présente également des difficultés. En  tant qu'agent de changement soucieux de briser avec un certain  conservatisme, le CDE ne peut dans tous les cas escompter une  adhésion totale de ses membres à certaines de ses opinions. Tenter  de créer d'ailleurs l'unanimité autour de toutes questions (nous  pensons par exemple à un sujet aussi litigieux que celui du droit  de grève dans les secteurs publics) est illusoire. Aucun mouvement, aucune association, aucun parti politique ne peut prétendre  rallier rapidement tous ses commettants sur quelque question que  ce soit.

2-MOYENS DE CONSULTATION

Tous les moyens doivent être utilisés pour appuyer de la façon  la plus représentative possible une opinion à émettre ou une action  à entreprendre. Le CDE procède régulièrement à cette consultation, soit par des contacts personnels (membres de l'exécutif  — chefs d'entreprise — chefs de file — etc.), soit par certains  mécanismes usuels (questionnaires — autres associations —  recherches, etc.); mais il a également établi un mode beaucoup  plus formel de consultation en organisant sur une base permanente différents comités d'étude. C'est à ce dernier mode que nous  nous arrêtons essentiellement ici.

 3-COMITÉS D'ÉTUDE

Le CDE peut actuellement s'appuyer sur la compétence des  membres de quatre comités d'étude agissant à l'intérieur des  quatre sphères d'activité précédemment décrites. Ces comités  sont ainsi identifiés :

Ajoutons à ces quatre comités le projet d'un comité d'étude  sur la définition et le rôle de l'entreprise moderne.

Comme on peut le constater, chaque comité oeuvre à l'intérieur d'un champ d'action bien déterminé. Il reçoit son mandat  global de l'association par ses représentants dûment mandatés.  A l'intérieur de ce mandat général, il structure lui-même son  travail, ses recherches, etc.

Essentiellement, les comités sont des « outils » de travail à  la disposition du CDE. Comme mentionné précédemment, ces  outils ne sont pas exhaustifs, en ce sens que le CDE se doit  « d'inventorier » et d'utiliser toute autre ressource disponible afin  d'atteindre ses objectifs.

Chaque comité a un caractère strictement consultatif auprès  du mouvement. Selon des mécanismes qui restent encore à roder,  les conclusions et/ou recommandations d'un comité d'étude peuvent ou non être remises aux bureaux de direction régionaux pour  fins de consultation.

Chaque comité d'étude est formé d'un nombre assez restreint  de participants (8 à 15) de façon à permettre une utilisation optimale des ressources. Ces comités sont composés :

4 - FONCTIONNEMENT

Le fonctionnement de chaque comité est assuré par un président, secondé du conseiller du CDE. Le président est responsable de l'animation des diverses réunions du comité et sert de lien  entre les membres du comité et le secrétariat du CDE. Tout  comité peut instituer les sous-comités d'étude qu'il juge nécessaires  pour l'aider à s'acquitter de son mandat.

Les comités d'étude constituent donc une ressource positive  à la disposition du mouvement, mais comportent des limites  (représentation provinciale, multiplicité des comités, disponibilité, etc..) avec lesquelles le mouvement doit savoir composer.  C'est d'ailleurs parce qu'il est tout à fait conscient de ces problèmes que le CDE peut dresser ici une liste partielle des sujets  qui ont fait récemment et avec succès l'objet des préoccupations  des membres de ses divers comités :

Activités de représentation

En jouant son rôle d'agent de formation et de promotion  socio-économique, le CDE ne peut ignorer l'importance des relations qu'il doit entretenir avec les différents publics auxquels  il s'adresse. Le CDE n'existe pas pour exister. Il ne consulte pas  pour consulter. Il existe et consulte pour agir, pour atteindre  selon les besoins et les circonstances, les individus et les milieux.  Ces individus et leurs milieux sont ainsi identifiés :

Dans ses activités de représentation, le CDE agit alors en utilisant les moyens qui lui semblent les plus adéquats pour réaliser  les objectifs poursuivis. Les moyens sont nombreux et variés,  selon les publics concernés.

1 - MEMBRES ET DIRIGEANTS D'ENTREPRISE EN GÉNÉRAL

a)         Il existe une étroite relation entre le conseiller affecté  à ce service et les conseillers affectés aux activités

 régionales. Ces derniers sont en étroite liaison avec  les membres et les bureaux de direction régionaux.  Ils doivent être en mesure de discuter des projets d'études, de suivre leur déroulement, de présenter des rapports sur l'évolution des études entreprises. Les membres ne peuvent être privés de cette information relative aux études et prises de position du CDE. Il ne  pourrait que s'ensuivre un désintéressement normal,  mais surtout un non-engagement concret vis-à-vis  les orientations proposées.

b)         Le CDE possède un bulletin mensuel où il fait véhiculer l'information nécessaire. Il s'agit des « Chroniques  du CDE ». On retrouvera dans ces Chroniques tant  des articles de fond que des résumés d'articles sélectionnés.  On y retrouvera le résumé des principales  prises de position du CDE (mémoires, communiqués),  les activités précises du mouvement, soit celles de son  service de formation ou celles de ses activités régionales; le lecteur pourra enfin y puiser des renseignements utiles concernant soit des activités extérieures  auxquelles le CDE a participé, soit une liste de publications d'un intérêt immédiat, etc.

Les « Chroniques » ne sont pas adressées aux seuls  membres du CDE. Sur sa liste de distribution, on  retrouve un bon nombre de personnes susceptibles de  puiser un jour ou l'autre aux sources de la pensée du  CDE. C'est ainsi par exemple qu'un récent article  commandé par le CDE pour ses Chroniques, article qui  voulait exprimer une prise de conscience du patronat  sur un problème donné, a été reproduit et largement  diffusé par d'autres publications.

c)         En  dehors  des  Chroniques,  le  CDE  utilise  parfois  la formule du bulletin spécial. Cette façon de procéder  a l'avantage d'attirer l'attention sur un problème et  d'en faire saisir toutes les implications. A titre d'exemple, nous pourrions citer le bulletin spécial émis sur  le rapport de la Commission Castonguay proposant  un   régime   d'assurance-santé   universel   au   Québec.

 Ce rapport est très aride et comporte plus de 338 pages.  Les membres du comité de sécurité sociale ont supposé  que rares étaient les hommes d'affaires qui avaient eu  le loisir d'en compléter la lecture. Pourtant, son contenu faisait depuis longtemps déjà l'objet des débats  publics. Nous avons cru bon adresser aux membres  un résumé très succinct du rapport, en vue de leur offrir  la possibilité de se situer rapidement par rapport  au contenu. Ce bulletin avait également l'avantage  de préparer les esprits aux conclusions du comité  d'étude du CDE qui, subséquemment, faisait connaître  ses conclusions et recommandations sur le rapport  en question.

d)          La formule des colloques ou mieux des journées d'étude  n'est pas nouvelle. Déjà utilisée par le CDE, et plus ou  moins délaissée, cette formule est maintenant reprise.

En plus de comporter l'avantage de réunir sur une  même tribune des spécialistes d'une question donnée,  elle permet également de grouper des participants  autres que les membres habituels du CDE. Elle permet  encore d'aborder des questions qui, pour le CDE,  peuvent constituer des préoccupations nouvelles dont,  en d'autres lieux ou circonstances, on pourrait douter  des résultats.

Les membres du CDE semblent croire en cette  formule du colloque, comme l'a démontré la réponse  lorsqu'on leur a proposé un projet précis de colloque  sur les options constitutionnelles. C'est dans cette optique d'ailleurs qu'a été organisé récemment un colloque  provincial dont le thème était : « La négociation par  secteur favorise-t-elle la croissance économique ? ».  Le succès obtenu indique bien les possibilités d'action  en ce domaine.

e)          Le congrès annuel, qui a certes besoin d'être rénové,  demeure encore un bon médium de communication  avec les membres et les dirigeants d'entreprise en général. Le thème du dernier congrès du CDE : « Expansion économique, base du progrès social » constitue un exemple des expressions de pensée que peut avoir  à transmettre le CDE au patronat en général.

2 - LES GOUVERNEMENTS

a)         Qu'il s'agisse d'un mémoire annuel ou de mémoires  particuliers identifiant un problème spécifique, la formule du mémoire présenté aux autorités gouvernementales concernées est une des formes de représentation  que le CDE utilise régulièrement. Trois mémoires,  constituant autant de prises de position spécifiques,  faisaient récemment l'objet de revendications de la part  du CDE :

—            Mémoire sur une réforme du Conseil Supérieur du Travail

Ce mémoire préconise une collaboration plus étroite des  agents syndicaux et patronaux, en leur confiant la responsabilité,  au sein du C.S.T., d'élaborer de véritables politiques socioéconomiques, sans s'en reporter à une intervention toujours de  plus en plus poussée de l'Etat. La recherche de cet objectif suppose que l'Etat accepte de confier aux deux parties (syndicale et  patronale) plus de pouvoirs qu'il ne leur en accorde actuellement.

—        Mémoire sur la nécessité d'une enquête publique dans le domaine des relations de travail

Ce mémoire s'en prend au choix actuel des méthodes utilisées  dans le règlement des conflits qui existent dans les relations  patronales-ouvrières. La méthode la plus usuelle est celle qui consiste à amender les lois. Le CDE propose de revoir les lois du  Travail en tenant compte des implications sociales et économiques qui régissent l'ensemble des relations du travail, avant de  procéder à tout amendement à la législation présente.

—        Mémoire à l'encontre d'un  régime d'assurance-santé  au Québec, mais proposant des solutions de rechange

L'assurance-santé, mesure acceptable en principe, n'est pas  recommandable dans le contexte économique actuel. Le CDE croit  toutefois en certaines mesures qui répondraient en partie aux problèmes de la santé au Québec :

b)         Les entrevues ou les rencontres formelles avec les responsables des différents ministères permettent également au CDE d'être présent dans les milieux où se  prennent les décisions qui engagent tous les dirigeants  d'entreprise. Qu'il s'agisse du ministère du Travail ou de  l'Industrie et du Commerce, qu'il s'agisse des organismes para-gouvernementaux, etc., cette présence est  essentielle au prolongement concret des options que  préconise le CDE.

3-CORPS INTERMÉDIAIRES

Si la collaboration ouvrière-patronale préconisée à l'intérieur  de l'entreprise ne doit pas être un mythe, il faut d'abord que  les structures qui viennent coiffer l'entreprise puissent collaborer  avec le syndicalisme. Le CDE croit à cette collaboration, qui en  aucun temps n'est synonyme d'abdication. En ce sens, il favorise  le dialogue et les échanges avec les agents syndicaux. Il croit  possible des « poussées » conjointes comme ce fut le cas récemment. Lorsqu'il s'est agi en effet de proposer au gouvernement  de modifier le statut d'une institution consacrée comme le Conseil  Supérieur du Travail, il a tenu à solliciter le support des organismes syndicaux. Le bien commun a priorité sur les intérêts des  individus ou des groupes.

Le CDE n'hésite pas également à proposer aux agents syndicaux d'élaborer devant des auditoires patronaux les principes à  la base de leurs actions. N'en arriverait-il qu'à provoquer une  meilleure connaissance des problèmes réciproques, que cette action serait valable.

Le CDE n'est pas présent (et ne pourra jamais espérer l'être)  à toutes les délibérations qui ont cours à l'intérieur des différents  corps intermédiaires de la Province. Il compte sur ses membres

 pour assurer cette présence et diffuser, à l'occasion, les objectifs  que poursuit le CDE.

Il lui arrivera toutefois de participer directement à certaines  activités de ces corps intermédiaires. A titre d'exemple, il agit  actuellement comme représentant officiel du patronat à l'intérieur  du comité de relations de travail d'un Conseil Economique Régional, ce qui lui a permis de participer à une expérience unique  au Québec, soit une déclaration conjointe patronale-ouvrière sur  les relations de travail (Voir Annexe 2). Il lui est arrivé souvent  d'avoir à siéger sur des comités d'étude de certains corps intermédiaires.

4-LE PUBLIC EN GÉNÉRAL

De tous les publics du CDE, voilà peut-être celui qui est le  plus difficile à atteindre directement. Chacun sait pourtant combien certaines mentalités, certaines structures, certains comportements sont conditionnés par ce que peut penser ou dire le grand  public.

Le CDE doit donc le rejoindre. Il utilisera à cet effet les deux  grands média d'information, la presse écrite et la presse parlée.  Dans le premier cas, son principal outil de travail sera le communiqué. Présent régulièrement à toutes les grandes questions  d'intérêt public ou communautaire, ses communiqués sont donc  nombreux et ne craignent pas de souligner les faiblesses dans  les attitudes, les situations, etc. Quant à la presse parlée, le CDE  se rend disponible lorsque l'occasion lui en est fournie.

Une présence constante auprès de tous les publics que nous  avons énumérés exigerait une disponibilité en ressources humaines  et matérielles que le CDE ne possède pas. Il y a bien évidemment  les conseillers de tous les autres services qui assurent, auprès  de certains publics, une présence constante. Mais cette présence  réfère à des tâches bien identifiées qu'une activité générale de  représentation bien structurée se doit de coiffer.

Il y a de plus la valeur même de la représentativité. Pour  le CDE, « être représentatif » réfère bien entendu à la valeur  d'un contenu de pensée, mais également au nombre des individus  ou mieux des entreprises elles-mêmes qui endossent cette pensée

 et qui la concrétisent dans l'action. Le passé et le présent témoignent de la représentativité du CDE aux niveaux pensée et action.  Que cinq cents entreprises, représentées par huit cents individus,  endossent actuellement l'action du CDE dans le milieu patronal  québécois, voilà qui pourrait satisfaire bien des gens. Le CDE ne  s'en satisfait toutefois pas. Au contraire, ces cinq cents entreprises,  fussent-elles les plus dynamiques, ne représentent en somme  qu'une minorité de nos dirigeants d'entreprise. Qu'il s'agisse d'un  mémoire au gouvernement provincial, qu'il s'agisse d'une représentation vis-à-vis un autre corps intermédiaire, plus on fera bloc  autour d'une action, plus les possibilités d'obtenir des résultats  positifs seront assurées. Mais surtout, plus le CDE comptera de  membres, plus les collaborations de toutes sortes se présenteront,  davantage seront garanties les possibilités pour le CDE de réaliser  les deux objectifs que nous avons précédemment identifiés.

Perspectives

Il nous apparaît évident que les activités de consultation et  de représentation au sein du CDE doivent être accentuées. La  pensée et l'action du CDE dans les domaines que nous avons  précédemment situés ne représentent en somme qu'une faible  partie de ce que l'on devrait attendre du monde patronal. Or  même s'il est spécifique dans son action, il n'en reste pas moins  que le CDE est plus ou moins noyé dans l'ensemble des autres  mouvements, associations ou corps intermédiaires québécois;  cette situation annihile une grande partie de ses efforts. Il lui faut  donc redoubler d'énergie et tenter de plus en plus d'établir des  programmes d'action portant sur une longue période. Il lui faut  également développer davantage certains outils qui vont permettre  une diffusion plus continue de ses politiques et réalisations.

Relation avec l'éducation des adultes

On aura vu dans cette description des activités de consultation  et de représentation au sein du CDE que tout gravite autour  d'un sujet bien déterminé, d'un individu, qui est ici coiffé du titre  de « dirigeant d'entreprise ». Toutes les activités entreprises ou à  entreprendre veulent essentiellement rejoindre cet individu, l'amener à prendre conscience par lui-même de ses responsabilités

 sociales, tout en lui permettant de s'épanouir dans un milieu plus  évolué qu'il aura lui-même contribué à bâtir. Aucune des activités  de ce service ne s'apparente donc à des activités à caractère académique où le dirigeant pourrait avoir l'impression de parfaire  son bagage de connaissances techniques.

Le CDE rejoint plutôt le dirigeant là où il est, dans son entreprise; le CDE constate alors qu'il en est parfois prisonnier, qu'il  est souvent replié sur son marché et sur ses besoins particuliers  d'évolution. Involontairement peut-être, le dirigeant d'entreprise  a oublié d'élargir le champ de ses préoccupations et de s'intéresser  à ce qui l'entoure. Soucieux de parfaire ses connaissances administratives ou plus souvent technologiques en fonction de la rentabilité de son entreprise, il en arrive souvent à être plus ou moins  au fait des réalités qui l'entourent. Et un bon jour, c'est le réveil  brutal lorsqu'il constate que tout autour de lui s'est dressé un  réseau de contraintes, qu'elles soient d'ordre économique, législatif ou politique, contraintes contre lesquelles il ne peut rien et  contre lesquelles il ne peut malheureusement pas protester trop  vigoureusement, n'ayant pas été disponible, au moment opportun,  afin d'apporter sa collaboration à l'établissement de politiques  qui auraient contrecarré ou tout au moins atténué les contraintes  actuelles.

Cette situation, malheureusement trop réelle, exige que quelqu'un s'y attarde. Nonobstant les habitudes ancrées de repli sur  l'entreprise individuelle ou encore cette mentalité voulant que  le dirigeant n'ait pas le temps nécessaire pour se préoccuper  des problèmes d'ensemble, des besoins existent qui doivent être  comblés.

Ils seront comblés, du moins en partie, en le sensibilisant  au départ à cette responsabilité qui lui incombe de non seulement parfaire ses connaissances administratives, technologiques  ou économiques, mais également de s'attarder aux problèmes  sociaux et politiques du milieu dans lequel il vit. S'il assume  cette responsabilité au départ, son intégration et sa participation  active à l'élaboration ou à l'implantation de politiques patronales  deviendront plus facilement des acquis.

Bien sûr, le tout ne va pas facilement. Le dirigeant d'entreprise ne voit pas dans une telle avenue les résultats de sa participation d'une façon aussi immédiatement palpable qu'il peut les  voir au niveau de sa participation à son association verticale  par exemple. Il lui est de plus nécessaire de s'ajuster presque  continuellement à des options en perpétuel renouvellement. Mentalités, structures, institutions, autant de mots au contenu plein  d'écueils possibles, qui ne peuvent qu'impliquer le retour au passé,  l'analyse du présent, la préparation de l'avenir, et avec lesquels  il doit continuellement composer.

L'individu dirigeant d'entreprise trouve donc dans les activités  particulières de ce service du CDE :

 Le CDE dans le Québec d'aujourd'hui et de demain

Jean Brunelle

Rôle actuel

Il n'est pas facile de juger, surtout de l'intérieur, les effets  réels de l'action d'un mouvement comme le CDE. Si l'on s'en  tient à la somme des adhésions effectives, le CDE reste un  groupe minoritaire dans le monde patronal. Il ne donne pas  l'impression d'une force compacte, munie de moyens puissants  et capable, à l'occasion, d'imposer, du moins jusqu'à un certain  point, ses volontés. De fait, le monde patronal ne pourra posséder  une telle influence que quand il aura su se donner une cohésion  beaucoup plus grande, une discipline de pensée et d'action  appuyée :

À l'heure actuelle, aucune association patronale ne peut pré-  tendre exercer ce rôle au Québec, ou au Canada : le patronat,  même s'il compte de nombreux porte-paroles et quelques groupes  de pression influents, demeure inorganisé. Ses politiques sont  fragmentaires, souvent contradictoires. Mal équipé pour participer  à la discussion des affaires publiques, il voit s'amenuiser son  prestige auprès de la population et des hommes d'Etat. Au Québec, en particulier, les décisions se prennent de plus en plus sans  lui, parce que le patronat n'est pas identifiable. Une telle situation  ne peut durer sans compromettre dangereusement l'équilibre de  nos institutions.

Dans le contexte d'affrontement syndicats-employeurs qui prévaut ces dernières années, le CDE aurait pu s'assurer une popularité facile en se faisant le champion du conservatisme et de  la réaction. Cette attitude de sa part aurait constitué une démission grave. Il a préféré faire entendre la voix de la raison et rappeler aux chefs d'entreprise que leur impréparation constitue  une déficience très sérieuse. Il s'est efforcé de combler, dans  la mesure compatible avec son mandat et ses ressources, quelques- uns des vides de l'organisation patronale. C'est ce dont ce Cahier  est fait. On ne peut mentionner ici les obstacles nombreux qu'il a  dû affronter en adoptant cette ligne de conduite, les défis qu'il a  dû relever. Mais en choisissant cette voie, il croit avoir rendu  le service de montrer un aspect important de la réalité et avoir  contribué à l'avènement prochain d'une présence patronale  authentique et bienfaisante. Et il aura acquis, en chemin, un respect certain.

Le CDE et l'avenir

1 - LE PATRONAT

Au rythme où les choses évoluent, l'avenir menace à tout  moment de nous envahir. Les sociétés n'ont pas prévu, n'ont pas  voulu la somme de difficultés qu'elles ont créées et qui les assaillent, et auxquelles il faut trouver rapidement des solutions qui  ne peuvent être simples. Rapidement, car le monde occidental  traverse une période d'une singulière gravité.

Au centre du drame, se trouve le patronat, mal préparé, au  Canada et au Québec, à jouer un rôle adapté aux circonstances.

Dans son mémoire à la Commission Laurendeau-Dunton  (1964), le CDE faisait ressortir, entre autres, les éléments suivants :

Le problème se pose donc de l'organisation professionnelle  qui permettrait au patronat, dans cette perspective, de jouer  un rôle précis et cohérent :

Ce rôle que nous attribuons aux corps intermédiaires peut  sembler inutilement complexe. Il peut soulever la crainte d'un  nouveau corporatisme, etc.

Il nous semble évident que nos institutions politiques ne  répondent plus, depuis quelques années, aux exigences de la situation.

Pour ne mentionner que le domaine économique, les gouvernements demeurent largement impuissants devant les problèmes  du plein emploi, du partage des revenus, du développement régional, etc. Devant l'impréparation des corps intermédiaires, ils se  voient contraints d'improviser des interlocuteurs, de procéder à  des expériences d'animation sociale. Des corps intermédiaires  plus représentatifs et plus puissants pourraient jouer là un rôle  précieux, peut-être irremplaçable.

L'État peut craindre de laisser se créer des organismes assez  puissants pour contester ses propres décisions. L'alternative n'est  pas réjouissante, et nous la connaissons déjà : elle consiste à  abandonner la contestation à des éléments impulsifs et à subir  des interventions désordonnées, là où l'ordre devrait régner. Si  la société ne sait pas s'ériger sur une base démocratique, les

 poussées de revendication aveugle nous conduiront inévitablement vers des régimes de répression.

L'organisation patronale, dans cette perspective, acquiert  une urgence considérable, pose des défis d'envergure. Comme on  l'a vu plus haut, des étapes sont en voie de réalisation au Québec. Quand l'organisme patronal de base sera en place, il pourra  servir de modèle dans les autres régions, car elles connaissent  des situations identiques.

L'organisation professionnelle est une préoccupation fonda-  mentale du CDE. Pour être efficace, toutefois, une fédération  patronale doit s'appuyer sur des associations sérieuses, munies  des moyens d'action et du personnel nécessaires. Il faudra rapidement apporter aux associations verticales une attention prioritaire.  La formation du Conseil du Patronat devrait permettre bientôt  d'évaluer l'ensemble de la situation, de poser un diagnostic et de  définir les moyens d'apporter les correctifs qui s'imposent. Le  Conseil du Patronat devrait également permettre aux associations  patronales horizontales de coordonner davantage leurs interventions, d'éviter les dédoublements d'efforts ou les contradictions,  inévitables dans le contexte actuel.

2 - LA PENSÉE PATRONALE

Toute tentative d'organisation, surtout de type communautaire, doit reposer sur une doctrine. À travers le monde occidental, les chefs d'entreprise sont restés trop souvent étrangers  aux préoccupations globales, aux conséquences de l'action entrepreneuriale dans le milieu. Satisfaits en trop grand nombre de  mener un combat d'arrière-garde, de s'opposer parfois à des évolutions légitimes, ils s'exposent à compromettre non seulement  leur propre statut et leurs propres intérêts, mais aussi le prestige  du patronat tout entier et la valeur de son action dans le milieu.

Les bouleversements graves qui ont, ces derniers mois, ébranlé  plusieurs pays européens et qui se manifestent sous des formes  particulières aux Etats-Unis, devraient susciter, chez les hommes  d'affaires, un exercice approfondi de réflexion. C'est le système  qui, au fond, est mis en accusation, avec ses qualités indéniables  et ses défauts évidents. On ne saurait se contenter d'affirmer que  les défauts du régime sont la contrepartie nécessaire des avantages qu'il procure. Si le patronat lui-même ne procède pas  aux adaptations requises, la société peut voler en éclats.

À cet effort de pensée, le CDE croit pouvoir apporter une  contribution intéressante, appuyée sur vingt-cinq années d'expérience, d'observation attentive et d'engagement.

3-LA DÉFINITION DE L'ENTREPRISE

L'entreprise est au centre de la vie patronale et, dans une large  mesure, de la vie économique et sociale. Or, il est remarquable  qu'on ait toujours évité d'élaborer une définition socialement  acceptable de l'entreprise. Une telle déficience est intolérable en  ce qu'elle conduit à des ambiguïtés sans fin, à des quiproquos tragiques. « Faute d'une vision claire de la fonction des entreprises,  aucune politique industrielle digne de ce nom n'a été élaborée  au niveau européen. »28 La même remarque s'applique au milieu  nord-américain.

En 1963, le CDE avait souligné cette carence devant le comité  parlementaire du Québec chargé d'étudier les amendements au  Code du Travail. Personne n'y comprit le moindre mot, même  les prétendus experts dont certains voyaient dans ces propositions un manque évident d'esprit pratique.

Il reste, toutefois, que l'entreprise est, avec la fonction publique, le lieu privilégié de la contestation et qu'elle le demeurera  aussi longtemps qu'on n'aura pas dissipé la confusion qui entoure  son statut. Tant que persistera l'impression que l'entreprise prospère est celle qui sait faire servir l'alliance du talent, de l'organisation et de l'argent à l'exploitation des travailleurs et de la population, on assistera à une désaffection grandissante à son endroit  et à des protestations de plus en plus fréquentes. Et les lois n'y  pourront rien changer.

C'est évidemment à l'entreprise elle-même, et aux associations  patronales, qu'il appartient d'apporter une réponse à ce problème  majeur. L'entreprise présente deux aspects principaux :

 A.-UNITÉ DE PRODUCTION

À ce titre la direction est entièrement responsable de l'orientation et des décisions administratives, compte tenu de la participation et de la promotion des individus, qui doivent être des préoccupations essentielles de l'entreprise et qui, si elles étaient négligées, ne pourraient qu'ajouter à l'aliénation de la population et  envenimer les relations entre les classes.

Responsable d'une cellule de l'activité économique, la direction doit rester identifiée aux résultats de ses initiatives et en assumer la responsabilité entière. Des conditions externes à l'entreprise peuvent diminuer ou annuler la liberté de la direction :  c'est alors que l'organisation professionnelle, ou outil collectif  du secteur ou de l'ensemble patronal, acquiert une importance  vitale; il s'agit manifestement, là aussi, d'une responsabilité de  la direction. Le CDE peut jouer un rôle, supplétif et provisoire,  mais très utile, à ce niveau de l'organisation.

B.-ÉLÉMENT DU PROGRÈS DE LA NATION

Dans la mesure où elle affecte le bien public, l'entreprise  acquiert incontestablement un caractère communautaire.

Il est donc nécessaire qu'elle se soumette à une éthique, à  une conception de la société où l'interdépendance et la solidarité  servent de critères à une autodiscipline sévère. A défaut de quoi,  elle devra subir de la part de l'Etat, des contrôles de plus en  plus serrés et peut-être courir le risque de voir disparaître une  partie plus ou moins grande de ses libertés.

Il est essentiel que l'entreprise soit définie dans ses caractéristiques propres, avec son dynamisme et sa spécificité; mais aussi  dans ses relations avec une société donnée sur laquelle elle exerce  fatalement des influences, pour le meilleur ou pour le pire. Faute  de projeter des conceptions nettes de ces deux réalités, l'entre-  prise se condamnerait à rester à la remorque de l'évolution et à  subir des assauts d'une violence croissante.

4 - LE DIRIGEANT D'ENTREPRISE

Centre nerveux du développement matériel et humain, l'entreprise demeure, dans les meilleures conditions, un instrument entre

 les mains de ceux qui la dirigent. Ceux-ci méritent, à titre personnel et collectif à la fois, de sérieuses responsabilités. A cause  de son influence sur l'entreprise et, par elle, sur la nation toute  entière, la formation des dirigeants, au double point de vue  administratif et social, acquiert une importance de premier plan.  Cela concerne, bien sûr, l'université. Mais l'association patronale aussi bien que l'Etat ne peuvent en aucun cas se désintéresser du problème que constitue la formation, surtout la formation  des administrateurs adultes. L'administration est devenue une  science et cette science évolue rapidement : l'homme d'affaires  doit retourner fréquemment aux sources sous peine de se laisser  dépasser. Quant à l'aspect social du rôle du dirigeant, il est trop  peu connu, sa valeur civilisatrice, trop peu comprise. Il faut gagner,  dans ce domaine, des retards évidents et, pour y parvenir, les  efforts conjugués de tous les intéressés, université, Etat, patronat,  sont indispensables. Toute hésitation devant cette tâche ne servirait, particulièrement au Québec, qu'à compromettre la croissance  économique et le progrès social qui, en dernière analyse et quel  que soit le régime en vigueur, tiennent à la qualité et à la vision  des hommes en place.

5-LE DÉVELOPPEMENT

Lancés avec enthousiasme, les projets de planification du Québec n'ont pas fait long feu. Pour avoir négligé de consacrer aux  organismes de planification l'attention qu'ils exigent, pour leur  avoir attribué des mandats paralysants, les gouvernements du  Québec ont privé la Province d'une politique économique ordonnée.

Mais les gouvernements ne sont que partiellement responsables. S'ils ont fait porter une part excessive des investissements  sur la sécurité sociale au détriment de la croissance, c'est en  partie à cause d'un déséquilibre chronique entre les organismes  populaires et le monde patronal. Celui-ci hérite du devoir de formuler ses vues dans des programmes pratiques, susceptibles de  provoquer, après discussion, des décisions précises.

De tels programmes doivent porter sur une politique globale  du développement et sur ses aspects économiques, sociaux, régionaux et sectoriels.

 Le CDE devra se préoccuper d'une telle étude (qu'il a déjà  abordée sous différentes facettes) en tenant compte des apports  souhaitables des divers agents de la société et des réformes de  structures qui s'imposent.

Quand on fera l'histoire de la présente décennie, au Québec,  on constatera peut-être que l'aveuglement, un certain sectarisme,  un attachement inexplicable à des formules périmées auront été  les principaux obstacles à la réalisation des plus beaux projets.  Dans la réalité concrète, l'Etat, le syndicalisme et le patronat ont  refusé d'appliquer, chacun pour soi, les réformes essentielles à  leur adaptation aux exigences d'une société nouvelle. Les gouvernements se sont laissés emprisonner dans des formules traditionnelles, au lieu de mobiliser le dynamisme potentiel des corps  intermédiaires dans des organismes de concertation renouvelés29.

La puissante organisation syndicale prolonge indûment l'ère de  la revendication, au lieu d'assumer un rôle positif dans l'évolution de nos institutions; quant au patronat, ses déficiences ont été  soulignées ici assez abondamment et nous n'avons pas à y revenir.

Ces démissions aboutissent à la manifestation classique du  rationalisme contemporain : le refuge dans un pseudo-réalisme qui  n'est qu'une vue de l'esprit. Entraînés, par une déviation séculaire,  à situer les apparences au-dessus de la réalité, l'intérêt au-dessus  de la justice, la théorie au-dessus de la vie, nous renvoyons les  problèmes au niveau des concepts, avec l'intention inconsciente  de les éloigner de nous en les idéalisant plutôt que d'y apporter  une attention immédiate et de nous compromettre, de nous engager dans leur solution. Car il nous faudrait alors changer parfois ce qui existe, reviser nos comportements, mettre en doute  nos branlantes sécurités. C'est ainsi que nous nous amusons sans  fin avec trente-six formules concurrentes d'amendement à la  constitution, au lieu d'apporter aux institutions et aux modes  d'opération les changements précis qui nous permettraient  d'orienter la société vers des tâches concrètes d'une urgence  extrême.

 Ces tâches sont connues. Mais nous les abordons au gré  de l'actualité, sans planification, à coups de tactiques improvisées,  sans stratégie. A chacune des vagues qui déferlent sur nous avec  une violence et une fréquence croissantes, nous faisons appel  aux vieilles recettes, aux vieux trucs.

6 - LE MONDE NOUVEAU

Mais cette tempête que nous essuyons n'est pas une tempête  comme les autres. Elle marque la fin d'une époque. L'homme  d'aujourd'hui aspire irrésistiblement à un contrôle plus exact  de son destin. Cette volonté d'autonomie et de participation éclate  chez tous les groupes populaires qui se sont trouvés engagés  dans les centres de l'évolution récente, qu'il s'agisse des étudiants, des travailleurs, des assistés sociaux... La liste s'allonge et  les groupes périphériques entreront dans le jeu à brève échéance.  Bien sûr, il s'agit d'une nouvelle poussée de revendication, provoquée peut-être, du moins en partie, par les précédents syndicaux. Mais il ne suffit pas d'identifier l'origine du problème pour  en conjurer les effets.

Si la démocratie doit survivre, elle ne pourra ignorer les plus  fondées des réclamations nouvelles. Coincée entre le fascisme et  l'anarchie, elle ne pourra éviter l'une et l'autre qu'à la condition  de procéder, à l'échelle des institutions responsables, à une  alliance indispensable des droits et des responsabilités. Cette  alliance est une condition sine qua non du maintien de la démocratie et devrait s'appliquer à tous les groupes chargés de responsabilités économiques et sociales, aussi bien qu'aux individus  qui les composent. Elle constitue la seule chance de rendre sensible la solidarité des individus et des groupes à l'intérieur d'un  même régime et, pour jouer efficacement, elle doit être inscrite  dans le fonctionnement des institutions.

Le CDE n'est pas l'Etat, il n'est pas tout le patronat. Toutefois, animé par une conception personnaliste de la société, il ne  saurait se soustraire à l'obligation de travailler de toutes ses forces  à l'avènement d'une telle société, en tenant compte évidemment  du caractère particulier de son mandat, dont le contenu peut  varier selon les changements qui se produiront dans l'organisation

 patronale. Mais à un titre ou à un autre, il devra se préoccuper :

Le CDE devra provoquer des dialogues plus suivis et plus  structurés entre dirigeants d'entreprise et, notamment, avec les  organismes syndicaux, avec les institutions publiques.

Il devra creuser l'analyse du milieu et formuler en termes  plus précis sa conception de la société et en particulier de l'organisation patronale.

Il devra au besoin assumer des tâches concrètes, aux six  paliers des préoccupations patronales : l'homme, l'entreprise, l'association, les structures patronales, les organismes de concertation, l'État.

L'ensemble de ces perspectives constitue une somme théorique  et un fardeau très concret, d'une ampleur inquiétante. Mais si l'on  tient à une certaine conception de l'homme et de la société, quelle  serait l'alternative ? Il faut bien reconnaître que cette conception  est exactement celle que projettent les slogans des partis politiques et des Etats démocratiques. C'est l'objectif qu'on n'atteint  jamais, parce que les mécanismes traditionnels faussent les règles  du jeu. Les déceptions d'une grande partie de la population  engendrent une suite de conflits innombrables qui deviennent  insolubles, parce qu'on n'y apporte que des solutions partielles.  Les solutions, en effet, sont de nature quantitative : salaires,  bien-être, loisirs. Mais les aspirations, en ce qu'elles ont de plus  respectable, touchent également à un désir de participation, de  responsabilité face aux oeuvres communes. Comme il ne peut  être question de confier à des millions de personnes isolées le  soin d'organiser leur propre travail dans la poursuite des objectifs communautaires, il convient d'en remettre le soin aux organismes qui en sont l'émanation.

Même restreint aux conditions du patronat, qui concerne  particulièrement le CDE, le problème atteint, bien sûr, des dimensions impressionnantes. Il pourrait sembler un songe creux, si  des exemples concrets — suédois, hollandais, et autres — ne  pouvaient servir de modèles aux sceptiques. Quant à la solution,  qui devrait se réaliser par étapes appliquées aux différents niveaux déjà mentionnés, elle suppose une somme d'efforts impliquant tous une large part d'éducation des adultes, c'est-à-dire,  l'intégration des hommes dans le milieu, leur participation responsable au perfectionnement de la société.

C'est une tâche devant laquelle les hommes d'affaires, pour  leur part, et la présente génération des Québécois ne devraient  pas reculer.

Annexe 1

Liste de mémoires présentés par le CDE


Problèmes constitutionnels

1954

Banque d'expansion industrielle

1956

Enseignement technique et professionnel

1961

L'éducation

1962

Commission des accidents du travail

1962

Code du travail

1962-1964-1967

Caisse de retraite universelle

1964

Bilinguisme & biculturalisme

1964

Loi de la convention collective  (décrets et comités paritaires)

1964

Assurance santé (Commission Castonguay)

1967

Réforme du Conseil supérieur du travail

1968

 

Annexe 2

Déclaration de principe du comité  ouvrier-patronal du C.E.R. Saguenay-Lac-St-Jean

  1. Le droit pour les travailleurs de s'associer pour la protection et la promotion de leurs intérêts professionnels est reconnu  comme nécessaire à la création de l'équilibre entre le capital et  le travail et à l'existence d'un organisme normal de représentation, de négociation, de collaboration à tous les échelons de l'activité économique : l'entreprise, l'industrie, la région et la nation. Le syndicalisme a plein droit de cité; chaque salarié a également plein droit d'adhérer à l'association syndicale de son choix,  le droit d'association étant un droit naturel.
  2. Le travail, comme le capital, est un facteur essentiel de la  production. Le travailleur a droit à la reconnaissance de sa dignité  de personne humaine; le droit à son épanouissement en général. Aussi, les efforts sincères doivent être faits pour assurer au  travailleur la sécurité, laquelle sécurité doit être le résultat d'un  revenu suffisant et proportionné à la situation économique de  l'entreprise, de la stabilité de l'emploi et de la protection efficace  contre certains risques inhérents à la vie, tout en tenant compte  de ses aspirations et de ses aptitudes.
  3. Tenant compte des capacités et des limites  de chaque  individu et de la nécessité d'une hiérarchie des diverses fonctions  pour la bonne organisation de l'entreprise, l'accès aux diverses  fonctions doit être basé sur des critères objectifs. Le travailleur détient également d'autres droits bien identifiés  tels : le droit à la non-discrimination à cause de sa langue, de  sa nationalité, de sa race, de sa couleur, de son sexe.
  4. L'entreprise, tant pour le capital que pour le travail, a  pour fonction la production d'un bien ou d'un service nécessaire  à la population. Cette réalité implique donc la dimension communautaire de l'entreprise. L'expansion économique de l'entre prise qui ne peut être assurée que par une productivité accrue  est donc une question essentielle du progrès social. Cependant,  on ne peut considérer la productivité en terme d'accroissement  comme une simple augmentation quantitative de la production  globale sans tenir compte d'autres facteurs tels que le facteur  humain, l'apport de nouveaux capitaux et la compétence des  agents de la production. Cette importance du rôle de l'entreprise dans la vie de la  population nécessite donc la création d'un climat propice à son  expansion et à l'obligation stricte pour le syndicalisme et le patronat de participer à la création de ce climat.
  5. Le régime de la libre entreprise reconnaît le droit à la propriété privée qui donne au propriétaire un pouvoir de disposer  des choses en tenant compte des exigences du bien commun. Le régime d'entreprise donne également à ceux qui sont  propriétaires, ou à ceux qui sont dûment mandatés, le droit à  l'exercice de l'autorité et à l'orientation de l'entreprise. Ce droit  n'exclut pas toute forme de consultation consciencieuse, harmonieuse et valable.

Le régime d'entreprise évoluant selon la libre concurrence,  il doit être dirigé avec souplesse; on doit trouver dans ce système  un climat qui permette au capital et au travail un libre dialogue,  exempt de tout complexe. La surveillance de l'Etat et des interventions appropriées seront aussi nécessaires pour prévenir les  abus, tant du côté syndical que patronal.

N.B. — En collaboration avec le Centre des Dirigeants d'Entreprise.

Éléments de bibliographie

Programme de formation

ÉVALUATION DE PROGRAMME

Notes

1 Voir en annexe la liste des principaux mémoires du CDE.
2 Pour une définition plus complète de l'organisation patronale, voir causerie de l'abbé Gérard Dion : « Les Patrons et leurs Groupements ».
3 Whyte, William H. Jr., The Organization Man, New York, Simon & Shuster.
4 Taylor, Norman W., A study of French Canadians as Industrial Entrepreneurs. (Thèse de doctorat présentée à l'Université Yale en 1957).
5 Taylor,   Norman   W.,   Recherches   sociographiques,   Vol.   II,   no 2, pp. 123-150, 1961. Université Laval.
6 Bélanger, Laurent, Occupational Mobility in French and English Canadian Business leaders in the Province of Québec. (Thèse de doctorat au Michigan State University 1967).
7 Latil (de), Pierre, Ainsi vivrons-nous demain. Le Centurion.
8 Reddin, William J., Situational Management.
9 ARIP, Pédagogie et psychologie des groupes. Collection de l'Epi, p. 55.
10 ARIP, Pédagogie et psychologie des groupes. Collection de l'Epi, p. 184.
11 ARIP, Pédagogie et psychologie des groupes. Collection de l'Epi.
12 McGregor, Douglas, The Human Side of Enterprise. McGraw-Hill.
13 Meigniez, R., Les techniques d'évaluation de la formation du personnel d'encadrement, O.C.D.E., 1963, p. 46.
14 Andrews, Kenneth R., « Is Management Training Effective ? », Evaluation by Managers and Instructors, Harvard Business Review, Jan.-Feb., 1957, pp. 85-94.
15 McGehee W., Livingstone, D.H., « Persistence of the Effect of Training Employees to Reduce Waste », Personnel Psychology,  1954, No. 7, pp. 33-40.
16 Fleishman, E.A., Harris, E.F., Burtt., Leadership and Supervision in Industry; an evaluation of a supervisory training program, Ohio State University Studies, Bur. Educ. Res. Monogr., 1955, No. 33, 110 p.
17 Andrews, Kenneth R., « Is Management Training Effective? Measurement, Objectives, and Policy », Harvard Business Review, March-April, 1957, pp. 63-72.
18 Buchanan, Paul C, « A System for Evaluating Supervisory Development Programs », Personnel, Jan. 1955, pp. 335-347.
19 Buchanan, Paul C, « Evaluating the Results of Supervisory Training », Personnel, Jan. 1957, pp. 362-370.
20 Andrews, Kenneth, R., op. cit.
21 Mahoney, Thomas A., et al., « An Experimental Evaluation of Management Development », Personnel Psychology, Vol. XIII, 1960, pp. 81-88.
22 Meigniez, R., Nodiot, S., Gauchet, F., Evaluation des résultats d'une formation d'agents de maîtrise, 7 cahiers Ronéo, A.F.A.P., juin 1966, 640 p.
23 « Évaluation des résultats  d'une formation  d'agents  de  maîtrise », Inter-productivité,   bulletin   d'information   et   de   liaison   du  Centre français de productivité, supplément n° 144, janvier 1957, p. 18.
24 Blake, R.R., et al, «Breakthrough in Organization Development», Harvard Business Revîew, November-December 1964, pp. 133-155.
25 Rapport général du Centre des Dirigeants d'Entreprise pour  1966, pp. 36 et 37.
26 Cardin, Jean-Réal. Les Relations de Travail au Canada face aux changements technologiques. Etude spéciale n° 6, Conseil Economique du Canada, p. 21.
27 Hébert, Gérard, s.j. Relations, octobre 1966, p. 277.
28 Philippe De Woot, La Fonction de l'Entrepreneur et de l'Entreprise,document de travail.
29 Au moment d'aller sous presse, nous parvient la bonne nouvelle de l'adoption, par la législature du Québec, de deux projets de loi créant les organismes de planification annoncés depuis déjà quelques temps.