Type d'émissions |
Pourcentage de l'écoute francophone consacrée à chaque type d'émissions de langue anglaise |
||
Dans tout le Canada % |
Au Québec % |
Hors Québec % |
|
Nouvelles Commentaires et reportage des nouvelles |
18,3 15,3 |
11,7 8,6 |
77,7 66,3 |
Documentaire Discussion |
34,3 5,6 |
20,2 2,7 |
92,8 56,8 |
Educatif |
9,0 |
4,1 |
54,3 |
Sports |
18,7 |
12,9 |
70,6 |
Religion |
10,7 |
3,9 |
54,8 |
Films |
18,2 |
12,4 |
74,7 |
Séries d'aventure |
14,5 |
9,5 |
67,3 |
Comédie de situation |
28,8 |
18,2 |
82,4 |
Autres dramatique |
23,4 |
14,1 |
80,2 |
Animation |
21 |
13,5 |
71,1 |
Variété, musique |
27,2 |
4,5 |
51,3 |
Emissions-jeux |
75,8 |
72,2 |
93,4 |
Divers |
33,4 |
23,2 |
87,4 |
Toutes les émissions |
18,3 |
12,0 |
73,2 |
L'étude rendue publique en 1982 par la firme de sondage CROP s'avère également assez révélatrice quant à la propension de plus en plus marquée des Francophones hors Québec à syntoniser les stations de télévision de langue anglaise. Alors qu'une enquête comparable avait été faite en 1973 auprès des communautés francophones du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de. l'Ontario, la comparaison avec les données recueillies en 1982 s'avère pour le moins inquiétante, comme en témoigne le tableau suivant.
Nouveau-Brunswick |
|||
Télévision |
Télévision |
Télévision |
|
Français % |
Les deux % |
Anglais % |
|
Moncton 1982 1973 |
17 10 |
21 45 |
62 44 |
Bathurst 1982 1973 |
26 60 |
56 31 |
18 8 |
Edmunston 1982 1973 |
34 42 |
32 34 |
33 24 |
Total 1982 1973 |
24 38 |
37 37 |
38 25 |
Manitoba |
Télévision |
Télévision |
Télévision |
Français % |
Les deux % |
Anglais % |
|
Winnipeg 1982 1973 |
5 15 |
14 22 |
81 64 |
Reste du Manitoba 1982 1973 |
11 18 |
22 30 |
66 52 |
Total 1982 1973 |
7 16 |
16 26 |
77 58 |
Ontario |
|||
Sudbury 1982 1973 |
8 24 |
29 24 |
63 47 |
Toronto 1982 1973 |
3 4 |
23 22 |
74 75 |
Source: CROP: Francophones hors Québec: comparaison entre 1982 et 1973, Nouveau-Brunswick, Manitoba, Ontario, volume IV, tableau 21, p. 78.
L'importance de l'écoute d'émissions de langue anglaise de la part des Francophones n'est pas un phénomène spécifique à la population de langue maternelle française hors Québec. Au Québec, et plus précisément dans la région de Montréal, le pourcentage d'écoute anglophone chez les Francophones est passé de 14,2% en 1976 à 20.5% en 1981 du temps total d'écoute4 . A l'extérieur de la région montréalaise ce pourcentage est passé de 5.7% en 1976 à 9.1% en 1981.5
En fait, nous sommes au prise avec un phénomène généralisé dans tout le pays mais qui atteint une ampleur encore plus considérable lorsqu'on regarde la situation à l'extérieur du Québec. L'on assiste à une désaffection de plus en plus marquée vis-à-vis la télévision de langue française.
La généralisation de plus en plus importante de la télévision par câble a augmenté considérablement la sélection d'émissions de langue anglaise, tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec. A l'heure actuelle un peu plus de 65% des ménages canadiens hors Québec possède la télévision par câble.6 Cette tendance n'est pas prête de diminuer.
Lorsqu'on ajoute à cela le développement de nouveaux services qui accentue la fragmentation de l'auditoire (pensons ici à la télévision payante, aux vidéo-cassettes, aux jeux vidéos, au télétexte), on s'aperçoit que la télévision de langue française est au prise avec l'important problème de maintenir un niveau d'écoute chez un auditoire de plus en plus porté à se prévaloir des nouveaux usages disponibles pour la télévision. Les radiodiffuseurs francophones et, principalement, Radio-Canada, devront apprendre à composer au cours des prochaines années avec un environnement où l'on assiste à ce qu'il est convenu d'appeler "une diversification importante du potentiel d'utilisation de la télévision comme médium". 7
Dans cette perspective, la F.F.H.Q. ne peut que souscrire à l'idée exprimée par la Société Radio-Canada à l'effet qu'"à mesure que l'écoute francophone de la télévision anglaise augmente, le réseau français de Radio-Canada devient de plus en plus essentiel". 8
Car, face à une telle problématique, il y a deux façons d'envisager la réalité. La façon plus pessimiste exprimée dans un récent article par le professeur Luc Giroux qui souligne que le rapatriement de l'écoute des stations anglophones vers les stations francophones s'avère pour le moins aléatoire, même auprès des Québécois de langue française.
"il ne faut pas faire l'écoute des stations anglophones la seule menace à notre culture: depuis longtemps déjà, la culture américaine est omniprésente sur nos écrans francophones... La préservation d'une culture est dans une certaine mesure une question d'isolement communicationnel. Or nous vivrons bientôt une interpénétration sans précédent des communications transculturelles. Il n'est pas du tout certain que notre culture résistera très longtemps à cet échange trop inégal".9
Ou le défi suggéré par la firme Cégir dans son récent rapport au ministère des Communications.
"La télévision francophone doit tendre davantage vers l'excellence pour répondre au défi d'un environnement plus compétitif et d'un auditoire plus sélectif et plus exigeant".10
A l'heure où la Société Radio-Canada demande le renouvellement de ses licences il convient de nous interroger sur deux choses: 1) Quels sont les principaux problèmes qui continuent à persister au niveau des services offerts par la Société D'Etat et qui contribue à dissuader les Francophones hors Québec d'écouter et de regarder les émissions de langue française; 2) Que compte faire Radio-Canada, en tant que principal radiodiffuseur de langue française hors Québec, pour susciter une plus grande écoute de la télévision de langue française chez la population francophone hors Québec.
Face aux constatations relevées dans les pages précédentes, nous sommes d'avis que Radio-Canada doit assurer une transformation importante de sa programmation en langue française à l'extérieur du Québec pour tenter de susciter une écoute plus grande des émissions de langue française. Bien qu'il ne faille pas entièrement attribuer à Radio-Canada la responsabilité de la désaffection de l'auditoire francophone, il y a tout lieu de croire qu'une programmation plus sensible aux réalités géographiques, locales et régionales des Francophones hors Québec serait susceptible de permettre une réduction des transferts d'écoute vers les stations anglophones. C'est cette hypothèse sur laquelle il convient de se pencher si l'on veut renforcer les assises de la télévision de langue française à l'extérieur du Québec.
Comme nous le mentionnions précédemment, les Francophones hors Québec ont toujours accordée une importance considérable au dossier de la radio et de la télévision de Radio-Canada. La télévision de langue française hors Québec demeure un service quand même récent. A venir jusqu'aux années '70, le réseau de télévision française de Radio-Canada était un réseau régional principalement circonscrit au Québec.
Les stations régionales de langue française hors Québec sont encore, pour ainsi dire, en voie de développement.
Si au cours des dernières années on peut dire, qu'en terme de rayonnement, Radio-Canada est devenue un réseau national, cela ne signifie pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans l'univers de la télévision de langue française à l'extérieur du Québec.
Les problèmes inhérents au décalage horaire, à la qualité de la réception des signaux, à une programmation trop exclusivement tournée vers un auditoire québécois, à des budgets insuffisants pour la programmation locale et régionale hors Québec, ainsi qu'à l'absence de mécanismes formels de consultation et de concertation, ont souvent été relevés par les organismes porte-parole des communautés francophones hors Québec comme étant des lacunes importantes du service qu'offre Radio-Canada aux Francophones hors Québec. Chacun de ses problèmes restent encore d'actualité comme pourront en témoigner de façon plus précise au cours des audiences les représentants des communautés francophones hors Québec des diverses provinces. Sans dresser ici un bilan exhaustif pour chacune des provinces, il convient de relever certains problèmes qui continuent de persister au niveau du service de télévision de langue française offert par la Société d'Etat.
A titre d'exemple, la réception du signal demeure toujours mauvaise dans les régions de St-Brieux, Zenon Park, Prince Albert en Saskatchewan, Lunenburg, Wolfville-Grand-Pré, Baie Sainte-Marie et Pointe-de-l'Eglise en Nouvelle-Ecosse, ainsi que sur la côte ouest de Terre-Neuve.
Les Francophones de l'Atlantique ont accès au téléjournal de fin de soirée une heure plus tard qu'à Montréal. A Terre-Neuve, le décalage horaire atteint 11/2 heure. Ce problème du décalage horaire n'existe pas pour les Anglophones des Maritimes. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'à l'ère des satellites, il est tout à fait inacceptable que le réseau français de Radio-Canada continue à se moquer ainsi des rythmes de vie des Francophones hors Québec et à les ignorer complètement dans l'établissement des heures de diffusion. 11
Par ailleurs, il existe encore certains problèmes quant au relais du signal de la télévision de Radio-Canada. L'on serait porté à croire que les autorités de Radio-Canada ne sont pas très fortes en géographie. Les Francophones de Bel-legarde en Saskatchewan reçoivent le signal de Radio-Canada en provenance de Winnipeg au Manitoba. Même chose pour les communautés francophones de Kenora, Dryden et Fort Frances dans l'ouest ontarien. Pour leur part, les Francophones hors Québec de St-Jean et de la péninsule de Port-au-Port reçoivent le signal de Radio-Canada en provenance de Montréal au lieu de Moncton. Il y a fort à parier que les Francophones de ces régions préféreraient recevoir des nouvelles régionales de leurs provinces respectives ou en provenance de stations qui devraient naturellement desservir leurs régions.
Dans les demandes de renouvellement des permis présentées par Radio-Canada au CRTC, en aucun temps la Société d'Etat ne mentionne les moyens qu'elle compte mettre en oeuvre pour améliorer ou corriger les situations que nous venons de décrire. A bien des égards, il est clair que ces problèmes sont de nature à dissuader les Francophones hors Québec de syntoniser Radio-Canada.
Pour la F.F.H.Q., le principal problème que rencontre Radio-Canada à joindre l'auditoire Francophone hors Québec tient toutefois davantage à des questions de programmation qu'à des problèmes d'ordre technique. Bien qu'au niveau du rayonnement Radio-Canada soit un réseau national sa programmation demeure en très large partie québécoise. Au niveau de la programmation du contenu des émissions d'information et d'affaires publiques, les Francophones hors Québec ont l'impression que le reste du Canada constitue un pays étranger et qu'il ne se passe des choses intéressantes, vivantes et dynamiques qu'au Québec.
En 1979, dans sa décision de renouveler les licences du réseau de Radio-Canada, le C.R.T.C. invitait Radio-Canada à se préoccuper des besoins des Francophones hors Québec. Le Conseil soulignait.
"Il est évident qu'un service accru accordé aux Francophones hors Québec ne saurait atteindre quantitativement un niveau voisin de celui accordé à la majorité du Québec. Mais la programmation gagnerait à être conçue selon une vision plus élargie de la collectivité francophone qu'elle soit située à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec. 12
Des études faites par le CRTC montraient d'ailleurs cette propension du réseau français de Radio-Canada a privilégier très largement les nouvelles relatives à l'actualité québécoise au détriment des nouvelles d'intérêt national ou des nouvelles en rapport à des événements importants qui se produisent dans, d'autres provinces. Bien que ces études datent de plus de 7 ans, il y a tout lieu de croire que les changements ne seraient pas tellement significatifs si l'on procédait à une telle analyse de contenus aujourd'hui. .
Le graphique13 suivant s'avère pour le moins révélateur.
A ce que nous sachions, le mandat de la Société Radio-Canada n'est pas de refléter la réalité québécoise mais plutôt la réalité canadienne. Son mandat tel que stipulé par la Loi sur la radiodiffusion implique entre autres "d'être un service équilibré qui renseigne, éclaire et divertisse des personnes de tous âges, aux intérêts et aux goûts divers, et qui offre une répartition équitable de toute la gamme de la programmation... de répondre aux besoins particuliers des diverses régions et contribuer activement à la fourniture et à l'échange d'informations et de divertissements, d'ordre culturel et régional; et contribuer au développement de l'unité nationale et exprimer constamment la réalité canadienne."
Nous ne pensons pas que Radio-Canada se conforme à l'esprit de la Loi ni qu'elle remplit complètement ses obligations envers la population francophone hors Québec.
En termes clairs et de façon tranchante, les Francophones hors Québec en ont assez du colonialisme culturel de la rue Dorchester à Montréal. Que ce soit au niveau des émissions d'information ou d'affaires publiques, des émissions de variétés, des téléromans, la réalité est interprétée à travers un prisme québécois et bien souvent montréalais. Quand les téléspectateurs francophones hors Québec s'aperçoivent
que les artistes invités à une émission de variétés sont presque toujours exclusivement québécois, ou que l'action dans un téléroman se situe également toujours dans un contexte québécois, l'on devient de moins en moins porté à regarder une télévision qui ne nous ressemble pas.
Les Francophones hors Québec revendiquent depuis longtemps la mise sur pied de comité consultatif pour aider à préciser avec les autorités de Radio-Canada la nature d'une programmation qui serait susceptible d'attirer et de plaira à un auditoire francophone hors Québec.
A ce niveau, les Francophones hors Québec ne demandent pas qu'on réinvente la roue. Les services français de Radio-Canada ont déjà des comités consultatifs dans les secteurs de l'agriculture et des ressources naturelles, des sciences et de la technologie ainsi que pour ce qui a trait aux émissions religieuses. Dans ses demandes de renouvellement de licences présenté en mai 1978 au CRTC, Radio-Canada reconnaissait le bien fondé de ces comités.
Dans un monde de plus en plus complexe, Radio-Canada reconnaît l'importance de s'entourer de comités compétents. La programmation de Radio-Canada devrait s'en ressentir au fur et à mesure que l'on connaîtra mieux les intérêts du public. Elément tout aussi significatif, étant donné que la réceptivité de la Société repose sur une bonne connaissance des intérêts du public, les comités susciteront les réactions de l'auditoire et favoriseront le dialogue entre la société et le public qu'elle a à servir. 14
Il est à noter que le CRTC, dans sa décision de renouveler les licences du réseau de télévision de Radio-Canada en 1979, souscrivait à l'idée de tels comités consultatifs pour les Francophones hors Québec.
"Le Conseil demande à la Société de prendre en sérieuse considération l'étude de la création d'un comité consultatif sur la radio-diffusion et les minorités de langues officielles, tel que suggéré lors de la comparution de la Fédération des Francophones hors Québec. Ce comité permettrait une meilleure compréhension des demandes de tels groupes et. fournirait l'occasion de planifier les priorités à la satisfaction des parties en cause." 15
Radio-Canada n'a jamais donné suite à cette recommandation du CRTC. Il est clair pour la F.F.H.Q. que si l'on veut revaloriser la situation de la télévision de langue française hors Québec, il convient que Radio-Canada offre aux Francophones hors Québec les moyens de participer à l'élaboration d'une programmation qui corresponde davantage à leurs besoins et que Radio-Canada veille à mettre en place un mécanisme formel de consultation. Radio-Canada elle même soulignait d'ailleurs, dans un document publié en octobre 1981 que:
"Les sondages prouvent que le rayonnement des émissions locales attire un auditoire deux fois plus élevé que celui du réseau, quand elles sont d'un intérêt public régional."16
Encore faudrait-il toutefois que les budgets alloués à la programmation de langue française ainsi qu'aux stations régionales de langue française soient suffisants. A ce que l'on sache il ne devrait pas coûter moins cher pour produire une émission en français qu'en anglais. Pourtant on remarque que pour 1983-1984 les dépenses de programmation par provinces pour la télévision française se chiffraient à $179,217,000 et représentaient 36.2% du budget des dépenses de programmation comparativement à $315,981,000 soit 67.8% du budget pour la télévision anglaise.17 Nous nous serions attendu à ce que cette réalité soit abordée de front dans les demandes de renouvellement des permis d'exploitation de la Société d'Etat.
Il est d'ailleurs assez décevant de constater le peu d'égard que portent les autorités de Radio-Canada aux revendications exprimées au cours des dernières années par les Francophones hors Québec. Dans les quatre volumes de demande pour le renouvellement des permis, les allusions aux Francophones hors Québec sont rarissimes. La demande elle-même semble être le reflet du peu d'importance que les autorités de Radio-Canada accordent aux préoccupations des Francophones hors Québec.
Dans la mesure où l'on veut vraiment aider à créer de façon effective un véritable réseau de télévision de langue française au niveau national, dans la mesure où l'on tient à susciter davantage chez les Francophones hors Québec l'écoute de la télévision dans leur langue. L'On doit mettre en oeuvre des mesures précises pour aider au développement des stations régionales de langue française hors Québec.
Radio-Canada doit comprendre que sa mission nationale vis-à-vis les Francophones du pays ne consiste pas principalement à traduire et à expliquer les réalités montréalaises et québécoises à travers le pays.
Il est important de comprendre que les stations régionales hors Québec se trouvent dans un contexte différent de celles du Québec. Les Québécois peuvent syntoniser des stations de langue française auxquelles n'ont pas encore accès les Francophones hors Québec.
Par conséquent et eu égard aux problèmes énoncés dans ce mémoire, nos recommandations sont les suivantes: