Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec, 12 août 1997
La parole est aux élèves...
Pour moi, l'égalité des chances à l'école,
c'est d'être dans l'école de mon quartier, dans une
classe ordinaire. J'ai quelqu'un qui fait valoir mes droits et mes
besoins au conseil d'établissement de mon école. Mes
parents participent avec les autres intervenants à
l'élaboration du plan d'intervention qui va m'aider dans mes
apprentissages académiques et sociaux. J'ai des services de
qualité et des personnes qui me soutiennent dans mon
cheminement.
Malgré ma différence, je me sens respecté-e comme
personne, je suis appuyé-e et soutenu-e dans mes
difficultés. J'ai confiance en moi et dans mon potentiel, je
réussis.
J'ai ma place à l'école, j'ai le goût de prendre
ma place dans la société, je développe des outils
pour prendre ma place dans la vie. Je me sens
préparé-e. Je suis heureux-se.
Alexandre, Caroline, Christian, Geneviève, Louis-Olivier,
Mélissa, Simon, Sylvain, Virginie et tous les
autres...
Préambule
1- La réforme de l'éducation
: une mission éducative à garantir pour tous les
élèves
2. La réforme de l'éducation
: des enjeux qui appellent la vigilance
3. L'inclusion scolaire des
élèves handicapés : des principes à respecter,
des droits à reconnaître, des services à
garantir
4. La réforme de l'éducation
: des mises en garde sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur
l'Instruction publique
4.1 Les conseils
d'établissement : pouvoirs et composition
4.2 La direction d'école :
le plan d'intervention, les manuels scolaires et le matériel
pédagogique
4.3 Le comité consultatif de la
Commission pour les services aux élèves handicapés
et aux élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage
4.4 Les services
complémentaires
4.5 La formation professionnelle
et la reconnaissance des acquis
4.6 La formation
continue
4.7 les normes organisationnelles
et les règles budgétaires
5. La réforme de l'éducation
: d'autres enjeux significatifs
5.1 Les services à la petite
enfance
5.2 La formation des maîtres
et la dynamique pédagogique
5.3 L'enseignement
privé
6.
Recommandations
7 . Conclusion
Incorporée en 1985, la Confédération des
Organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN) a
pour mission de favoriser l'amélioration des conditions de vie
des personnes ayant des incapacités dans une optique
d'intégration sociale.
Née de la volonté des organismes de personnes
handicapées de créer un mouvement de concertation, la
COPHAN intervient dans les différents secteurs de vie des
personnes ayant des incapacités afin qu'elles participent
pleinement et entièrement à la société.
La COPHAN assume un rôle de rassembleur auprès d'une
quarantaine d'organismes-membres représentant différents
types de limitations fonctionnelles. Elle développe
également des actions de partenariat avec un bon nombre
d'organismes concernés par la problématique de la
participation sociale des personnes handicapées. Elle assure,
de concert avec ses organismes-membres, les actions de
représentation auprès des décideurs et des
partenaires socio-économiques.
La COPHAN est intervenue à plusieurs reprises en
commissions parlementaires portant la réforme scolaire. En
1988, elle participait activement aux travaux sur le projet de loi
107 en avançant le principe du droit à l'intégration
à la classe «ordinaire» dans l'école du
quartier. Ce principe est toujours d'actualité. La COPHAN a
appuyé les luttes des parents jusqu'aux plus hautes instances
du système juridique afin de faire reconnaître le droit
à l'intégration scolaire des enfants handicapés.
Plus récemment, en 1996, la COPHAN et ses
organismes-membres concernés par la problématique de
l'intégration scolaire se sont positionnés lors des
États généraux de l'éducation par la
présentation de certaines avenues pouvant contribuer à
l'amélioration de la performance du réseau scolaire
auprès des élèves handicapés.
La COPHAN a produit des outils et des guides de sensibilisation
à l'intention des parents. Elle a développé avec ses
organismes-membres concernés par la problématique
scolaire, une position concertée sur la plate-forme de ses
revendications en matière de services éducatifs inclusifs
pour les élèves ayant des incapacités. Enfin, en
juin 1997, la COPHAN présentait une ébauche de son
rapport d'enquête sur des exemples de réussites en
matière d'intégration scolaire.
La présente commission de l'éducation sur
l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'Instruction publique
constitue pour le milieu associatif des personnes handicapées
une occasion d'actualiser ses représentations en matière
de services éducatifs inclusifs pour les élèves
ayant, des incapacités. Nous tenons à remercier les
membres de la Commission de nous accorder une audition afin de
réitérer les valeurs et les principes que nous
préconisons ainsi que les moyens que nous proposons afin que
les élèves handicapés puissent exercer leur
droit à l'éducation en toute égalité, en toute
équité avec leurs pairs à l'intérieur d'un
système scolaire qui reconnaît ce droit pleinement et
entièrement.
L'éducation étant l'un des fondements de la
société, il importe de s'assurer que la mission
éducative ne subisse aucune brèche dans le contexte de la
présente réforme amorcée. À ce chapitre, les
États généraux de l'éducation ont établi
un consensus clair : donnera l'éducation une mission qui
favorise le développement intégral des élèves
et ce, en toute équité et dans le respect du principe
fondamental de l'égalité des chances. La réforme
présentement en cours doit rencontrer les trois finalités
avancées dans le cadre des États généraux :
l'instruction, la socialisation et la qualification. Ces trois axes
doivent sous-tendre l'ensemble des actions des agents
impliqués dans l'éducation afin d'assurer
l'équité, la continuité et la cohérence à
l'intérieur du système scolaire québécois.
Ainsi, l'école doit s'appuyer sur le respect de valeurs
communément admises et reconnues par la société :
l'estime de soi, le respect des autres dans leurs différences,
la créativité, la rigueur, le sens de l'effort, la
dignité, la coopération, la solidarité, la paix, le
respect de l'environnement.
La participation des élèves handicapés à
l'intérieur du système scolaire suppose qu'ils soient
reconnus comme citoyens à part entière, ce qui implique
que :
- Que la société reconnaisse non seulement l'existence
des personnes handicapées mais aussi l'exercice de leurs
droits plein et entier
- Que ces élèves handicapés n'ont pas seulement
des besoins mais aussi des droits
- Que le réseau
scolaire n'a pas seulement des
responsabilités administratives
mais également des obligations de services
éducatifs qui incluent les élèves handicapés et
qui répondent à leurs besoins.
Afin d'actualiser la mission éducative de l'école pour
les élèves ayant des incapacités, celle-ci doit
être accessible, ouverte, équitable.
La présente réforme se veut une réforme en
profondeur. Elle interpelle l'ensemble des paliers à
l'intérieur du système scolaire : les commissions
scolaires, les écoles, le milieu. Les transformations et
amendements proposés dans l'avant-projet de loi de la Loi sur
l'Instruction publique précisent le cadre de l'organisation
des services, les pouvoirs et les responsabilités des
directions d'école, des conseils d'établissement. Cet
avant-projet de loi représente un enjeu important puisqu'il
élargit substantiellement les pouvoirs de l'école par le
biais de la composition, des rôles et des responsabilités
du conseil d'établissement. Il précise également les
rôles des directions d'école et des centres de formation
professionnelle.
Ainsi, le centre névralgique des décisions se
concentre autour de l'école quant aux orientations, à
l'élaboration et la mise en application de son projet
éducatif. Même si le cadre général est toujours
défini par le régime pédagogique, les lieux de
décision sont déplacés vers les écoles et
s'inscrivent dans l'optique d'une décentralisation
actualisée à travers les responsabilités
partagées entre les directions d'école et les conseils
d'établissement.
Ces enjeux affectent l'ensemble des élèves mais ne
sont pas sans inquiéter les milieux qui militent en faveur de
l'intégration scolaire et sociale des élèves ayant
des incapacités. Dans quelle mesure ces déplacements de
responsabilités permettront-ils aux élèves
handicapés d'accéder pleinement et intégralement aux
finalités éducatives de l'école?
Comment se traduiront les volontés des décideurs
scolaires à assurer un cadre de fréquentation, un lieu
intégré et des services éducatifs qui incluent les
élèves ayant des incapacités?
La réforme actuellement en cours mettra-t-elle en
péril le consensus social par les États
généraux? Assisterons-nous à la mise en place d'un
système d'éducation à deux vitesses? Les
élèves handicapés et en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage se verront-ils plus facilement confinés
vers les écoles spéciales en raison de la
réorganisation des commissions scolaires fusionnées?
Nous souhaitons ici effectuer une mise en garde quant aux enjeux
découlant de la réforme afin de ne pas perdre de vue les
droits ries élèves handicapés et. leurs besoins en
matière de services. Voici quelques enjeux dont les effets
pervers risqueraient de compromettre vingt ans de progression
durement gagnée au prix d'efforts et de luttes de la part des
parents des élèves handicapés :
- La fusion des commissions scolaires risque de noyer les efforts
de celles prônant l'intégration des élèves
handicapés au profit de la majorité qui préconisent
la voie inverse. Dans le cadre de la mise en place de
mégacommissions scolaires, donc d'un plus large bassin
à desservir, la centralisation ou la concentration de services
en un lieu donné risque de devenir une avenue
privilégiée pour l'organisation des services aux
élèves handicapés. Des ententes entre les
établissements scolaires pour offrir des services à
certains élèves amèment le risque élevé de
voir ceux-ci concentrés dans une même école, loin du
domicile et du milieu de vie de l'élève. Les incidences
de cette organisation sur le transport scolaire ravivent les
inquiétudes quant au nombre d'heures quotidien que le jeune
aurait à investir pour recevoir ses services
éducatifs
- Le resserrement des cursus d'études vers les matières
de base et les sciences risque d'orienter certaines catégories
d'élèves ayant des incapacités vers des voies de
formation pratique au détriment de la formation
académique.
Ce même resserrement des cursus précise les
matières académiques pour la finalité éducative
d'instruire mais les finalités de socialisation et de
qualification restent encore imprécises quant aux cursus et
aux programmes qui devraient leur être impartis ainsi que les
modes d'évaluation de ceux-ci.
Ainsi, peut-il exister une inéquité entre les trois
axes de la finalité éducative pour les élèves
ayant des incapacités. L'enjeu de la réussite scolaire
risque de développer un effet pervers en creusant des
fossés pour certaines catégories de personnes.
Les pouvoirs des écoles en matière d'orientation et de
prestation de services éducatifs sont augmentés et
renforcés par le biais des responsabilités des conseils
d'établissement. Si la représentativité des parents
d'enfants ayant des incapacités est absente ou insuffisante au
conseil d'établissement, le projet éducatif de cette
école pourrait occulter les besoins des élèves ayant
des incapacités et les services éducatifs qui les
incluent dans cette école même si la commission scolaire
est dotée d'une politique d'adaptation scolaire qui respecte
les principes d'intégration et de services éducatifs
inclusifs
Le mode de financement des commissions scolaires et les
ponctions substantielles affectées au système
d'éducation québécois risquent de compromettre le
maintien et le développement de services éducatifs qui
tiennent compte des besoins des élèves, de tous les
élèves. La marge de manoeuvre des commissions scolaires
se rétrécit et les services d'accompagnement à temps
complet n'est par garanti. Des îlots d'écoles
spécialisées seront-ils assujettis à ces règles
et ces compressions budgétaires pour remplacer les services
éducatifs dans la classe régulière?
En dépit de la Loi sur l'Instruction publique qui garantit
la prestation de services éducatifs jusqu'à 21 ans pour
les élèves handicapés tels que définis par la
Loi de l'exercice des droits des personnes handicapées, la
redéfinition de 1 a catégorie de clientèle
«à risque» pourrait compromettre l'exercice de ce
droit pour certaines clientèles, notamment, pour les personnes
vivant avec une déficience intellectuelle
légère.
Encore une fois, les finalités éducatives pourraient
se voir escamotées par une offre de services insuffisante et
confinée à l'intérieur de voies d'exclusion.
Afin d'actualiser les trois axes de la mission éducative de
l'école pour les élèves ayant des incapacités
au même titre que pour leurs pairs, la présente
réforme doit reconnaître et garantir concrètement
des services qui s'inscrivent directement dans le prolongement des
principes en cause.
Afin que tous les élèves puissent se développer
de façon globale, intégrale et optimale, il convient de
reconnaître, de promouvoir et d'actualiser le principe de
l'égalité des chances au départ. Mais cette
égalité des chances pour l'élève doit se
traduire pour l'égalité des résultats d'une
école à l'autre afin de garantir l'équité, la
continuité et la cohérence dans l'offre de services.
Des principes à respecter
Fondée sur l'égalité des chances, la mission
éducative de l'école doit s'inscrire en conformité
et en continuité avec le continuum de développement de
l'élève et se traduire par une gamme de services
éducatifs inclusifs qui respectent ce même continuum.
Ainsi, les principes à la base du cheminement des
élèves ayant des incapacités sont :
l'équité, la continuité et la cohérence.
- l'équité signifie que l'élève ayant des
besoins spéciaux doit pouvoir bénéficier des
mêmes droits, du même cadre éducatif, des mêmes
possibilités d'accès aux services éducatifs
inclusifs que ses pairs. Toute mesure d'exclusion qui aurait pour
effet de restreindre voire de compromettre l'accès des
élèves ayant des incapacités à ces droits,
à ce cadre éducatif et à ces services inclusifs
aurait pour conséquence de nuire à l'actualisation de
cette mission éducative qui se veut pour tous. Nous
n'insisterons jamais assez sur l'équité et
l'égalité comme gages d'un plein accès à
l'éducation
- la continuité implique pour tous les élèves y
compris les élèves ayant des incapacités, que
l'ensemble d'un système scolaire québécois puisse
respecter le continuum de services dispensés en petite enfance
et au niveau préscolaire. Elle suppose également que le
passage d'un niveau scolaire à un autre s'effectue de
façon harmonieuse en poursuivant les lignes d'actions
enchâssées dans le plan d'intervention établi avant
le classement de l'élève. La continuité se traduit
également par la qualité et l'adéquation des
services éducatifs d'une école à l'autre, d'une
commission scolaire à l'autre. L'établissement et
l'application du plan d'intervention constituent cette garantie de
continuité en autant que ce plan s'inscrit dans le projet
éducatif établi par le conseil d'établissement.
La cohérence représente également une composante
majeure des principes afin que l'élève soit pleinement
intégré aux services éducatifs de son école. La
cohérence doit transcender le projet éducatif de
l'école afin de reconnaître les droits et les besoins des
élèves ayant des incapacités. Qu'il s'agisse du
choix des manuels scolaires, du matériel pédagogique, des
activités académiques ou complémentaires, des
ressources professionnelles et matérielles pour les
élèves, encore une fois l'établissement et la mise
en application du plan d'intervention doivent guider les actions
visant l'atteinte des objectifs des axes à la base de la
mission éducative de l'école.
Des droits à reconnaître
Afin de rencontrer les objectifs de la mission éducative de
l'école dans le respect de l'égalité des chances et
de l'équité, un ensemble de principes et de droits doit
être reconnu et actualisé pour les élèves ayant
des incapacités :
- le droit de se développer dans le cadre le plus favorable
à leur participation sociale pleine et entière, i.e. la
classe ordinaire dans l'école du quartier;
- le droit à des services éducatifs inclusifs dans
l'école du quartier, en classe ordinaire pour toute la
durée de la scolarité primaire et secondaire;
- l'accessibilité réelle des ressources
régulières afin de répondre adéquatement et
efficacement aux besoins identifiés au plan
d'intervention;
- la reconnaissance des trois axes de la mission éducative
(instruction, socialisation et qualification) à
l'intérieur des cursus d'études;
- la reconnaissance et l'intégration dans les cursus et dans
les programmes, les connaissances et les habiletés acquises et
développées par certains élèves ayant des
limitations fonctionnelles;
- l'élaboration et la reconnaissance des profils de
formation et de sortie pour tous les élèves
fréquentant l'école en tenant compte de leur bagage
académique, de leur niveau de socialisation et de leur
préparation aux différents rôles sociaux. Ces
profils ne doivent pas cependant donner lieu à un système
de scolarisation parallèle qui aurait pour effet d'exclure les
élèves ayant des incapacités.
Des services à garantir
Les droits et les principes énumérés
précédemment posent les premiers jalons d'une
intervention qui respecte l'équité et l'égalité
des chances pour les élèves ayant des incapacités.
Mais si la mise en place de services éducatifs inclusifs ne
s'actualise pas de façon efficace et efficiente, la mission
éducative de l'école ne pourra se concrétiser pour
le jeune ayant des besoins spéciaux. Les principaux services
sont les suivants :
l'élaboration et l'application du plan d'intervention
englobant la mise en place de services et de mesures requis pour
permettre sa réalisation effective. Ce plan d'intervention
doit se structurer à partir de la participation reconnue et
valorisée des parents et de l'ensemble des intervenants
définis dans l'avant-projet de loi
- les balises identifiant les services à offrir doivent
être clairement établies par le MEQ afin d'éviter
les disparités dans les sous-régions
- la gratuité des équipements et du matériel
pédagogique doit être maintenue et l'accessibilité
des équipements doit être affirmée
- les critères d'inscription à l'école ne doit pas
devenir une mesure d'exclusion pour les élèves ayant des
incapacités à l'intérieur de leur choix et que le
projet éducatif tienne compte et se préoccupe de la
réussite de l'inclusion des élèves handicapés
aux services éducatifs de son école
- les normes organisationnelles des services d'une commission
scolaire devraient prévoir la modalité
d'élaboration, de réalisation et révision du plan
d'intervention afin de guider les directions d'école dans leur
élaboration et sa mise, en application et ce dans le but
d'éviter les disparités entre les écoles, lesquelles
pourraient influer sur les principes d'équité, de
continuité et de cohérence
- les modalités d'application du régime
pédagogique doivent être révisées afin
d'éviter des aberrations vécues entre autres par des
élèves qui devaient effectuer trois heures de
déplacement quotidien pour se rendre à une école
spéciale
- la préoccupation de la réalité culturelle et
ethnique des élèves handicapés doit être prise
en considération à l'intérieur des cursus, des
manuels scolaires et du matériel pédagogique. Elle doit
être aussi considérée à l'intérieur des
activités complémentaires afin d'orienter également
la mission éducative sur ses trois axes d'intervention en
permettant à ces élèves de posséder le profil
de sortie des réseaux primaire et secondaire le plus
adéquat possible.
Les principes, les droits, les services, les
responsabilités partagées entre les différents
paliers du système scolaire doivent faire l'objet d'une
codification qui les oriente, les précise et les balise dans
leur application. Voilà bien un objectif louable.
Cependant., en scrutant, de plus près les amendements
proposés dans l'avant-projet, de loi modifiant, la loi sur
l'Instruction publique, force nous est de constater certaines
omissions en ce qui concerne les élèves ayant des
incapacités. Les conséquences peuvent amener des flous,
des zones grises qui limiteraient substantiellement, et même
dans certains cas, qui causeraient des torts irréparables dans
l'actualisation de l'égalité des chances à
l'intérieur des axes de la mission éducative de
l'école. Les lignes qui suivent se veulent des mises en garde
et même des recommandations visant la prise en compte des
droits et des besoins des élèves handicapés et de
leurs familles.
a) À priori, la responsabilité partagée
d'attribuer à la direction d'école mais également au
conseil d'établissement, l'établissement du plan
d'intervention pour les élèves handicapés, nous
apparaît heureux. Cependant, nous demeurons prudents car nous
interrogeons quant aux moyens concrets qui seront mis de l'avant
pour atteindre cet objectif. À cette fin, il devrait être
précisé que le plan d'intervention soit établi avant
le classement scolaire et ce, en collaboration avec les parents et
les intervenants. Ainsi l'imputabilité ne relève plus
seulement d'une personne ou d'une instance, mais bien de l'ensemble
des participants devenant partie prenante de son élaboration
et de son suivi.
b) La définition du projet éducatif, les choix du
matériel pédagogique, des manuels scolaires, des
modifications possibles au régime pédagogique sont
dévolus au conseil d'établissement. Cette
responsabilité procure indéniablement une
«couleur» éducative qui est fort souhaitable pour
faire de l'école un lieu d'appartenance pour tous les
élèves. Cependant, nous sommes enclins à formuler
certaines réserves par rapport au peu de cas que l'on peut
faire des droits et des besoins des élèves
handicapés. Voici quelques exemples de sombres scénarios
qui pourraient se produire si cette réalité était
occultée.
- les résultats d'entente inter-établissements
pourraient mener à la forte concentration d'élèves
handicapés à l'intérieur d'une ou de quelques
écoles dont la vocation serait définie par le projet,
éducatif de cette ou de ces écoles. Ces résultantes
affecteraient sensiblement les principes et les services
éducatifs inclusifs auprès de ces élèves. Entre
cette forme de ghettoisation et les écoles spéciales, la
frontière est plutôt mince
- le choix des manuels scolaires et du matériel
pédagogique étant sous la responsabilité des
directions d'écoles et des conseils d'établissement, il
devient facile à prévoir qu'un élève
handicapé rencontrant déjà certaines
difficultés d'adaptation au matériel puisse se trouver
désorganisé dans l'éventualité d'un
déménagement dans un autre établissement n'ayant pas
les mêmes outils pédagogiques
- la possibilité de modifier le régime pédagogique
en mettant l'accent sur tel ou tel aspect du curriculum
d'études risque d'orienter le projet éducatif de
l'école vers l'excellence (dans l'optique de la réussite
éducative académique) créant ainsi un système
scolaire à deux vitesses duquel pourraient être exclus
les élèves ne cadrant pas dans ce champ
d'excellence.
- Et les exemples peuvent se multiplier si les conseils
d'établissement omettent de considérer que les trois
finalités éducatives s'adressent à tous les
enfants.
c) En rapport avec la composition du conseil
d'établissement, nous souscrivons à la
représentativité des parents et du milieu communautaire
ainsi que de la durée du mandat de deux ans permettant ainsi
d'assurer une certaine continuité et une certaine
cohérence au sein du conseil. De plus, nous saluons
positivement le fait que les représentants des parents au
conseil d'établissement soient élus par leurs pairs.
Toutefois, nous trouvons que les articles de l'avant-projet de
loi sont muets quant au nombre de parents représentés
ainsi que leur poids majoritaire au sein du conseil
d'établissement puisque le nombre des parents est
déterminé, après consultation, par la commission
scolaire. L'on déplore souvent le manque de participation des
parents aux instances scolaires. Cette situation n'est
peut-être pas étrangère au fait que les parents se
sentent souvent minoritaires. De plus, nous constatons que les
représentants de la communauté ne sont pas
précisés et en ce sens, nous émettons certaines
réserves puisque la nature des liens ou de l'apport que ces
représentants pourraient apporter au conseil
d'établissement ne sont pas précis.
Étant donné qu'à l'intérieur de chaque
école, un certain nombre d'élèves handicapés y
reçoit des services, nous réclamons qu'un poste de
représentant des parents soit nommément ajouté
à la liste des représentants, afin de garantir la
préoccupation des élèves handicapés au sein du
projet éducatif de l'école.
Enfin, nous pensons que le président du conseil
d'établissement doit être obligatoirement un parent afin
d'assurer une pleine représentativité des besoins de
l'élève dans l'élaboration du projet éducatif.
Et ce, d'autant plus que la nature des liens avec l'école des
représentants du milieu communautaire n'est pas
précisé.
L'avant-projet de loi précise les responsabilités de
la direction d'école en matière de services
éducatifs et plus précisément le plan d'intervention
pour les enfants handicapés. Nous croyons qu'il y aurait
avantage à renforcer le rôle des parents dans le cadre
d'une responsabilité partagée. Il serait indispensable de
préciser que le plan d'intervention doit être établi
avant le classement de l'élève.
Il devrait aussi être précisé que des
mécanismes de consultation plus étroits devraient
s'établir entre l'école et le comité consultatif des
services aux élèves handicapés et aux des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
(EHDAA) afin d'assurer une plus grande efficacité dans la mise
en oeuvre et dans l'évaluation périodique du plan
d'intervention.
Les réserves que nous formulons en regard des
difficultés que pourraient rencontrer les élèves
handicapés sont les mêmes que dans la section 4.1. De
plus, nous ajoutons qu'il incombe à la direction d'école
la responsabilité de proposer des manuels scolaires et le
matériel pédagogique adaptés aux besoins
spécifiques des élèves handicapés. Enfin, avec
l'aide des parents de ces élèves et à
l'intérieur des grands paramètres d'intervention, la
direction d'école pourrait aussi assumer un rôle de
sensibilisation et de support auprès du conseil
d'établissement quant aux besoins des élèves ayant
des incapacités.
Aucun amendement ne vient modifier substantiellement les
articles portant sur la composition de ce comité. Toutefois,
est-il nécessaire de préciser que la responsabilité
qui incombe à la direction d'école dans
l'élaboration, dans le suivi et dans l'évaluation du plan
d'intervention, est également partagée par un grand
nombre d'intervenants impliqués? Il convient de mentionner que
le comité consultatif des services aux EHDAA d'une commission
scolaire doit assumer un rôle accru de vigilance notamment au
niveau des normes organisationnelles et des budgets alloués
aux services à ces élèves. Et ce, afin de garantir
l'équité en matière de services quelle que soit
l'école que fréquentent ces élèves.
Ces services sont enchâssés dans les
responsabilités confiées aux conseils
d'établissement. Organiser les services de garde, les services
socio-culturels, voilà autant d'occasions pour les membres du
conseil d'établissement de développer une constante
préoccupation de favoriser la participation sociale et
scolaire de l'élève handicapé. Ces services
complémentaires représentent souvent une occasion de mise
en valeur des axes de la mission éducative notamment au niveau
de la socialisation et de la préparation des rôles
sociaux.
a) La formation professionnelle est assurée par un
centre de formation professionnelle. Le centre est un
établissement d'enseignement destiné à assurer des
services éducatifs prévus par le régime
pédagogique applicable à la formation
professionnelle.
Quoique ces centres offrent des alternatives qui présentent
in intérêt, ceux-ci ne doivent pas devenir une voie
d'évitement dans le contexte où l'on assiste à un
resserrement des cursus d'études.
À ce chapitre, les personnes ayant une déficience
intellectuelle sont susceptibles d'être orientées
rapidement et systématiquement dans cette voie au lieu de la
voie académique où les cursus s'orientent vers les
matières de base et les sciences. La voie de la formation
professionnelle doit comporter le maintien d'une passerelle entre
la formation académique et le marché du travail.
Pour ce faire, il importe de favoriser la poursuite des
études secondaires de formation générale ou
l'intégration dans le champ de la formation professionnelle
pour les élèves ayant complété le premier cycle
du secondaire ou pour ceux en âge d'intégrer cette
formation.
Dans le respect de l'égalité des chances, les centres
de formation professionnelle doivent augmenter leur capacité
d'accueil en révisant les règles d'admission pour tenir
compte des besoins et la diversité des clientèles. Nous
croyons que l'accès à la formation professionnelle passe
par l'évaluation des acquis fonctionnels et les méthodes
d'enseignement en tenant compte des besoins des jeunes
handicapés. L'arrimage entre la formation et les stages en
entreprise pourra se faire avantageusement par le biais de
stages/études.
b) La reconnaissance des acquis représente un enjeu
important, pour officialiser le profil de sortie de
l'élève handicapé, notamment au niveau de la
formation professionnelle. Or, ces acquis particuliers sont
actuellement, peu reconnus. Souvent la formation s'effectue à
rabais et les programmes ne recevront pas de sanctions officielles.
Le peu d'expertise dans la reconnaissance des acquis particuliers
(apprentissage du braille et du langage gestuel) freine
l'accès aux études post-secondaires. Pourtant, ces
apprentissages pourraient avantageusement être reconnus et
crédités en remplacement de cours optionnels.
L'avant-projet de loi est complètement silencieux sur cette
question pourtant cruciale dans le continuum école-travail
pour les élèves ayant des incapacités.
La formation continue possède deux volets : la formation de
base (alphabétisation) et le perfectionnement/recyclage. Une
meilleure scolarisation au cours des niveaux primaire et secondaire
permettra d'éviter cette voie d'alphabétisation
contrairement aux générations précédentes
où les jeunes élèves handicapés ne recevaient
pas toujours les services les plus adéquats lors de leur
formation académique.
Les personnes ayant des incapacités ont un taux de
scolarité plus bas que la population québécoise. Il
faudra donc que la politique de la formation continue ait pour
mission de corriger cette situation.
Pour toutes sortes de raisons, on retrouve les personnes
handicapées, la plupart du temps, dans les classes à
cheminement particulier. Notons que cette situation n'est pas la
résultat du choix de l'étudiant ou de ses parents.
Actuellement, cheminement particulier veut presque dire exclusion
à jamais du système régulier, les passerelles pour
passer d'une classe à l'autre sont inopérantes. On se
retrouve donc sans possibilité d'accès à des
études supérieures.
La formation continue ne doit pas devenir la voie
d'évitement pour les élèves moins performants.
Quelque soit le lieu de scolarisation, les services doivent
répondre aux besoins particuliers des élèves
handicapés. Le plan d'intervention demeure encore un outil
à utiliser.
Les compressions budgétaires frappent durement les services
en adaptation scolaire, compromettant dramatiquement l'accès
adéquat aux ressources pour les élèves ayant des
besoins spéciaux et affectant aussi l'égalité de
leurs chances en éducation.
Même si les comités consultatifs des services aux
élèves handicapés et en difficultés
d'adaptation et d'apprentissage jouent un rôle aviseur quant
à la nature des normes organisationnelles visant les services,
nous constatons les manques de transparence des commissions en
matière de dépenses imputées aux services pour les
EHDAA.
Pourtant, l'allocation spécifique à l'adaptation
scolaire doit être priorisée comme un choix de
société. À ce chapitre, le plan d'intervention est
l'outil qui permet de définir les besoins réels du jeune.
Nous anticipons que le partage des responsabilités entre les
directions d'école et les conseils d'établissement d'une
part et les comités consultatifs de services aux EHDAA
permette un meilleur arrimage dans les actions auprès des
commissions scolaires.
Considérer la mise en place des services éducatifs
inclusifs pour les élèves handicapés comme un
investissement dans l'avenir au lieu d'une dépense, voila le
défi qui relève d'un choix de société. Est-il
utile de rappeler que le maintien de deux systèmes scolaires
parallèles est plus coûteux et plus lourd à
gérer qu'une véritable concertation des intervenants sur
les services à offrir aux EHDAA?
Nous avons à maintes reprises insisté sur la
nécessité d'assurer un continuum
famille-école-travai1. En effet, le dépistage
précoce constitue un investissement qui garantit une meilleure
adaptation des services. Cependant, le manque de concertation entre
les services publics destinés à la petite enfance limite
encore substantiellement les efforts dans l'atteinte de
l'équité, de la continuité et de la cohérence.
À quand la création d'une politique globale à la
petite enfance, incluant les enfants ayant des déficiences?
Pourtant cette politique constitue la clé de voûte du
véritable continuum de services durant toute la
scolarisation.
a) Afin de bien outiller le futur enseignant à prodiguer un
enseignement auprès d'une clientèle diversifiée,
nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité du
développement de compétences spécifiques à
l'intérieur du programme de formation des maîtres.
Le virage de la classe à clientèles diversifiées
implique un perfectionnement en ce sens et un ressourcement des
enseignants par les commissions scolaires en collaboration avec les
milieux de recherche et les milieux associatifs de personnes
handicapées qui possèdent souvent une expertise riche et
significative.
b) La qualité de la relation maître-école et de
l'enseignement reçu demeure déterminante pour le
développement optimal et global de l'élève
handicapé, le plan d'intervention doit guider l'enseignant
dans les stratégies pédagogiques et ce, en collaboration
avec les parents quant à l'atteinte des objectifs
visés.
Enfin, les enseignants doivent être évalués
régulièrement, sur leur pratique pédagogique et
soutenus efficacement lorsqu'ils interviennent avec des
élèves handicapés.
Deux problèmes majeurs confrontent les familles d'enfants
handicapés lorsque vient le temps de choisir l'école pour
répondre aux besoins de leurs jeunes. Certaines commissions
scolaires se déresponsabilisent face à l'accueil des
élèves handicapés en les orientant vers les
écoles spéciales privées. D'autre part, les
élèves présentant certaines déficiences ou
difficultés d'apprentissage ont de la difficulté à
se faire admettre dans les écoles privées
régulières. Dans les deux cas, nous demandons une plus
grande responsabilisation et un soutien accru pour la réussite
du jeune et l'actualisation de la mission éducative dans une
optique d'égalité des chances.
- Que la réforme de l'éducation renforce les
finalités de l'éducation établies par les consensus
des États généraux et que ces finalités guident
les réformes dans les curriculums et dans les
programmes dans l'intérêt de tous les
élèves.
- Que les principes d'équité, de continuité et de
cohérence guident la réforme de l'éducation pour
tous les élèves. Ces principes devant encadrer les
politiques d'adaptation scolaire adoptées
par les commissions scolaires et
appliquées par les conseils d'établissement des
écoles dans le but de favoriser l'intégration scolaire et
sociale des élèves.
- Que les compressions budgétaires n'affectent pas les
ressources donnant des chances égales en éducation pour
les élèves ayant des besoins spéciaux.
- Que dans les transferts de responsabilités soient garantis
les valeurs et les principes qui
sous-tendent les finalités de l'éducation.
- Que la composition et les pouvoirs des conseils
d'établissement prennent en compte les besoins et les droits
des élèves ayant des besoins spéciaux par le biais
d'une représentation de parents de ces élèves.
La Confédération des Organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN) et ses
associations-membres formulent le voeu que la Commission de
l'Éducation chargée d'entendre les groupes concernés
par la réforme de l'éducation accueillera le présent
mémoire dans un esprit d'ouverture. Nous espérons qu'elle
agira comme courroie de transmission du flambeau qui nous a
été confié par les associations de parents qui
veulent pour leurs jeunes une école plus humaine, plus ouverte
aux déficiences, plus à l'écoute des besoins et
proactive dans son offre de services éducatifs qui incluent
les élèves handicapés à part entière au
même titre que les élèves non handicapés.
Renforcés par les consensus établis lors des
États généraux de l'Éducation sur la mission
éducative de l'école l'instruction, la socialisation, la
qualification, nous souhaitons que les principes
d'équité, de continuité, de cohérence
s'affirment à l'intérieur des services qui incluent les
élèves handicapés au même titre que tous les
autres élèves.
Une école qui garantit aujourd'hui l'égalité des
chances pour ses élèves qui ont des besoins
spéciaux, cette même école investit dans
l'égalité des résultats pour ses citoyens qui
formeront la société de demain.
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