Résumé analytique du rapport Anctil

Document de travail de la cophan

MARS 2001

Petite histoire de la démarche

À l'automne 1999, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) entreprenait la révision du Cadre de référence sur les services à domicile (1994). Un Comité directeur, composé de "chargés de projet clientèles" au MSSS, de deux représentants de la Direction de la recherche et de l'évaluation, d'un représentant des régies régionales et d'un représentant des CLSC-CHSLD (donc, des personnes issues du milieu gouvernemental et institutionnel), se voyait confier la tâche de formuler des propositions d'orientations ministérielles qui allaient être soumises aux autorités politiques du Ministère, au terme de la démarche. Ce Comité directeur était coordonné par M. Hervé Anctil, d'où le nom de Comité Anctil.

Le milieu associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles avait à plusieurs reprises fait part au MSSS de son intérêt à participer aux travaux de révision du cadre de référence des services de maintien à domicile. Le Ministère a finalement accédé à cette demande et des "groupes de travail clientèle" ont été formés, présidés chacun par un responsable clientèle du Ministère :

personnes âgées, personnes ayant des limitations fonctionnelles, personnes ayant ou ayant eu des problèmes en santé mentale.

Nous avions accepté de participer aux travaux de révision, en stipulant que cette participation ne devait pas exclure la tenue d'une consultation auprès de nos groupes respectifs, et en précisant que cette consultation devrait avoir lieu avant le dépôt des propositions à être formulées par le Comité directeur, auprès des autorités du Ministère.

À cet égard, nous demandions que la consultation se fasse en deux étapes. Une première étape devait, à l'intérieur d'un délai d'un mois, permettre à chacun des regroupements d'usagers participant aux différents Groupes de travail clientèle de consulter leurs instances. La deuxième étape devait se faire dans le cadre de rencontres réunissant l'ensemble des "groupes de travail clientèles" et le Comité directeur, afin de permettre la mise en commun des résultats de consultations menées auprès des regroupements d'usagers et ainsi, mesurer la portée des recommandations formulées par le comité Anctil pour chacun des groupes clientèles.

En novembre 2000, M. Anctil a finalement convoqué l'ensemble des groupes clientèle pour nous soumettre une première version de son rapport. Cette première version a été fortement décriée par l'ensemble des personnes présentes, et pour cause : on n'y retrouvait aucune proposition visant à assurer la gratuité des services pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles. M. Anctil s'était engagé toutefois à tenir compte des commentaires reçus.

Le 20 décembre 2000, le Comité directeur remettait finalement aux autorités du MSSS, son rapport, sans que nous ayons eu l'occasion de revoir cette dernière version. Nous avons demandé, auprès de Mme Mireille Fillion, sous-ministre adjointe, d'avoir accès à ce document, le 25 janvier 2001 et ce n'est que deux mois plus tard, soit le 23 mars 2001. que nous en avons reçu copie. Précisons qu'il avait entre temps, circulé "sous le manteau".

Remarques générales

Dans sa dernière version, le rapport Anctil propose de fonder le nouveau cadre de référence sur des principes dont certains répondent à quelques-unes de nos attentes. Le diagnostic posé sur la situation actuelle correspond sensiblement au nôtre. Le rapport rappelle les engagements de l'État en ce qui concerne la compensation des coûts reliés aux limitations fonctionnelles, reprend une partie des principes directeurs que nous lui avions soumis, et reconnaît grosso modo que les proches des personnes ont des besoins de soutien qui leur sont propres.

Toutefois, même s'il précise que les personnes ayant des incapacités n'ont pas à assumer de frais supplémentaires liés à ces incapacités, quelle que soit l'origine de leurs incapacités, le rapport propose, et c'est là tout un écueil, une tarification des services d'aide domestique pour une partie de cette "clientèle" : les personnes qui ont des incapacité légères, sans facteur de risque social.

De plus, en ce qui concerne les proches des personnes, l'impression qui se dégage de l'ensemble du document, c'est que les besoins de ces personnes, leur évaluation et la nature de l'aide proposée, ne sont considérés qu'en lien avec les besoins de la personne qui nécessite des services de soutien à domicile. La considération distincte de la problématique des deux groupes n'est pas assurée de façon suffisamment précise pour répondre à nos préoccupations.

Dans le cas où le concept de "proches" vise davantage une famille requérant notamment des services et une aide en soutien à l'exercice du rôle parental, le rapport ne répond pas aux attentes que nous avons exprimées au MSSS : la vision de soutien à la famille est absente du rapport. À ce sujet, la question reste entière, à savoir quel devrait être l'interlocuteur valable? Et à l'intérieur de quelle politique devrait-on soumettre cette problématique? Auprès du ministère de la Famille et de l'Enfance, dans le cadre de la Politique familiale, alors que tout le monde sait que ce Ministère n'en est qu'à ses premiers balbutiements?

Il faut aussi s'inquiéter du fait que le rapport Anctil propose une organisation des services qui ferait en sorte que les services publics assurent l'offre de services professionnels alors que les services non-professionnels seraient confiés aux organismes communautaires et aux entreprises d'économie sociale, accélérant ainsi le processus de tarification et privatisation de l'offre de services de soutien à domicile.

Par ailleurs, signalons qu'en dépit du fait que le rapport souligne la nécessité d'investissements majeurs au chapitre des services de soutien à domicile, nous verrons que la recommandation visant à rehausser le financement de ces services est bien loin de répondre à l'ampleur des besoins signalés tout au long du document.

Enfin, notons qu'il faut tenir compte du contexte dans lequel se situe le rapport Anctil. Il faut, en effet, avoir à l'esprit que la production finale de ce document survient presque au même moment où la Commission Clair complétait son rapport, dont certaines recommandations ont reçu un accueil très favorable de la part du MSSS. Certaines sont déjà en voie d'être mises en oeuvre : la réorganisation des services médicaux et sociaux de premières lignes, notamment par la mise en place de Groupes de médecine familiale, une étude visant à vérifier la faisabilité d'une caisse en cas de perte d'autonomie, les projets pilotes visant l'implantation de réseaux de services intégrés pour des clientèles spécifiques, etc.. Il faut donc avoir en tête les recommandations de la Commission Clair pour mieux cerner la portée éventuelle du rapport Anctil, notamment en ce qui concerne l'organisation des services, la tarification et le financement des services de soutien à domicile.

Voyons maintenant, de façon plus détaillée, sous forme de résumé analytique, ce que propose le rapport Anctil. Cette présentation se fera en cinq parties :

  • Diagnostic et identification des enjeux
  • Vision générale et principes directeurs
  • Organisation des services
  • Admissibilité, gratuité et tarification
  • Financement

Partie I : diagnostic et identification des enjeux

1.1 Diagnostic

Dans son introduction, le rapport Anctil pose un diagnostic sur la situation des services de maintien à domicile qui correspond à plusieurs égards au nôtre :

  • Les effets de la transformation du système de santé et des services sociaux sur l'offre de services de maintien à domicile : l'impact du virage ambulatoire sur l'augmentation de la clientèle et le recours sans cesse croissant de la part de l'État, à la "responsabilité" des proches et des familles des personnes qui ont besoin des services
  • Une mosaïque complexe de services offerts par différents distributeurs de services
  • Un cadre de référence imprécis, qui manque de clarté au sujet du partage des responsabilités des différents acteurs.

Cette introduction amène le Comité Anctil vers un constat : les services de maintien à domicile étaient autrefois réservés à la "clientèle" longue durée, plus précisément, les personnes ayant des limitations fonctionnelles (c'est le cadre actuellement en vigueur), mais le contexte actuel ne permet plus d'en rester là. Le nouveau cadre doit composer avec la réalité, de façon à répondre à l'ensemble des besoins : de courte et de longue durée, incluant les soins palliatifs.

Les services de maintien à domicile sont présentés, par le Comité Anctil, comme l'assise centrale des services de santé et services sociaux.

Il faut se demander de quelle façon seront prises les décisions concernant la considération des besoins de chacun des groupes visés par les services de soutien à domicile, puisqu'on oriente vers un même programme, l'ensemble de la "clientèle". Quelles seront les sommes d'argent dévolues et comment seront attribués les budgets ? Comment peut-on vraiment espérer que cette approche, sera celle qui permettra justement de considérer les besoins de chacun, plutôt que de les opposer les uns aux autres, en accordant la priorité à l'un ou à l'autre ?

Nos principales inquiétudes sont nourries par l'impact qu'a produit et continue de produire le virage ambulatoire, et la pression exercée par celui-ci sur l'ensemble de l'organisation et du financement des services de soutien à domicile.

1.2 Identification des enjeux

Au sujet des besoins à combler, le rapport reconnaît à juste titre que les services de maintien à domicile sont actuellement accaparés par la clientèle du virage ambulatoire, au détriment des personnes qui ont besoin de ces services pour assurer leur participation à la vie de la communauté. Les nouvelles sommes d'argent allouées ont ainsi été mobilisées pour les services spécialisés que requiert cette clientèle alors que la clientèle longue durée reçoit une réponse partielle à ses besoins, se retrouve sur des listes d'attente, paie pour les services requis, doit compter sur les proches ou se retrouver dans les salles d'urgence.

Devant cela, le rapport Anctil dit qu'il faut répondre aux besoins actuels et consolider les services existants, mais précise également qu'il faudra nécessairement prévoir un développement accru pour les soins de courte durée et les soins palliatifs. Comment le MSSS résoudra-t-il ce dilemme? Il faudra en effet, voir plus loin les recommandation du Comité Anctil sur la question du financement pour comprendre, qu'à moins d'investissements majeurs, on voit mal comment le MSSS pourrait prétendre à la fois développer les services pour les soins de courte durée et les soins palliatifs, tout en répondant aux besoins des personnes qui ont des incapacités, à moins, évidemment, que la tarification d'une partie des services ne soit dans le collimateur de l'Etat...

Or, il est important de noter ici que le rapport mentionne que le nombre de personnes ayant des incapacités graves ou modérées a diminué de près du quart alors que le nombre de celles qui ont des incapacités légères aurait presque doublé entre 1991 et 1998. Cette donnée est à mettre en parallèle avec la distinction qui sera faite plus loin entre les personnes qui auront accès aux services gratuits (incapacités graves ou modérées) et celles qui devront défrayer les coûts de ces services (incapacités légères).

Au sujet des proches, le rapport reconnaît l'importance de leur apport : entre 70% et 85% des besoins des personnes sont comblés par leurs proches, ce qui représente près de 4 milliards $ en sommes économisées par l'État. Le rapport précise qu'en plus, les proches doivent assumer des dépenses supplémentaires liées à leur engagement envers la personne et s'imposent de surcroît des modifications à leur vie sociale et activités de travail. Le rapport nous rejoint ici, dans nos préoccupations concernant la nécessité de reconnaître et de donner un support aux proches qui acceptent de jouer ce rôle auprès de la personne. Il faudra cependant voir comment cela se traduira dans la gamme de services offerts et les ressources financières qui seront allouées pour répondre à leurs besoins.

Au sujet du rôle des services publics vs les organismes communautaires (OC) et les entreprises d'économie sociales (EES), le rapport annonce d'emblée l'importance du rôle qui sera confié à ces deux derniers secteurs, laissant au secteur public, le rôle de coordination du travail plutôt que de dispensateur de services, ce qui accentue le processus de privatisation des services par la voie de la sous-traitance et risque d'accroître le recours à la tarification.

Au sujet de l'organisation des services, le rapport relève avec exactitude, la disparité qui existe entre les différentes régions du Québec, tant au niveau de la gamme de services offerts qu'au niveau du financement de ces services (certaines personnes paient pour des services que d'autres reçoivent gratuitement). Il est intéressant de souligner qu'il est précisé que l'organisation devra être revue sous le principe de l'universalité et que c'est le critère de besoins qui doit permettre d'accéder aux services.

Il faut toutefois noter que ce critère de besoins est peut-être un peu neutralisé par le fait que le rapport mentionne que les besoins sont ceux qui sont déterminés par une évaluation professionnelle. La qualité des outils d'évaluation et la participation de la personne à cette évaluation constituent en soi des enjeux importants au niveau de la reconnaissance des besoins : il ne suffit pas d'affirmer que le seul critère se sont les besoins... Mais reconnaissons que c'est un pas dans la bonne direction.

Au sujet de la nécessité d'assurer une meilleure coordination des services, due au déplacement du lieu des soins de l'établissement vers le domicile de la personne, en soulignant que cette question soulève des enjeux en terme de qualité des services, le rapport, sur ce point, rejoint nos préoccupations. Il reste à voir comment cette question sera traitée au moment de la mise en oeuvre du nouveau programme.

Il précise également que cette question soulève des enjeux en terme de circulation de l'information, et ce, à deux niveaux : pour les intervenants, la personne et les proches. Pour les intervenants, comment assurer le relais de l'information entre les professionnels, les établissements et les autres intervenants, dans le respect des règles de la confidentialité? Pour la personne et les proches, comment s'assurer qu'ils sont informés adéquatement en ce qui concerne les services offerts et les lieux où s'adresser?

Rappelons au sujet de la circulation de l'information, les inquiétudes exprimées par la Commission de l'accès à l'information concernant justement une demande du MSSS, visant l'implantation de la carte à puce et le transfert de l'information contenue dans les dossiers cliniques des personnes.

Finalement, au sujet du financement des services de soutien à domicile, le rapport souligne à juste titre, que les dépenses du Québec à ce chapitre sont inférieures à la moyenne canadienne et que l'écart risque de s'accroître avec le niveau des dépenses consenties par l'Ontario. Le rapport conclut à la nécessité d'augmenter les dépenses en vue de soutenir les personnes ayant des incapacités. Nous verrons plus loin que le niveau de rehaussement du financement public proposé dans le rapport est nettement insuffisant pour être en mesure de répondre adéquatement à l'ampleur des besoins.

Partie II : vision générale et principes directeurs

2.1 Approche proposée

Le rapport retient le concept de soutien à domicile plutôt que le maintien à domicile. On nous dit que l'on entend soutenir la personne dans ses choix : elle est libre et en mesure d'exercer ses choix.

La clientèle visée est ainsi définie :

Toute personne, peu importe son âge, qui présente une ou des incapacités, temporaires ou persistantes, dont la cause peut être physique, psychique ou psychosociale, et qui doit recevoir à son domicile une partie ou la totalité des services requis.

Aux proches qui apportent un soutien significatif, régulier ou occasionnel, à une personne ayant des incapacités. Ces personnes sont de l'entourage immédiat ; il peut s'agir d'un membre de la famille ou d'un ami.

Cette définition de clientèle correspond, du moins au niveau du principe, à ce que nous avions avancé à ce sujet, notamment en ce qui concerne l'âge. Elle a également le mérite de reconnaître que les proches doivent recevoir des services de soutien.

Toutefois, on peut se demander ce qu'il advient de l'ensemble des "groupes clientèle" qui ont été répertoriés dans la section introduction du rapport. À ce sujet, est-ce que les personnes qui ont une déficience intellectuelle sont exclues? De toute évidence, la définition proposée demande des éclaircissements. Il est à noter que nous avancions l'idée que la source et la nature de la déficience ne devait pas être un obstacle à l'accès aux services.

Par ailleurs, en ce qui a trait à la définition des proches, on peut se demander si ces personnes auront accès au programme d'aide, même dans le cas où la personne à qui elles apportent leur soutien n'est pas elle-même bénéficiaire des services de soutien à domicile?

En ce qui concerne les objectifs du programme, le rapport reprend des éléments qui nous apparaissent très importants tels que : faire en sorte que le domicile représente une véritable option, favoriser l'intégration sociale et la participation à la vie communautaire...

Au niveau de l'éventail des services annoncés, pour la personne, le rapport prévoit les services d'aide à la personne destinés à compenser ses limitations fonctionnelles, les services professionnels et le support technique. En ce qui concerne les services aux proches, il faudra voir plus loin ce qu'il en sera, car au chapitre de l'approche proposée, le contenu est plutôt mince. On reconnaît toutefois les besoins reliés aux responsabilités supplémentaires qu'un proche d'une personne ayant des incapacités doit assumer.

L'approche générale proposée a le mérite d'être fondée sur une approche globale de la personne et de tenir compte que la situation de cette personne peut évoluer.

En ce qui concerne l'organisation générale des services, le rapport propose la décentralisation, par territoire de CLSC.

2.2 Principes directeurs

Avant de nous proposer des principes directeurs, le rapport revient sur certains éléments d'importance :

  • les personnes préfèrent vivre dans leur milieu, si on leur offre le soutien nécessaire
  • la notion de proches doit être élargie à plus que le noyau familial et il faut éviter de leur imposer une surcharge de tâche et de stress risquant d'affecter leur santé et leur bien-être
  • le rappel des engagements de l'État à l'égard des personnes qui ont des incapacités : À part...égale (1984), le décret de 1988 reconnaissant le principe de la compensation équitable des incapacités, et finalement, la Politique de la santé et du bien-être (1992), ainsi que l'article 1 de la Loi sur les services de santé et de services sociaux qui énonce que :

Le régime de santé et de services sociaux (...) a pour but le maintien et l'amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles qu'elles entendent assumer d'une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie.

Par contre, là où on peut dire qu'il y a risque d'un dérapage dans le contenu de cette partie du rapport, c'est lorsqu'on nous dit que le soutien à domicile est une responsabilité collective tout en ajoutant : qui engage tous les acteurs sociaux, ce qui, encore une fois, ouvre à une plus grande intervention des OC et des EES.

Le rapport nous propose néanmoins une série de principes directeurs avec lesquels nous sommes, jusqu'à un certain point, d'accord:

  • Les interventions à domicile viseront à renforcer le potentiel de la personne, afin qu'elle s'« approprie » les leviers nécessaires pour vivre de façon la plus autonome possible.
  • l'engagement des proches est volontaire et résulte d'un choix libre et éclairé. Les proches ont la possibilité de réévaluer la nature et l'ampleur de leur engagement. Il faut noter toutefois que le rapport mentionne que cette reconnaissance ne saurait occulter les obligations normales entre parents et enfants ou entre conjoints comment prendra-t-on en considération cette donnée ? Quelles sont les limites acceptables ?
  • l'équité (nous aurions préféré le droit à l'égalité): à l'échelle de l'individu, l'équité suppose qu'une personne ayant des incapacités n'ait pas à assumer de frais supplémentaires liés à ses incapacités et que les personnes ayant des incapacités soient traitées également, quelle que soit l'origine de leurs Incapacités. Ainsi, à profils de besoins équivalents tous doivent avoir accès à une gamme similaire de services de soutien à domicile, selon les mêmes modalités d'accès, quel que soit l'endroit où ils habitent.

À l'échelle de la collectivité, l'équité exige que les ressources soient distribuées entre les territoires en tenant compte des caractéristiques socio-sanitaires de la population et de la géographie du territoire.

  • l'universalité : les services sont offerts en fonction essentiellement des besoins de la personne dans son milieu, et de ses proches, déterminés selon un outil d'évaluation unique et reconnu. La hauteur du revenu d'une personne ne doit jamais constituer une barrière à l'accès aux services.

Et la gratuité ?

  • L'utilisation efficiente des ressources : les services sont organisés en vue de répondre, le mieux possible, aux besoins de chaque territoire, de la population desservie. Ce principe conduit à favoriser le soutien à domicile préalablement à tout recours à des ressources spécialisées. De plus, la possibilité d'un retour à domicile doit être considérée à toutes les phases d'un séjour en établissement. Le soutien accordé doit permettre à la personne et à ses proches de vivre dans des conditions satisfaisantes à domicile. (À noter les passages soulignés)
  • La neutralité : le choix de vivre à domicile ou d'y recevoir des soins ne doit pas comporter de « désincitatifs » pour la personne et les proches. Par ailleurs, les personnes qui reçoivent de l'aide à domicile ne doivent pas en retirer un avantage financier en évitant d'assumer des dépenses qui autrement leur reviendraient.

Il faut noter cependant que le rapport ne reprend pas les principes suivants qui avaient été formulés par la coalition des "groupes clientèle" : les principes d'autoévaluation et d'autodétermination de la personne, le caractère public des services, l'intégralité, l'accessibilité immédiate, la transférabilité interrégionale et intrarégionale, la reconnaissance d'espaces démocratiques permettant aux personnes d'intervenir au niveau de la gestion et des orientations des programmes, de même que l'accessibilité à de réels mécanismes de recours, la responsabilité sociale formelle de l'État à l'égard du soutien à domicile, la gratuité des services (le rapport nous dit plutôt que la hauteur du revenu d'une personne ne doit jamais constituer une barrière à l'accès aux services), l'adaptation des services aux besoins des personnes et en fonction de certaines spécificités (déterminants sociaux, ou en lien avec des données culturelles ou sexuelles).

D'autres éléments sont retenus dans le rapport à différents endroits, mais ne se retrouvent pas au chapitre des principes directeurs : la personne au centre de la démarche, la personne a droit aux services indépendamment de là présence ou des ressources de ses proches. Pourquoi ces principes n'ont-ils pas été repris dans la section pertinente à cet effet?

Partie III : organisation des services

3.1 Guichet d'entrée et dispensateurs de services

Le rapport désigne les CLSC comme responsable de l'organisation et de la coordination des services. Ils peuvent offrir certains services ou, le cas échéant, référer aux ressources du milieu. Ils doivent offrir dans les 24 heures, une réponse sur les suites qui seront données à la demande.

Il faut comprendre que les CLSC seront de moins en moins les dispensateurs de services : ils sont plutôt désignés comme responsables de voir à la mise en place d'une gamme standardisée de services sur leur territoire respectif. Il faut se demander comment les CLSC vont voir, comme cela est annoncé dans le rapport, au développement des OC et EES qui seront chargés, en sous-traitance, d'offrir une bonne partie des services de soutien à domicile. Le rapport est silencieux sur ce point. De fait, le rapport recommande que les CLSC soient responsables d'offrir eux-mêmes les services professionnels. Les services d'aide à domicile et les services aux proches, dans certains cas (on le verra plus loin), seraient offerts par les CLSC mais dans la plupart des cas, seraient relayés aux OC et aux EES.

3.2 Services offerts aux personnes

Le rapport distingue trois types de services mais nous les présente comme un tout : les services d'aide à domicile, les services professionnels (offerts par les CLSC et par des professionnels rémunérés par la RAMQ qui collaborent avec le CLSC) et le support technique (fournitures médicales, équipements et aides techniques). Sur ce point, il faut signaler que le rapport nous présente l'ensemble des services comme un tout qui devrait s'intégrer. Il faut se demander toutefois, comment cela pourra se faire, compte tenu que l'ensemble des intervenants se retrouvent à différents niveaux d'intervention et ne relèvent pas du même pouvoir décisionnel, le CLSC n'étant en quelque sorte qu'un "animateur" du milieu.

À noter que les services d'aide à domicile couvrent une gamme assez complète de services : assistance personnelle, aide domestique, soutien civique, assistance à l'apprentissage. Dans le cas des services de popotes et accompagnement le rapport mentionne précisément que ces services seront offerts par les OC. On verra plus loin que ce ne seront pas les seuls services offerts par ces organismes.

À noter également, en ce qui concerne le support technique, que le rapport recommande que ces services soient à la charge du réseau public.

3.3 Services offerts aux proches

Ces services, nous dit le rapport doivent être vus comme un ensemble, et offrir tout un éventail de moyens. Bien qu'il reconnaisse que le proche doit être traité comme un usager, le rapport précise que les services aux proches ne peuvent par ailleurs être considérés indépendamment des services à la personne. Comment faut-il comprendre cet énoncé? Y aura-t-il des services pour les proches de personnes qui n'ont pas accès aux soutien à domicile?

Parmi les services offerts on retrouve : l'information et la référence, la formation, les mesures d'appui destinées à soutenir les proches dans leur rôle ou encore à les relayer (soutien aux rôles parentaux, assistance éducative pour les apprentissages, services d'interprétariat pour les parents ou les conjoints sourds...), le gardiennage ou "présence-surveillance" , le répit et le dépannage (réponse aux besoins en situation d'urgence).

Certains éléments sont absents : le dépistage ainsi que le support et l'encadrement à l'annonce du diagnostic, le soutien psychosocial et l'accompagnement des proches.

Quant aux précisions en ce qui concerne les dispensateurs de services aux proches, il faut souligner que le rapport ne va pas très loin à ce sujet, du moins pas aussi précisément que dans le cas des services à la personne que nous verrons plus loin. Tout au plus, nous pouvons remarquer que sauf en ce qui concerne l'information clinique et la formation qui sont confiées aux intervenants et professionnels du réseau de la santé et des services sociaux, de même que les services en situation d'urgence et une part des services de répit gardiennage, la plupart des services sont référés aux OC ou en allocation directe.

Finalement, le rapport recommande la création d'un groupe de travail multisectoriel, en vue de proposer au gouvernement une stratégie nationale d'aide aux proches. Peut-on y voir une forme de reconnaissance du fait que le rapport lui-même ne va pas très loin dans l'élaboration des services à offrir pour répondre aux besoins des proches ?

C'est peut-être aussi la démonstration du fait que le MSSS ne peut cerner à lui seul la problématique, ni intervenir au niveau de l'ensemble des éléments ou dimensions de la problématique proches et familles. D'autres ministères sont en effet concernés : le MEQ et le MFE. N'y aurait-il pas lieu également de voir comment la Politique familiale devrait prendre en compte cette problématique ?

3.4 Accessibilité aux services

La population en général doit avoir accès, 7 jours/semaine, le jour et le soir, aux services d'accueil, d'évaluation sommaire d'une demande et d'orientation. Ces services doivent être dispensés par les CLSC et les lignes info-santé en lien avec les services d'urgence des hôpitaux.

En cas d'urgence pour la clientèle déjà admise au soutien à domicile, ces personnes doivent avoir accès à une infirmière en tout temps, ainsi qu'à un professionnel psychosocial. À noter que le rapport ne précise pas qui assurera ce service. La ligne info-santé ?

Certains services médicaux et professionnels doivent être accessibles en tout temps 24/7 : les soins infirmiers, les services d'inhalothérapie, les services de dépannage (situation de crise, bris d'équipement essentiel) et les services d'aide à domicile.

Les services de base de soutien à domicile doivent être accessibles le jour et le soir, 7 jours semaine.

3.5 Mécanismes de recours

Le rapport est particulièrement déficient à ce chapitre, notamment en ce qui concerne la qualité des services. On peut se demander comment sera garanti le principe de l'impartialité dans le processus prévu :

Le Comité juge que la fonction de coordonnateur de services ou de l'équipe de suivi dans le milieu inclut nécessairement la défense des intérêts de la personne et de ses proches (advocacy). Le coordonnateur ou l'équipe doivent en fait se poser comme le premier recours des usagers.

Lorsqu'un un usager n'obtient pas satisfaction, les mécanismes de recours établis en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux s'appliquent

Partie IV : admissibilité, gratuité et tarification

4.1 Critères d'admissibilité

Le rapport prévoit :

  • une évaluation professionnelle des besoins
  • la participation de la personne et des proches au processus de prise de décision
  • il est plus pertinent et plus efficient d'offrir les services à domicile
  • le domicile doit être jugé adéquat et sécuritaire.

Il faut noter que le rapport préconise un plafond de services : de sorte que la personne est admissible aux services, à la hauteur de ce qu'il en coûterait pour héberger une personne présentant un même profil de besoins dans un établissement public. Au delà de ce plafond, le rapport propose d'envisager le recours à une formule intermédiaire de logement ou, si la personne fait le choix de demeurer à son domicile, elle devra assumer les coûts supplémentaires au plafond fixé.

Ce plafond ne sera pas considéré dans les cas de soins palliatifs.

4.2 Outil d'évaluation commun

L'outil proposé doit tenir compte des éléments suivants :

  • les caractéristiques physiques, psychologiques et l'environnement social de la personne pour l'estimation des besoins
  • les besoins particuliers de proches
  • le caractère évolutif des besoins de la personne et du milieu dans lequel elle évolue, et des besoins des proches : il faut prévoir une réévaluation au moins une fois par année.

Il faut noter ici que le rapport ne propose pas l'évaluation des besoins des proches de façon distincte. Il ne propose pas non plus la participation formelle de la personne dans la définition de ses besoins.

4.3 Profils types et services couverts et non-couverts

Le rapport prévoit des profils types qui serviront à désigner les dispensateurs de services ainsi que la tarification éventuelle des services.

4.3.1 Personnes requérant des services de courte durée :

  • Personnes avec ou sans facteurs de risque (incapacités légères, modérées ou graves)
  • Personnes en phase pré-terminale ou terminale.

Pour ces personnes, les services d'assistance personnelle et les services d'aide domestique sont gratuits. Le rapport Anctil parle de couverture publique, mais n'indique pas de façon claire qui dispensera les services : les auxiliaires familiales des CLSC ?

4.3.2 Personnes requérant des services de longue durée :

  • Personnes avec incapacités modérées ou graves avec risques non compensés par l'entourage
  • Personnes avec incapacités modérées ou graves sans facteurs de risque ou risques compensés par l'entourage.

Pour ces personnes, les services d'assistance personnelle et les services d'aide domestique sont gratuits. L'allocation directe versée sous forme de chèque emploi service est offerte aux personnes qui choisissent ce modèle et qui sont en mesure d'en assumer la gestion, sinon, les services sont offerts par le réseau public. (À noter que le rapport Anctil recommande un taux d'allocation uniforme partout au Québec)

Le rapport Anctil précise que les services seront dispensés par les auxiliaires familiales et sociales du CLSC dans les cas suivants : personnes présentant une problématique complexe, personnes en situation de vulnérabilité, personnes en soins palliatifs et personnes présentant des facteurs de risques sociaux non compensés par l'entourage, ou encore, des conditions de santé instables.

4.3.3 Personnes ayant des incapacités légères :

  • Personnes présentant des facteurs de risque
  • Personnes sans facteur de risque

Les personnes qui ont des incapacités légères sans facteur de risque et qui ont besoin de services d'aide domestique, sont référées aux entreprises d'économie sociale et les services ne sont pas gratuits. Selon leur niveau de revenu, les personnes peuvent avoir accès au Programme d'exonération financière. À ce sujet, le rapport recommande que l'échelle de tarification soit modifiée afin de hausser les exemptions, de façon à se comparer à celle du régime d'assurance médicaments.

Signalons également, que le rapport recommande l'abolition du crédit d'impôt pour personnes âgées de 70 ans et plus, retenant que le principe qui doit s'appliquer est celui de l'universalité (accès aux services selon les besoins plutôt qu'en fonction de l'âge) et que dès lors, la formule du crédit d'impôt ne saurait s'appliquer aux services de santé et de services sociaux.

Lorsqu'elles présentent des "facteurs de risques", les services sont gratuits et ce peut être les auxiliaires familiales des CLSC qui les fournissent. On peut se demander quelle sera la nature de l'évaluation qui sera faite en ce qui concerne le degré de facteurs de risques donnant droit à des services couverts par le réseau ? Également, comment sera délimitée la frontière entre les incapacités légères et les incapacités modérées, frontière qui détermine aussi la gratuité ou la tarification des services ?

Qu'adviendra-t-il lorsqu'une personne en perte d'autonomie, ayant été classée avec incapacités légères, franchira cette frontière ? Elle devrait normalement être réévaluée par le CLSC. Toutefois, comme il y a fort à parier que les ressources seront insuffisantes pour répondre à la demande, la personne sera invitée à poursuivre son entente de services avec l'entreprise d'économie sociale et à payer pour les services requis.

Partie V: financement

5.1 Rehaussement du financement

Le rapport propose de rehausser les dépenses en soutien à domicile de 20 % par année, au cours des trois prochaines années. Toutefois, il précise que les nouveaux investissements devraient inclure les centres de jour et les services offerts par les organismes communautaires, mettre l'accent notamment sur les services de réadaptation en CLSC, sans oublier le développement des activités de prévention et de promotion de la santé.

En incluant de la sorte d'autres éléments qui devront dorénavant être inclus dans l'enveloppe budgétaire des services de soutien à domicile, le rapport réduit considérablement la portée réelle de ces nouveaux investissements en terme de services directement associés au soutien à domicile à la personne et aux proches, sans compter que de façon formelle dorénavant, le programme s'adresserait également aux personnes en soins de courte durée (virage ambulatoire).

5.2 Mode d'allocation budgétaire

Le Comité Anctil estime que les services de soutien à domicile ne doivent pas, au sens technique du terme, être considérés comme un "programme" et en ce sens, il estime qu'on ne doit pas leur allouer une enveloppe fermée.

Il propose toutefois d'allouer une enveloppe "ciblée", une sorte de budget par capitation, selon un per capita pondéré (établi en fonction des caractéristiques socio-sanitaires de la population du territoire, de l'étendue du territoire et la dispersion de la population, des ressources en place, des efforts de redéploiement vers les services de base qui ont été faits au cours des dernières années).

Le Comité propose que par la suite, le budget du soutien à domicile soit alloué à même l'enveloppe de chaque programme, proposant ainsi le décloisonnement des différentes enveloppes qui existent toujours, du moins d'un point de vue virtuel.

Sur la question de l'allocation budgétaire, on a un peu de difficulté à suivre le raisonnement du comité, dans la mesure où on précisait au départ que les services de soutien à domicile ne devaient pas être assujettis à une enveloppe fermée... Il nous semble en effet, que le budget par capitation mène en quelque sorte à la création d'un budget fermé, par région.

5.3 Nouvelle source de financement pour les CLSC

Il est à noter, en ce qui concerne les personnes ayant des incapacités et qui ont accès à des services de soutien à domicile offerts par les autres régimes ou programmes, dont la CSST et la SAAQ, le Comité recommande :

Que le Ministère prenne entente avec les instances concernées afin que les CLSC soient en mesure de répondre à toutes les demandes et qu'ils soient compensés pour les services de soutien à domicile qu'ils offrent aux prestataires des autres régimes ou programmes publics.

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