Une école pour tous : l'éducation à
Montréal d'hier à aujourd'hui
Vers l'éducation pour tous : quelques dates
À Montréal, la première enseignante,
Marguerite Bourgeoys, bouleverse les pratiques d'éducation en
ouvrant sa première école en 1658 dans une grange. Elle
développe un projet pédagogique avant-gardiste:
formation savante des enseignantes, instruction gratuite pour tous
et toutes, éducation des filles, des pauvres et des
"sauvages", usage modéré de la correction, apprentissage
de la lecture à partir du français et non du latin. Son
œuvre d'éducation n'est pas limitée aux enfants mais
ouverte aux jeunes adultes, comme les Filles du Roi, à qui
elle dispense une formation de base, religieuse, alphabétique
et sociale, dans la ferme de Pointe Saint-Charles.
1789. Le rapport de la commission d'enquête Smith
recommande un système cohérent et neutre pour
francophones et anglophones au Québec. Le projet est combattu
par les deux Églises (anglicane et catholique).
1801. La première grande loi scolaire établit
l'Institution royale, chargée de créer un réseau
d'écoles publiques, neutres sur le plan religieux.
L'initiative est un échec : 22 écoles seulement sont
fondées entre 1801 et 1824.
1821. L'université McGill obtient sa Charte
royale.
1822.Création de la British and Canadian School pour
les enfants ouvriers.
1824. La deuxième grande loi scolaire, la Loi des
écoles de fabrique, permet la création de 68 écoles
paroissiales en 4 ans.
1828. Création du Mechanics' Institute de
Montréal.
1829. La troisième grande loi scolaire est celle des
écoles de syndic. Ces écoles sont subventionnées par
l'Assemblée législative ; elles sont gérées par
des syndics élus par les contribuables. En 1836, il y a
1 600 écoles de syndics au Québec.
1836. Le conflit entre les Patriotes et le gouvernement
bloque l'appareil d'État. Les subsides ne sont plus
versés aux écoles.
1836-1841 : La moitié des écoles
subventionnées ferment leurs portes. Le Québec n'a plus
de système scolaire.
1841. Le Parlement adopte une loi affirmant que les
enfants âgés de 8 à 12 ans ne doivent pas travailler
plus de 12 heures par jour !
1841. La quatrième grande loi scolaire jette les
bases du système confessionnel en instaurant le principe de la
dissidence pour les minorités religieuses. La taxe scolaire
foncière est instaurée.
1845. La cinquième grande loi scolaire institue les
commissions scolaires autonomes. À Montréal et à
Québec, on crée une commission catholique et une
commission protestante. Dans ces deux villes, les commissaires ne
sont pas élus mais nommés. La taxe scolaire foncière
est abolie.
1846-1852. Guerre des éteignoirs : de nombreux
propriétaires s'opposent au rétablissement de la taxe
scolaire foncière. L'État finit par avoir gain de cause.
1851. Fondation à Montréal du premier YMCA en
Amérique du Nord.
1859. Création du Conseil de l'instruction publique,
premier organisme de direction du système scolaire du
Québec.
1867. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique
consacre le caractère biconfessionnel du système scolaire
québécois et établit l'autorité des provinces
en matière d'éducation.
1868. Premier ministère de l'Instruction publique au
Québec, qui sera aboli en 1875. L'Église est opposée
à l'école publique, éventellement laïque, et
obligatoire.
1869. Le Conseil de l'instruction publique est
scindé en deux comités, l'un catholique, l'autre
protestant.
1870. Loi de la fréquentation scolaire obligatoire
en Ontario.
À partir de 1875, les mouvements progressistes et
ouvriers se battent pour l'instruction obligatoire, gratuite,
publique et même... laïque.
1876. Fondation de l'Université de Montréal,
succursale montréalaise de l'Université Laval de
Québec.
Vers 1880 : Début de la grande vague d'immigration
juive à Montréal.
1882. Loi sur les bibliothèques publiques en
Ontario.
1884.Les femmes ont le droit de s'inscrire à la
Faculté des Arts de l'université
McGill.
1885.Nouvelle loi restreignant le travail des enfants ;
elle sera appliquée de façon très
laxiste.
1888. Le gouvernement du Québec, dirigé par
Honoré Mercier, finance des cours du soir pour les ouvriers.
Le programme sera aboli en 1892.
British and Canadian School (1826)
(120 ouest, rue de la Gauchetière)
Au début du 19e siècle, se développent
quelques Sociétés d'éducation, gratuites, mixtes,
s'appuyant exclusivement sur le bénévolat et s'adressant
presque exclusivement aux enfants pauvres de niveau
élémentaire. Elles utilisaient ce qu'on appelait la
pédagogie "lancastrienne", dans laquelle les plus doués
ou les plus âgés apprenaient ce qu'ils savaient aux moins
doués ou aux plus jeunes. La British and Canadian School
était une de ces écoles.
Le Monument national
(1182, boulevard Saint-Laurent) L'éducation des
adultes et les cours publics (1896-1966)
Grand projet nationaliste, le Monument national est
aussi imprégné de la pensée libérale catholique
et réformiste qui veut opposer les vertus chrétiennes de
charité, entraide et partage à la montée du
socialisme. «Répandre l'instruction parmi les
masses» est, dès la conception du Monument National, la
préoccupation des dirigeants de l'Association
Saint-Jean-Baptiste. Le gouvernement d'Honoré Mercier qui
partage cet objectif lui accordera des fonds pour «l'ouverture
d'une bibliothèque publique et de cours d'instruction
publique». Les cours publics offrent un enseignement technique
et un enseignement général. Ces cours sont gratuits
et ouverts aux hommes et aux femmes, ce qui est très
innovateur. L'enseignement a lieu en soirée. N'importe qui
peut s'inscrire à l'unique condition de savoir lire et
écrire.
1889. Fondation du premier
établissement universitaire pour femmes : le Royal
Victoria College, associé à l'université McGill.
Années 1890 : Des noirs américains, travaillent
comme porteurs à bord des trains, s'installent dans le
quartier montréalais qu'on appelle aujourd'hui la Petite
Bourgogne. Ils créent le Coloured Church, qui deviendra plus
tard la Union United Church.
1893. Inauguration du Monument national,
véritable centre de formation des adultes.
1899. Ouverture de la Bibliothèque publique de
Westmount, première bibliothèque publique au
Québec.
1902. Fondation de la Ligue de l'enseignement (Godfroy
Langlois), qui réclame l'école obligatoire et
gratuite.
1903. Adoption d'une loi affirmant que les enfants juifs,
du point de vue scolaire, sont protestants.
1905. La bibliothèque de Sainte-Cunégonde,
première bibliothèque publique de langue française
à Montréal, ouvre grâce aux efforts
d'Édouard-Z. Massicotte.
1907. La Fédération des ouvriers du textile du
Canada se plaint du fait que la loi restreignant le travail des
enfants n'est pas appliquée.
1907.Fondation de l'église Union United par la
communauté noire du Sud-Ouest.
1908. Premier collège classique pour les filles (le collège
Marguerite-Bourgeoys à Westmount).
1913. Création de l'École nationale radicale
(qui deviendra l'école Peretz).
1914. Ouverture de la Bibliothèque publique
juive.
1916. Marie Gérin-Lajoie devient la
première femme à obtenir un diplôme d'une
université francophone.
1917. Inauguration de la Bibliothèque publique
de Montréal.
1919. Fondation de la division montréalaise de la
United Negro Improvement Association, qui s'inspire des thèses
de Marcus Garvey.
Années 20 : Crise des écoles juives.
1925. Albert Saint-Martin fonde l'Université
ouvrière, centre d'éducation populaire et
politique.
L'Université ouvrière d'Albert Saint-Martin
(1925-1936)
(divers lieux dans le faubourg Saint-Laurent et le
quartier Saint-Jacques)
En 1925, Albert Saint-Martin fonde l'Université
ouvrière : lieu de conférences, d'éducation
populaire et politique, et d'entraide pour les ouvriers et
les chômeurs. Avec la création d'épiceries
coopératives, de comités de chômeurs, d'une
association de consommateurs, etc., Saint-Martin est un peu
l'ancêtre du mouvement d'éducation populaire
d'aujourd'hui. Attaqué par les forces conservatrices (les
jésuites, Le Devoir, les fascistes, etc.), l'Université
ouvrière doit fermer en 1936.
De 1925 à 1940, l'université McGill applique
une politique secrète visant à réduire le nombre
d'étudiants juifs.
1926. Fondation du Negro Community Centre.
1930. Création d'une Commission scolaire juive qui
n'aura jamais d'existence que sur papier et qui
disparaîtra en 1931.
Ecole Peretz, 1942
(120, rue Duluth)
Fondée en 1913 pour transmettre aux enfants
juifs les valeurs du travaillisme-sionisme, l'école Peretz
emménage rue Duluth en 1942. La communauté juive s'est
dotée d'écoles privées représentant de
nombreux courants de pensée, de l'orthodoxie religieuse
au communisme en passant par le socialisme et le sionisme. Au
sein des écoles publiques protestantes ou catholiques,
l'héritage culturel juif n'était pas admis.
1935. Reprise du débat sur l'instruction obligatoire
au Québec. Le pape a d'ailleurs instauré
l'instruction obligatoire dans la cité du Vatican.
- Le gouvernement d'Adélard Godbout vote la loi de la
fréquentation scolaire obligatoire. À la Dominion Textile
de Saint-Henri, il y a encore des filles de dix ans qui
travaillent.
- Une loi assure la gratuité scolaire dans certains
écoles publiques; les commissions scolaires qui le
désirent peuvent se faire rembourser la moitié des frais
encourus.
1959. Loi sur les bibliothèques publiques au
Québec.
Années 60 : La Révolution tranquille jette les
bases d'un système d'éducation moderne. La gratuité
scolaire jusqu'à la onzième année permet aux couches
populaires d'accéder à l'école
secondaire.
1964.Création du ministère de
l'Éducation.
1965.Nomination du premier commissaire juif à la
Commission des écoles protestantes du grand
Montréal.
1965. Fondation du premier groupe d'alphabétisation
populaire au Québec, le Carrefour d'éducation populaire
de Pointe Saint-Charles.
1967. Création des
cégeps.
1968. Création des écoles
polyvalentes.
1969. Création de l'UQÀM, première
université d'État.
Au Québec, dans les années 1990, 6% de la
population adulte est analphabète complète, 13% est
analphabète fonctionnelle et 25 % n'est pas à l'aise avec
la lecture et l'écriture! C'est donc plus de 40% de la
population dont la maîtrise de la lecture et de
l'écriture ne correspond pas aux exigences accrues du
marché du travail et de la vie en société.
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1973. Première élection au suffrage universel
des commissaires scolaires de Montréal.
1997. Instauration des commissions scolaires
linguistiques en remplacement des commissions scolaires
confessionnelles.
« Lire sert à imbiber les esprits d'idées
fausses, sottes ou niaises... »
En 1841, La Chambre vote une loi limitant à 12 heures la
journée de travail des enfants de 8 à 12 ans. La
proposition initiale de 8 heures a été rejetée avec
violence par les députés: «Nous ne voulons pas que
les enfants vivent jusqu'à 10 ans sans avoir contracté
l'habitude salutaire du travail ». « L'esprit a son
intempérance comme le coeur, et trop d'instruction peut
être un don bien fatal pour celui qui la possède. Ainsi
donc, sans être ennemi de l'éducation, je pense qu'il
n'est pas avantageux d'étendre trop loin ses bornes; qu'une
bonne éducation élémentaire fondée sur des
principes religieux, suffit pour la masse d'une population. »
J.S. Raymond, 1847.
« Tout bon patriote doit aimer l'éducation;
toutefois chaque classe du corps social doit recevoir de ce
bienfait ce qui lui convient, autrement il n'y aurait aucune union,
aucune harmonie entre les différente classe de la
société » Mgr Bourget.
« L'enfant du laboureur élevé à
l'école est, à quinze ans, inhabile aux travaux de la
ferme; et c'est bien pis, il n'en a pas le goût... La science
a flatté son orgueil, diminué son respect pour le
père, allumé son ambition qui ne s'éteindra plus.
Les yeux continuellement fixé sur un but, la conquête du
bien-être par la richesse, il vivra malheureux, et son malheur
rejaillira sur ceux qui l'entoure. » Journal de
Trais-Rivières, 1865.
« Lire, écrire et compter peut mettre sur
un front le tricorne du savant, mais plus facilement encore, le
capuchon du gibier de potence (...) lire sert à imbiber les
esprits d'idées fausses, sottes ou niaises, à secouer les
nerfs d'émotions violentes et malsaines, à gaver tes
imaginations de faits divers et d'idées disparates qui font
bourdonner les têtes et empêchent de réfléchir
et de s'appliquer aux idées sérieuses ». L'Action
catholique, avril 1920. « La gratuité est un anneau de la
chaîne forgée par les sectes pour étouffer la foi
chrétienne et assujettir à leurs doctrines l'esprit de
l'enfance. (...) En elle-même absolument inoffensive, son
alliance avec la neutralité, la laïcité et la
contrainte scolaire serait suffisante pour nous la rendre suspecte
et nous engager à la rejeter comme un présent funeste
». M5' Paquet, années 20.
Le Collège de Montréal en 1883
(1931 ouest, rue Sherbrooke)
Jusqu'au début du 209 siècle, les
collèges classiques collèges privés
fréquentés par les garçons sont les seuls
établissements secondaires du Canada français. Tenus par
des prêtres et axés sur l'enseignement des matières
dites «classiques» (latin, grec, rhétorique,
etc.), ces écoles qui forment l'élite francophone sont le
seul moyen pour les garçons d'accéder à
l'université. Les grands exclus sont les filles et les enfants
des quartiers populaires.
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